- Tu sais ce qu'il fait quand il sort ?

La gouvernante m'envoya un regard par dessus son épaule tandis qu'elle s'affairait à lustrer la table basse, à côté du canapé.

- Non, aucune idée. Pourquoi ? La lubie de fouiller dans sa vie t'a encore prise ?

Je roulai des yeux. En réalité, cette question n'était qu'accessoire. La réponse m'intéressait, certes, mais elle n'était pas la plus importante. Elle n'était qu'une amorce à la suivante.

- Je m'interroge juste... On vit ensemble mais il n'est là que la moitié du temps. Il rentre n'importe quand, semble aller n'importe où faire n'importe quoi avec n'importe qui...

Je vis au regard que Sohee me lança que la corde faible était atteinte, le piège se refermant sur elle doucement.

- Ne soit pas mauvaise langue Jungkook. Il a le droit d'avoir une vie en dehors de la musique.

Sohee ne supportait pas que l'on parle en mal du maître de maison. Bien qu'elle ne connaisse pas sa vie ou ses secrets, elle lui portait une affection qui dépassait le simple lien patron-employé. Je l'admirais pour ça, mais aujourd'hui, cette loyauté la desservirait.

- C'est un homme très libre on dirait bien. Il n'a pas d'heures, il fait tout ce qu'il veut quand ça lui chante. dis-je avec un ton qui se voulait accusateur.

Les jointures des mains de la brune blanchirent comme si mes paroles l'irritaient tout particulièrement.

- Bien sûr que si qu'il à des horaires à respecter. Il ne veut juste pas qu'une floppée de journaliste l'attende chaque jour devant sa porte quand il rentre.

J'y arrivai doucement. J'allais connaître précisément les heures d'arrivée du musicien. Au fil des semaines, je n'étais toujours pas parvenu à établir un emploi du temps précis du violoniste, comme s'il revenait à la maison au gré de ses envies. J'avais pensé qu'il errait sans but jusqu'à s'en lasser et rentrer n'importe quand, mais aujourd'hui, Sohee m'apportait la preuve du contraire.

Je fis preuve d'une fausse naïveté qui sembla achever de la convaincre.

- Ah bon ? Et quand ça ? J'ai l'impression qu'il rentre toujours n'importe quand pour un homme soit-disant occupé.

Bien évidemment, je ne pensais pas un mot de ce que je disais.

- Si tu l'observes bien, tu remarqueras que chaque jour il rentre une heure plus tard que le précédent, puis en début de semaine, il remet tout à zéro.

- Il te l'a dit ?

- Non, je l'ai remarqué. Tu sais, ça fait des années que je travaille pour lui. Je connais ses habitudes, ses hantises et ses passions. Peut-être même une partie de son futur proche, qui sait. Tout ce que j'ignore à propos de Taehyung, c'est son passé.

J'hochai la tête, intrigué avant de poursuivre.

- Et pourquoi il fait ça ? C'est étrange comme système.

Elle se tourna finalement vers moi et s'approcha pour parler plus bas, comme si elle me mettait dans la confidence d'un secret lourd de sens.

- Au début je pensais qu'il faisait réellement ça pour tromper les journalistes. Et je pense que ce n'est pas entièrement faux. Mais maintenant je crois surtout qu'il fait ça pour casser la routine.

Kim Taehyung était comme un puzzle en morceau. Chaque nouvelle information était une pièce que j'assemblais aux autres pour former cet ensemble encore creux qui un jour peut-être, serait complet. Je me figurais encore mal l'étendue complète de celui-ci, mais j'avais sans cesse l'impression qu'il y avait toujours plus à découvrir sur lui, et celle-ci était en fait renforcée par le fait que pour l'instant, malgré mon implication, je ne savais rien de lui. Au bout d'un mois, d'un tier de notre parcours je ne savais toujours rien de lui si ce n'était qu'il passait des nuits agitées et qu'il était un excellent musicien. Le résultat était bien maigre et finalement, avec un peu de recul, l'agacement dont faisait preuve Minjun prenait sens.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Where stories live. Discover now