Chapitre 23: Un couple pas si faux

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       Quatorze jours au cachot ? Mais depuis quand met-on les victimes en prison ? Ils détestent tant Léto que son « mari » lui aussi en prend pour son grade. Mais si c'est pour elle, je peux le faire.

       Je suis dans la cellule en face de celle de Léto, de l'autre côté du large couloir, de sorte que nous soyons assez éloignés pour qu'elle ne puisse pas me fournir un quelconque antidote qu'elle aurait caché je ne sais où, vu qu'ils nous ont enlevé tous nos vêtements avant de nous recouvrir de couvertures si piquantes qu'elles ne doivent pas être faites de laine mais bien de dards.

        Nous voilà donc tous les deux nus, suite à une inspection minutieuse de nos corps, protégés par une pluie d'aiguille dans des cellules qui parviennent à être glaciales au milieu du désert.

— Kha, comment vas-tu ? Je suis désolée, je suis désolée de te faire subir ça, je suis désolée de tout.

Léto se met à genoux face à moi et joint ses mains comme pour me prier de l'excuser.

— De quoi es-tu désolée au juste ? De m'avoir soigné ? Je devrais plutôt te remercier, je me sens beaucoup mieux depuis ton petit cocktail.

— Mais tu n'aurais jamais dû le boire. Pourquoi avoir fait cela ?

Je ricane, qu'elle drôle de jeune femme.

— Pourquoi ? Tu voulais que je reste malade ?

— Non, non bien sûr que non.

La voix de Léto monte dans les aiguës de peur que je puisse vraiment penser qu'elle me veuille du mal.

— Alors pourquoi n'aurais-je pas dû boire ta concoction maison ? Je te l'ai déjà dit je me sens mieux maintenant.

— Je sais très bien pourquoi tu as défié le juge, tu voulais prouver mon innocence mais tu n'avais pas à faire ça.

— Tu es en train de me dire que c'était vraiment du poison et que je vais mourir là tout nu au fin fond d'un cachot sordide ?

J'essaye l'humour pour dévier la direction de la conversation que Léto cherche à emprunter.

— Non tu n'avais pas à faire ça car tu sais, tu es le seul à savoir. Oui je ne t'ai pas empoissonné mais cela ne signifie pas que je ne mérite pas le bûcher. En buvant cette fiole tu m'en éloignes, pourquoi as-tu fait cela ?

— Car tu ne devrais pas être punie pour ce que tu as fait.

— Vraiment ? Tu le penses vraiment ? Dit Léto en mettant ses mains contre le sol pour se redresser.

— Oui je le pense vraiment. Tu es une belle personne Léto, tu ne mérites pas de mourir.

Un silence lourd comme des tonnes d'éléphants suit notre conversation. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête en ce moment. Elle sait avoir fait ce qui était juste mais pense-t-elle pour autant devoir être brûlée vive pour cela ? Peut-on désobéir aux lois et accepter la punition pour autant ? Pire que de l'accepter, penser qu'on la mérite ?

Elle a tué en sachant que c'était interdit mais juste. Serait-elle alors, au nom de la justice des hommes, prête à en subir les conséquences et mourir ?

Je suis sortie de mes pensées qui se veulent philosophiques par une petite voix douce.

— Ils vont te haïr, tu le sais ça ? Car, à part si tu meurs de froid d'ici là où qu'un garde ne te tue, tu sortiras vivant de cette prison. Tu seras celui qui a permis à la sorcière de s'échapper et de retourner dans leur village.

— Tu m'as vu ? Il me déteste déjà. Pour eux je suis un monstre que l'on doit cacher. Donc ne t'inquiète pas pour moi, je ne suis plus à une raison près de me faire détester. Et si cela permet de te sauver, je suis prêt à l'endosser.

C'est à mon tour alors d'entendre un ricanement.

— Je commence à croire que nous formons un beau couple tous les deux, ceux qui se prennent pour des monstres ensemble.

       Cette phrase de Léto ne cesse de tourner en boucle dans mon esprit pour une raison que j'ignore. Nous pourrions former un beau « quoi » ?
Je sais que je vois Léto différemment ces derniers temps mais se pourrait-il que je sois...

       Non impossible j'en aime déjà une autre. Une autre que je ne reverrai plus jamais car elle est une princesse et moi un hideux personnage, une autre à qui jamais je n'oserai montrer celui que je suis devenu, une autre qui fera sa vie sans moi mais une autre qui existe quand même. Je ne peux pas lui être infidèle en prêtant même une seule partie de mon cœur à Léto. De plus, au moins je suis sûr de l'aimer, elle, ma princesse.
Cependant je ne peux pas m'empêcher de répondre :

— Oui nous sommes un beau couple.

Léto rigole alors et complète :

— On pourrait presque croire qu'il n'est pas faux.

Presque pas faux, en effet.

Kha: L'amour impossibleWhere stories live. Discover now