Chapitre 26: Mourir

63 7 2
                                    

Oui je sais, me répond-elle les yeux en direction du sol, petit à petit remplis par les larmes.

C'est donc pour cela que je ne la voyais plus, elle voulait me cacher cette toute nouvelle beauté particulière. Cela aurait été un compliment pour n'importe qui mais elle et moi savons tous les deux ce que ces yeux brillants signifient.

— Enfin tu as toujours été très belle cela ne veut peut-être rien dire.

Je tente de me rassurer, n'a-t-elle pas toujours ainsi ? Peut-être que c'est le fait de la voir pour la première fois depuis longtemps qui me donne cet effet, peut-être que l'amour que je ressens pour elle à présent a changé ma façon de la voir.

J'essaye de me persuader que ces raisons sont valables mais je sais que je me mens à moi-même. Et que je ne suis pas le premier à comprendre que Léto a été atteinte par la maladie. Elle le sait très bien et voulait m'en protéger en s'éloignant de moi. Mais jusqu'où serait-elle allée ? Jusqu'à mourir toute seule ? Je dois lui parler, nous devons parler et cela sans éluder le sujet qui nous brise le cœur.

— Viens lui dis-je en tapotant la place à côté de moi sur le sofa.

De grands yeux timides viennent à ma rencontre et me questionnent avant que la bouche n'ait le temps de sortir ses mots.

— Tu es sûr ? Tu n'as pas peur de moi ?

Je reste quelques secondes le regard fixe et la bouche entre-ouverte avant de me ressaisir.

— Bien sûr de non, pourquoi aurai-je peur de toi ?

— Tu sais très bien pourquoi. Je suis malade, j'ai une maladie mortelle et contagieuse donc pourquoi me voudrais-tu à tes côtés ?

— Car je serais toujours auprès de toi, peu importe que tu sois malade ou non. Puis tu sais très bien que nous ne prenons aucun risque en étant juste l'un à côté de l'autre donc viens, j'aimerais juste te parler.

Elle s'approche alors à petits pas, comme si elle avait peur de franchir ces quelques mètres qu'un nous sépare. Elle pense que je suis effrayé alors que c'est elle qui l'est en réalité.

Maintenant qu'elle se tient sur le sofa et que les mètres sont devenus des centimètres je ne sais plus vraiment quoi faire, quoi dire. J'avais préparé un petit discours pour déclarer mes sentiments non ? Je suis sûr que oui mais je l'ai déjà oublié. Puis mes sentiments semblent bien secondaires face au sien à présent. Je me sens inutile et décide donc d'être honnête.

— Dis-moi si cette question est ridicule, ou même si elle est nulle d'accord ? Je me sens stupide tout à coup donc je compte sur ta franchise légendaire. Mais comment te sens-tu ?

C'est nul, nul, nul pourquoi une question aussi bête ? Elle est en train de mourir et moi je lui demande comment elle se sent. Elle se sent mal bien évidemment donc pourquoi j'enfonce le couteau dans la plaie ? Je suis vraiment le roi des maladroits, je me prépare donc à me faire traiter d'imbécile dans quelques secondes. Mais à mon plus grand étonnement Léto me répond avec calme et ne m'insulte même pas.

— Tu sais ta question n'est pas ridicule, je me la pose depuis plusieurs jours aussi. Je sais que tu dois trouver cela bizarre, mais je ne sais même pas si je dois être triste ou avoir peur.

— Que ressens-tu alors ?

— Rien, du vide. Un peu comme si cela n'était pas une grande nouvelle et que je le savais depuis longtemps. Je suis même soulagée, en quelque sorte je me sens mieux maintenant.

— Mieux ? Mais pourquoi ? Tu es contente de... De...

— De mourir ? Je ne sais pas. Mais mon destin était en suspens depuis bien trop longtemps, c'est agréable de savoir où je vais à présent. J'avançais dans un épais brouillard et maintenant le soleil est de retour et m'éclaire. C'est agréable.

— Mais tu n'es même pas un peu triste ? Tu es encore jeune tu devrais avoir encore de nombreuses années devant toi pour réaliser tous tes rêves. C'est injuste.

— Il est illusoire de croire en une justice dans ce monde. Des personnes jeunes meurent tous les jours et d'affreux êtres humains vivent parfois même un siècle. La vie n'a jamais été juste et ne le sera jamais on ne doit donc pas attendre cela d'elle. Une fois que l'on a compris cela, on se sent mieux, je te l'assure, on ne perd plus son temps à chercher une justice qui n'existe pas et on peut se concentrer à créer son propre destin.

— Mais tu ne regrette même pas ?

Mais pourquoi j'insiste ? Elle est apaisée face à son destin et moi je veux remette tout cela en question. Peut-être parce que moi je ne le suis pas, apaisé.

— Regretter quoi ? D'avoir aimé mon mari car c'est à cause de lui que je suis malade aujourd'hui ? Jamais de la vie, grâce à lui j'ai pleinement vécu, en quelques années j'ai accompli plus que ce que d'autre feront en plusieurs années. Si je devais vivre rapidement alors qu'on me laisse mourir jeune, je ne regretterais pas. Une seule chose m'inquiète ?

— Quoi donc ?

— La mort est bien plus douce que la vie. Quand mon mari est mort j'ai tellement souffert, c'est horrible de perdre ceux qu'on aime, je ne veux pas que ma mère vive cela.

Elle va mourir et ne pense qu'aux autres, je dois donc faire de même. La seule chose qui l'inquiète c'est de laisser ceux qui l'aiment j'ai donc décidé que je ne lui dirais rien. Je ne lui dirais pas les sentiments que j'ai pour elle, cela serait égoïste de ma part. Je ne dois pas en rajouter à sa peine, donc je dois rester le Kha. Celui qui n'est présent que parce qu'il a conclu un pacte avec elle et tout faire pour qu'elle n'apprenne jamais que je serais aussi celui qui la pleurera jusqu'à la fin de ses jours. Même si je sais qu'en taisant mes sentiments, c'est mon cœur qui se meurt et que ce sera donc lui la première victime de la maladie.

Kha: L'amour impossibleWhere stories live. Discover now