Chapitre 17: La beauté

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— Me libérer mais... et toi ? Tu devras alors épouser ce vieillard violent ?

Mais pourquoi je me préoccupe encore d'elle au juste ?

— Ce n'est pas grave ta vie ne vaut pas moins que la mienne. Tu dois pouvoir faire tes propres choix. Si tu restes avec moi c'est parce que tu le voudras, pour m'aider sincèrement. Et si tu décides de partir je ne ferai rien pour te retenir.

Je dois avouer que Léto me met face à une situation à laquelle je ne m'attendais pas. Il était presque plus confortable pour moi qu'elle me force à « l'épouser ». Alors que maintenant je suis face au néant du futur. Au départ je voulais faire une bonne action, puis enquêter sur elle mais elle a raison ma vie ne vaut pas moins que celles des autres. Je peux ne pas vouloir l'aider, je peux ne pas vouloir protéger ces villageois si cruels, je peux ne pas vouloir venger la mort de son mari. Mais d'ailleurs...

— Je pense que l'on s'éloigne du sujet Léto, tu devais me dire pourquoi tu as tué ton mari.

— Oui bien sûr. Tu te souviens de l'épouse de l'amoureux de mon mari ?

Cette phrase est assez surprenante à entendre mais j'arrive à la comprendre quand même.

— Oui bien sûr.

— Un jour elle est devenue magnifique. Enfin, en fonction des critères de notre société bien sûr. Ses yeux étaient devenus plus brillants que le soleil, sa peau plus pâle que le brouillard du matin et sa taille plus fine qu'une tige de tournesol. Tout le village était en admiration devant elle, nous n'avions plus l'impression que nous étions face à une femme, elle ressemblait à une déesse.

— Cela me paraît plutôt positif donc, je le répète, mais pourquoi avoir tué ton mari pour ça ?

Je ne comprends pas où veut en venir Léto. En quoi l'épouse de l'amoureux de son mari est en lien avec le meurtre de ce dernier. Mais je garde mon calme et continue de l'écouter.

— Car cette beauté avait un prix. Elle a commencé par cracher du sang, de plus en plus au point où je pense qu'il ne pouvait plus en rester dans son corps. Nous avons tout essayé mais rien ne pouvait soigner son mal.

— Et ensuite que s'est-il passé ?

— Ses yeux ne brillaient plus, ils étaient remplis de larmes qui ne pouvaient couler, sa peau n'était plus celle du brouillard du matin mais celle d'un fantôme et sa taille n'était plus celle d'une fleur mais celle d'une simple brindille. À ce stade elle n'arrivait plus à bouger. Ses pieds, ses jambes, son buste, ses bras, ses mains, sa tête, sa bouche, ses yeux rien ne pouvaient plus bouger. Elle est restée prisonnière de son propre corps pendant une lune. Elle avait l'air morte mais ne l'était pas, elle continuait à respirer, son cœur continuait à battre et nous, nous continuons à tout essayer pour la sauver.

— Et tu as réussi ? Zabelle et toi, je vous ai toujours vu réussir.

— Pas cette fois. Elle est morte sans même que cela ne change quoi que ce soit car elle l'était déjà avant, différemment c'est tout.

— Quel est le rapport avec ton mari ?

— Un jour son amoureux est devenu très beau lui aussi. Nous avons donc essayé de le soigner plus tôt mais l'issue a été tout aussi fatale.

Je ne comprends pas, je pensais que Zabelle et Léto étaient des sorcières donc si ces personnes avaient un pacte avec les dieux elles auraient très bien pu déjouer la mort elle-même ?

— Qu'avaient donc ces personnes ? Un sort ? Une malédiction ?

— Rien de tout ça, c'est juste une maladie. Le village pense qu'ils étaient ensorcelés car on ne sait pas de quoi ils sont morts. Et quand on ne comprend plus cherche la réponse la plus simple à comprendre. « Ça nous dépasse ? Cela vient donc d'entités au-dessus de nous. Et puis, vu leur manière de vivre, ils l'ont bien mérité ». Fin du mystère pour eux.

— Et toi comment peux-tu être sûre que c'est une maladie.

— Car ça ne serait pas la première fois que je soignerais des « malédictions ». Je ne suis pas plus grande que les dieux c'est donc que les maladies sont du ressort des hommes et que parfois on peut ignorer comment les soigner c'est tout.

— Et comment se transmet cette maladie ?

— J'ai encore des doutes, mais vu les personnes atteintes les unes après les autres je pense que cette maladie se propage par l'amour.

— Par l'amour ?

— Oui par l'amour. Mais pas celui familial ou amical car leurs proches n'ont rien eu. Mais plutôt tu sais l'amour que peuvent avoir un homme et une femme. Ou un homme et un homme.

— Donc ton mari est lui aussi tombé malade c'est ça ?

— Tu as tout compris. Encore une fois nous avons tout essayé mais rien ne fonctionnait. Il a donc décidé qu'il voulait mourir avant la paralysie, il avait trop vu ses amis souffrir. Nous avons profité jusqu'au dernier moment puis nous avons décidé d'une date. Elle n'était pas symbolique mais il sentait la paralysie venir. J'ai donc préparé un poison, celui qui le tuerait avec le plus de douceur. Et j'étais à ses côtés lorsque je lui ai tendu la vasque mortelle. Donc oui, j'ai tué mon mari, cela n'était pas pour me défendre ou sauver la vie d'autrui. Donc si je vais jusqu'à un procès il est normal que je sois reconnue coupable car je le suis. Je savais que mon acte me mènerait tout droit au bûcher mais si cela était à refaire, je recommencerai sans aucune hésitation.

Quand Léto me l'explique tout me semble si limpide. Je comprends alors que j'aurai pu faire la même chose, moi qui me pensais si supérieur à elle avec mes grandes valeurs. Mais alors j'y pense.

— Mais et toi ?

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Et toi lecteur, qu'en penses-tu ?
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Kha: L'amour impossibleWhere stories live. Discover now