Chapitre X

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Le roi :

Je retourne à mon bureau, j'ai une affaire urgente à régler. Je me hâte et rencontre la princesse. Je suis étonné de la découvrir dans les couloirs alors que je l'avais assignée dans sa chambre jusqu'à nouvel ordre. Je suis furieux qu'elle me désobéisse. Je me place devant elle. Son visage s'assombrit quand elle prend conscience de ma présence. Elle me salue et son regard désespéré en dit long sur son malaise.

"- Ne vous avais-je pas ordonné de rester dans votre chambre ?" Je contiens ma colère.

Elle baisse la tête de culpabilité. Je n'arrive pas à la considérer comme ma fille. Et à chaque fois que mes yeux se posent sur elle, ma souffrance augmente. Je lui en veux d'être en vie et ma petite fille morte. Je serre les poings pour contenir mon ressentiment. En fait, je déteste cette jeune femme, une inconnue sans importance pour moi. Cependant, je suis bien obligé de respecter au minimum le fait qu'elle vive parce que j'ai besoin d'elle, et, que contrairement à ce que j'avais prévu, c'est l'enfant que j'ai rejeté qui va devenir reine. Et cette option inévitable me heurte. J'ai fait rechercher ses bandits qui ont tué ma descendance. Leur sanction sera la mort, après une grande souffrance.

"- Retournez dans votre chambre, personne ne doit vous rencontrer ! Votre différence avec ma fille est trop évidente, vous avez besoin que l'on vous enseigne les bonnes manières de la cour, et, de vous imprégner de la personnalité, des habitudes de la princesse. Tant que vous ne maîtriserez pas ces notions, vous serez confinée dans votre chambre à l'écart de tout le monde !" Je lui explique.

Je suis conscient de ma cruauté, je me défoule sur cette innocente personne qui a le défaut d'être la copie conforme de l'enfant que j'ai aimé et choyé.

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La princesse Mathilde :

La sévérité de mon père me désarme à chaque fois que je suis confrontée à lui. J'ai peur de lui. Je retourne dans ma chambre d'où je ne dois absolument pas sortir. Je suis obligée avant tout de m'éduquer. Les dames de la cour dans la confidence de la supercherie sont engagées pour que je devienne la parfaite copie de la précédente princesse. Or, je ne suis pas elle. Je n'ai pas la même expérience de vie, mes souvenirs se résument à l'orphelinat et le foyer.

L'apprentissage des bonnes manières, la bonne tenue en société, je pense pouvoir l'assimiler. Je désire rester moi-même. Je me retrouve parachutée dans la vie d'une autre contre ma volonté, et on me force à devenir celle-ci. Comme si Mathilde ne valait rien. C'est au-dessus de mes forces. Cependant, ce qui me maintient dans cet univers, c'est ma mère. Elle m'a reconnue immédiatement. Je souris à travers mes larmes.

Comment dois-je me comporter avec ce beau prince qui est mon mari ? J'ignore comment interagir avec lui. Nous nous sommes déjà embrassés, c'était une agréable sensation. Mon corps entier a vibré au contact de ses lèvres. Et mon cœur s'est déchainé comme il ne l'avait jamais fait. Je croyais, pourtant, vouer mon amour à Dieu, mais pour lui je n'ai jamais rien ressenti de tel.

Je m'approche de l'unique fenêtre de ma chambre dans cette tour dorée où je dois m'améliorer. Je contemple le paysage et mes yeux s'arrêtent sur le prince qui se promène dans le jardin. Il lève la tête vers ma chambre, je m'écarte de celle-ci pour ne pas être découverte. Mon cœur s'emballe comme lorsqu'il m'a embrassée. Ces émotions sont très prenantes et arrivent à l'improviste. Un regard de lui, et je suis ainsi. Je mordille ma lèvre inférieure. Il m'intrigue autant qu'il fait palpiter mon cœur.

J'avance lentement ma tête vers la fenêtre sans trop me rapprocher pour être vue. Il contemple encore. Je retourne à ma place initiale pour me cacher de lui, et, je renonce à observer le paysage. Je m'allonge sur mon lit, et, je réfléchis à tout ce qu'il s'est passé depuis que j'ai découvert que j'avais un père, le roi de France, excusé du peu. Cette réflexion m'arrache un sourire qui disparait immédiatement quand je me remémore les mots durs de celui-ci à mon égard. Ma vie pourrait être clémente, au lieu de cela, elle est très perturbée. Je soupire d'impuissance. Je ne suis qu'un pion que l'on manipule pour devenir la pâle copie d'une sœur brillante et aimée.

Je frappe du poing mon lit. Je ne peux pas lutter contre ce destin qui m'empêche de vivre la vie que j'avais choisie, celle qui devait me rendre heureuse et me faire oublier que j'avais été abandonnée par ma famille. Aujourd'hui, je suis dans cette famille et je ne suis pas du tout heureuse. Ce n'est pas ainsi que j'imaginais les retrouvailles. Curieusement, au fond de moi, je savais que je rencontrerais ma famille un jour. J'étais loin de m'imaginer dans ces conditions. Je suis avec eux, mais à l'exception de ma mère, on me déteste. J'observe le portrait de Marie, la véritable Marie, son regard semblait perdu dans le flou. Je ne la trouve pas épanouie et joyeuse sur cette reproduction de son portrait. J'étais seule avant, mais au moins je pouvais être moi-même.

Je me redresse sur le lit, il me semble avoir entendu frapper à ma porte. Je pensais que personne ne devait me déranger ? Je suis étonnée. Je m'approche lentement sans faire de bruit, et j'écoute quelques minutes près de la porte. Un nouveau coup frappé me fait sursauter.

« - Je sais que vous êtes dans votre chambre, je vous ai aperçue par votre fenêtre ! » Me fait constater le prince.

Oh ! Que faire ? Je ne dois pas être en contact avec lui, mais il insiste pour entrer. Il pousse la porte avant que je ne puisse la retenir. Il entre dans la pièce. Il pose les yeux sur moi, et s'avance. Je recule d'autant de pas. Le lit me bloque, et je bascule en arrière. Il me suit dans ma chute, et retombe sur moi. Il place ses deux coudes de chaque côté de ma tête. Je suis prisonnière de son corps, et de son regard affamé. J'ai peur, et, en même temps, je me délecte de ce contact. Il me sourit. Mon cœur bat la chamade, ma respiration est saccadée, je suis à fleur de peau, conquise.

Il m'observe encore quelques secondes avant de pencher son visage vers le mien. Nos lèvres se percutent. Il ouvre sa bouche pour recouvrir totalement la mienne. Je suis prise au dépourvu, et je ne sais pas ce que je dois faire. Il gémit en remuant ses lèvres, je suis perdue et tentée de suivre sa cadence. Il s'écarte, m'embrasse encore, et encore. Puis, nous sommes interrompus par une dame de compagnie qui fait irruption dans la chambre. J'en profite pour échapper à son emprise.

Il s'adresse avec dédain à ma suivante :

« - Je n'apprécie pas que l'on me dérange quand je suis avec ma femme ! ».

Elle lui demande de sortir. Il refuse. Elle le menace de prévenir le roi et lui explique que je suis confinée dans ma chambre pour avoir désobéi à ce dernier. Il fronce les sourcils, mais se soumet aux ordres royaux à contre cœur. Je suis émoustillée par notre contact sensuel, je me remets de mes émotions, légèrement décoiffée, les joues brûlantes. Je suis troublée. Je cache ces émotions. Mon mari plonge ses yeux dans les miens, mon cœur bat à nouveau la chamade. Je suis touchée en plein cœur, j'ai des sentiments pour ce beau prince. Il me sourit tendrement, et, je fonds littéralement. Cependant, je me ressaisis, cette femme qui nous fixe me désarme un peu. Je feins l'insouciance en me réfugiant devant mon bureau et sortant un livre pour le consulter.

Le prince sort comme demandé. Je reste tête baissée sur l'ouvrage, incapable de contenir mes émotions. La porte de ma chambre se referme, je souffle longuement de soulagement. Cet homme, mon mari a réveillé mon cœur meurtri.

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Le prince Felipe :

Je sors sans motivation de la chambre de mon épouse. Je progresse lentement dans le couloir. Mon cœur bat très rapidement, ma femme me plait de plus en plus. Je pose ma main sur ma poitrine et m'adosse au mur pour me remettre de mes émotions. Je serre les poings, je la veux. Cela en devient douloureux. Elle a désobéi à son père, elle doit rester dans sa chambre. J'imagine que le fait d'avoir été surpris ensemble, ne va pas rester anodin. Ils vont renforcer la surveillance de la princesse. Cette réflexion m'arrache une grimace de colère. Je tape du pied au sol. Nous sommes mariés, pourquoi nous éloigne-t-on ? Cette séparation est insupportable.

Je rejoins mes appartements. Je ferais la demande à l'expiration de sa punition que ma femme vive avec moi. Il est inutile que nous soyons chacun de notre côté. Je ne suis pas dupe, on nous a mariés pour concevoir un héritier. Comment si nous sommes séparés ? En tous les cas, je n'accepterais pas cette situation très longtemps. J'irai voir le roi avec ma demande. Il serait inconcevable qu'il refuse ! Un couple de jeune marié doit vivre ensemble. Il ne sera pas contre cet argument !

Pile ou faceWhere stories live. Discover now