Chapitre 22: Le poison

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       Un juge qui se prend pour un roi entre dans son royaume. L'estime qu'il se porte vient m'étouffer tant elle prend d'espace, il est fier d'avoir enfin attrapé la sorcière grâce à ses araignées qui ont tissé leurs toiles pour attraper la pauvre petite mouche qu'est Léto, inoffensive mais qui agace tout le monde jusqu'à ce qu'on ait besoin d'elle.

       Les témoins défilent, les uns après les autres à une vitesse folle, je n'ai même pas le temps d'assimiler une histoire qu'une autre arrive. Mais je parviens tout de même à reconnaître la mère du garçon que Léto a sauvé, j'attends, j'attends enfin quelqu'un qui prendra sa défense mais elle préfère l'autre, rien ne sort de sa bouche à part des mensonges.

       Elle n'a pas le courage de défendre celle qui lui a tout apporté, celle qui lui permet d'avoir son enfant à ses côtés aujourd'hui car les répercussions sur elle seraient terribles. Elle sait déjà que Léto va perdre, elle doit donc penser que cela ne sert à rien de se mettre tout le village à dos. Mais que fera-t-elle si son fils a de nouveau besoin de Léto et que celle-ci est déjà morte ? Ses larmes seront-elles d'autant plus douloureuses ?

       Et je pense que c'est ce que se sont dit tous ces témoins. La partie est perdue d'avance rien de sert de jouer, on ne risque que de se blesser.

       Vient ensuite le tour des experts. Ils expliquent que Léto ne suit aucune des recommandations données par l'ordre des soigneurs, et que de ce fait toutes ces « potions » ne sont que le fruit d'une âme vendue, d'une sorcière. Elle ne suit pas leurs règles, elle les enfreint même parfois donc c'est de la sorcellerie bien évidemment. Il n'est pas question pour eux d'envisager qu'ils puissent se tromper et Léto avoir raison.

       Le juge fait remarquer à Léto que sa sorcellerie l'a bien aidée jusqu'à présent, que grâce à ses pouvoirs on n'a pas pu l'inculper et l'exécuter pour le meurtre de son premier mari mais qu'aujourd'hui sa fuite était terminée, les Hommes l'avaient attrapée.

       Et je ne peux qu'avouer qu'il a raison, non pas sur la sorcellerie bien sûr, mais sur le fait que ses connaissances l'ont rendu plus maligne qu'eux. De ce fait elle a donc pu s'en sortir pendant de nombreux jours, elle qui est réellement coupable d'avoir tué son époux.

       Soudain, je m'en veux d'avoir été celui qui lui a fait baisser la garde à cause de ma maladie. Elle a dû avoir peur pour moi et est partie sans prendre ses précautions habituelles et s'est alors fait attraper. J'ai passé une majeure partie de mon temps à la juger, à la critiquer mais elle n'a pas hésité à prendre des risques pour que j'aille mieux. Soudain l'angoisse s'empare de moi, et si elle mourait par ma faute ?

       Viens ensuite le tour de Léto. Elle tente tant bien que mal de s'expliquer, de dire qu'elle n'a jamais tué personne, mensonge, qu'elle n'a pas vendu son âme, vérité, qu'elle est qu'une simple femme qui pense différemment, vérité. Mais cela n'a aucun impact.

       Et voilà le moment, mon moment celui où je dois convaincre ce juge, cette cour, ce village, ce peuple de sauver Léto de la situation dans laquelle je l'ai mise et surtout de ne pas l'envoyer au bûcher.

— Monsieur Kha, je ne vois pas votre nom de famille sur vos papiers est-ce une erreur ?

       Je n'ai jamais eu de nom de famille. Quand vous êtes un monarque comme je l'étais, aussi célèbre que je l'étais un prénom suffit pour que tous connaissent votre identité. Je crains alors que l'on découvre le vrai moi, celui qui se cache sous ce masque, celui qui se cache sous ces brûlures et invente donc un mensonge.

— Je n'ai pas jugé nécessaire de le noter car je porte le même nom que Madame Léto.

— Un homme qui prend le nom de sa femme c'est... original, dit le juge avec toute l'incompréhension du monde.

Il remet vraiment en cause la virilité et l'homme que je suis juste pour une histoire de nom.

— Vous êtes donc la victime de cette affaire, est-ce exact ?

— Non, dis-je d'un ton ferme et sans aucune hésitation dans la voix. Léto n'est pas mon bourreau et je ne suis pas sa victime.

       Je plonge mon regard droit dans celui du juge, cela fait longtemps que je ne me suis pas montré aussi confiant face à un inconnu mais aujourd'hui il le faut, même si tout ce manège n'est qu'apparat. Les yeux du juge s'arrondissent. Il pensait avoir tout prévu avec soin et détail, que j'allais être de son côté comme tous les autres, et voilà que son château de cartes s'effondre par le vent de mon inattendu courage.

— Êtes-vous assez fou pour penser que ce que contient cette fiole n'est pas un poison ? Pensez-vous vraiment que vous n'alliez pas bientôt mourir comme son premier mari ? Vous savez qu'elle a tué son époux, savez-vous comment il est mort ? Empoisonné, tout le monde le sait ici. Alors pourquoi vous pensez-vous plus malin que lui, que nous ? Elle l'a tué, cessez de le nier.

Oui je sais, mais je ne l'avouerais jamais, bien évidemment. Je me contente donc d'un nouveau mensonge.

— Elle n'a jamais tué qui que ce soit et j'en suis persuadé. Je peux donc vous certifier qu'il n'y a aucun poison ici.

— Le certifier ? Et comment ? Seriez-vous donc prêt à boire ce que contient ce récipient ? Dit le juge un petit rire en coin.

Il pense m'avoir pris dans son piège, il pense que je ne fais pas confiance à Léto mais il se trompe.

— Sans aucune hésitation.

Le juge me regarde alors de haut car, oui, je le défis. Il pensait avoir déjà tout réglé et je suis le bâton dans la roue de torture qu'il avait déjà préparé pour Léto.

— Dans ce cas, que l'on amène à cet homme sans nom à lui ce poison, vu qu'il est si sûr de lui il le boira sans hésitation. Pas vrai Monsieur ?

Le juge lève un sourcil, alors qu'il me pose sa question. Il attend que je vacille mais il n'en est rien, je crois en Léto, j'ai foi en elle. Je saisis donc la fiole et bois tout son contenant sans prendre le temps de respirer entre chaque gorgée.

Et là, rien ne se passe, je ne meurs pas. La salle commence à s'agiter le juge tente donc du mieux que son incapacité le lui permet, de remettre l'ordre dans son tribunal.

— Juge adjoint vous êtes celui qui a conservé cette fiole ? Hurle-t-il donc pour se faire entendre parmi la foule.

— Oui mon honneur, je ne l'ai pas lâchée une seule seconde.

— A-t-elle déjà été sans surveillance ou échangée ? Un autre que vous en a-t-il eu la charge ?

— Non c'est impossible je l'ai surveillé moi-même pour mettre la sorcière au bûcher.

— C'est elle, s'écrit alors une voix dans la foule, elle a réussi grâce à la magie noire à changer le contenu pour le rendre inoffensif.

Je prends alors la parole et avec calme lui répond.

— Voyons cher monsieur, nous sommes dans un pays civilisé, le juge ne pourrait jamais être trompé par de la magie, il est bien au-dessus de cela.

       Voilà le magistrat bloqué, il ne peut pas admettre que la magie existe et qu'elle serait supérieure à son autorité. Croire en de telle chose pour un homme de son rang serait considéré comme de l'hérésie et pourrait l'amener à son tour à être jugé. Je le vois donc activer tous ses méninges pendant quelques longues secondes avant de répondre.

— C'est un poison qui peut être d'action lente, gardons les donc tous les deux en observation, au cachot. Et si au bout de quatorze levers de soleil Monsieur Kha est toujours vivant, je rendrai mon verdict.

       J'entends alors le bruit du marteau contre le bureau qui vient marquer la fin de cette mascarade. J'ai encore du mal à réaliser ce qu'il vient de se passer, mais je crois avoir réussi ce que souhaitait, Léto s'éloigne du bûcher.

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Kha: L'amour impossibleUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum