Chapitre 12: Tu iras mieux, promis

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       Nous ne sommes plus que deux ombres cachés sous nos capes et nos capuches. Léto sait exactement nous diriger pour suivre notre cliente et cela tout en évitant les rues bondées. Nous n'empruntons que les ruelles sombres et vide de vie, presque macabre.

       Je commence à ressentir de l'inquiétude, je suis seul, sans aucun témoin en compagnie d'une probable tueuse en série. Elle pourrait très bien se retourner comme un éclair et venir me planter une de ses armes fatale en plein cœur. Je suis entraînée au combat, mais je suis persuadé qu'elle, est entraînée à tuer, ce qui est une différence notable. Je n'aime pas tuer mais je suis sûr que Léto, oui.

       Mais je dois aussi me rappeler que je viens de passer la nuit avec elle, sans fermer un seul œil et je suis donc forcé de constater qu'elle n'a pas essayé de me tuer. Elle n'est donc peut-être pas aussi cruelle que ce que tout le monde pense.

       L'horizon s'éclaircit lorsque le soleil revient enfin et nous nous retrouvons alors face à une petite maison sur le point de s'effondrer où notre cliente nous fait de discrets signes par la porte entrouverte pour nous indiquer d'approcher.

       Nous rentrons alors dans une pièce unique où gît un jeune garçon à l'agonie. Il ne doit pas avoir plus de dix ans, un âge beaucoup trop précoce pour mourir. Car oui il va mourir, cela ne fait aucun doute.

       J'ai déjà vu des hommes dans cet état lors des multiples guerres auxquelles j'ai participé et aucun n'a jamais survécu. Même à distance j'arrive à percevoir qu'il est brûlant, tout son corps transpire à grosses gouttes, tant qu'il parait comme asséché, vide de vie, il est si maigre que l'on voit ses os, je ne pense même pas qu'il y ait encore de sang dans son pauvre petit corps. Son cœur devrait donc bientôt s'arrêter et sa vie avec.

       Il a déjà de la couleur des fantômes, il n'est pas seulement blanc, il est cadavérique, livide. À cet état la seule chose à faire est de prier les dieux pour qu'ils l'accueillent, je ne vois plus que cette solution.

       Je craignais que Léto lui fasse du mal, mais je ne vois pas ce qu'elle pourrait faire de pire au vu de l'état du jeune garçon déjà dans la plus terrible des situations. Elle pourrait bien évidemment abréger les souffrances de ce pauvre enfant, mais elle n'en a pas le droit, peu importe la raison pour lesquels on tue, un meurtre reste un meurtre.

       La loi est claire, on ne peut ôter la vie que si cela est pour sauver la sienne ou une autre. Même en temps de guerre je n'ai jamais tué par plaisir. Je le faisais pour me protéger et là, ce petit garçon n'est une menace pour personne.

— Kha, met ce bout de tissus sur ton nez et ta bouche.

— Pourquoi ? Je suis si horrible que ça ? Ce sont des parties de mon corps qui ont été assez préservées pourtant.

— Cela n'a rien à voir avec toi ou tes brûlures. Ce petit est en train de mourir, c'est le dieu de la mort qui doit être en train de l'effrayer en ce moment où nous parlons. Ce masque est pour te protéger au cas où ce qu'il aurait serait contagieux. Évite également de le toucher et fait attention à ce que sa salive ou son sang ne rentre pas en contacte avec toi. Tu as bien compris ?

— Oui mais... et toi ? Pourquoi ne mets-tu pas de tissus sur ton nez et ta bouche ? Et comment vas-tu le soigner sans le toucher ? Et surtout, comment te protégeras-tu s'il se met à tousser sur toi ou s'il saigne ?

— Ne t'inquiète pas pour moi, je n'ai pas besoin de me protéger de tout ça. Je n'ai qu'à mettre des gants pour le protéger de moi.

       Léto enfile un alors de longs gants qui remonte jusqu'au-dessus de ses coudes. Que veut-elle dire en disant qu'elle doit le protéger d'elle ? Maintenant que j'y pense, je n'ai jamais vu Léto toucher qui que ce soir à l'exception de Grigri la mule, enfin non, l'ânesse pardon. Et sa réaction quand je lui ai pris la main a été plus qu'excessive.

       De quoi doit-elle protéger les gens qui pourraient la toucher ? Elle n'a pas l'air malade pourtant. On voit bien la différence entre le jeune garçon et elle. Il est fantomatique alors que les joues de Léto sont roses, ses cheveux brillants, sa dentition parfaite, sa démarche est gracieuse et assurée et ses yeux pétillent de vie. Rien qui ne laisse penser qu'elle pourrait être malade.

       Dans ce cas est-ce que cela pourrait être une malédiction ? Je ne suis pas particulièrement croyant d'ordinaire, enfin pas plus que les autres, mais je sais que le dieu des morts peut faire des pactes avec les mortels. Qu'aurait-elle échangé qui valait la peine que plus personne ne puisse la toucher ? Est-ce pour cela qu'elle doive tuer tant de personnes, pour payer sa dette ?

        Non impossible, un dieu ne marchanderait pas avec une simple paysanne comme Léto et puis elle n'a visiblement rien gagné dans la vie. Elle est pauvre, à un père terrifiant et un premier mari mort. Elle est si désespérée qu'elle doit s'inventer un faux mariage pour échapper à sa condition. Si jamais elle avait des contacts avec un dieu elle n'aurait pas à se donner toute cette peine.

        Une fois sa tenue de soin enfilée, Leto s'agenouille pour être à la même hauteur du jeune garçon. Elle n'a pas peur de sa maladie et se comporte avec lui comme on le ferait avec n'importe quel enfant. Sa voix et douce et rassurante, au point où l'on pourrait oublier que tout le village la traite d'assassin.

— Bonjour mon tout-petit, ne t'inquiète pas, je suis là pour t'aider. Tu iras bientôt mieux, je te le promets.

       Comment pouvoir faire une telle promesse ? Il n'y a pas besoin d'être un grand guérisseur pour savoir que ce petit va mourir. Donc comment pourrait-elle le soulager ? Va-t-elle tuer cet enfant ?

Kha: L'amour impossibleWhere stories live. Discover now