Chapitre 21: Le procès

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— Son procès ? Mais comment ça son procès ? Ce n'est pas possible... Si vite ?

Mon souffle s'accélère, je commence à avoir la tête qui tourne à cause de toutes ses informations.

— Vous savez Kha cela faisait longtemps qu'ils rêvaient de l'attraper. Il a suffi d'une personne qui la voit en train de s'approcher de simple plante pour qu'elle finisse en prison.

Juste ça ? Juste être à proximité d'un pétale peut nous emmener au cachot ? Je n'avais jamais entendu telle hérésie de toute ma vie.

— Et comment pourrions nous l'aider ? A-t-elle un avocat ? Nous devons vite lui en trouver un. Je peux...

— Calmez-vous Kha, nous en avons déjà un. Un qui nous est offert par le royaume, nous n'avons pas les moyens de faire mieux.

       J'étais si riche avant, j'aurai pu payer tous les avocats du monde si je l'avais souhaité mais maintenant je suis sans le sou, je ne peux rien faire pour l'aider. Et de toute façon, quel avocat pourrait faire son travail correctement ? On prépare l'accusation depuis des mois, peut-être même des années mais personne n'a fait de même pour la défense. Emprisonnée un jour, jugée le lendemain.

— Rhéa, savez-vous s'il y aura des témoins ?

— Il y en aura sûrement, comme dans tout procès, mais qui pourrait soutenir ma pauvre enfant ? Tout le village est contre elle donc les témoins le seront tout autant.

— Mais elle nous a, elle nous a nous ?

— Même si le juge appelait son propre père, il ne viendrait ne la défendrait pas, pour lui sa fille est le diable. Et quant à moi, personne ne prendra mon témoignage au sérieux, je suis sa maman bien évidemment que je serais prête à mentir pour elle.

La parole d'un père prêt à envoyer sa fille au bûcher a donc plus de poids que celle d'une mère.

— Et moi ?

Rhéa hausse les sourcils et ses yeux s'arrondissent. Elle sait très bien que je suis le faux époux de Léto, que je suis à ses côtés car elle m'a menacée, Rhéa ne comprend donc pas que je veuille l'aider. Je décide alors de préciser ma pensée.

— Tout le procès se basera sur le fait que Léto avait l'intention de me rendre malade dans l'objectif de me tuer et qu'elle était sur le point de m'achever lorsqu'elle a été prise en flagrant délit. Si on démonte cette histoire, ils n'auront plus rien et ils seront obligés de la relâcher. Ils ne peuvent pas la condamner sans preuve, sinon ils l'auraient déjà fait. Dis-je à bout de souffle, je voulais aller si vite que je n'ai pas pris la peine de respirer entre chaque phrase.

— Feriez-vous cela pour elle ? Vous seriez prête à la défendre ? Mais pourquoi ? Vous n'êtes son mari que parce qu'elle vous a forcé, dit Rhéa d'une voix la plus faible possible, et je sais ce que vous pensez d'elle. J'ai bien vu que vous vous méfiez d'elle et que vous commenciez à croire tout ce que l'on dit sur elle. Pourquoi devrais-je donc vous faire confiance ? Qui me dit que vous ne serez peut-être pas l'étincelle qui allumera son bûcher ?

— Je comprends votre méfiance Rhéa mais... Avez-vous d'autre choix que moi ?

       Rhéa baisse la tête accablée par la situation qui lui pèse sur les épaules. En effet, elle sait que ses possibilités sont rares et comme elle ne croit pas en moi elle pense sa fille déjà morte. Elle éclate donc en sanglot, un torrent de larmes qui ne cesse de couler. Je ne sais pas comment la réconforter, je me doute qu'elle ne souhaite pas un câlin réconfortant de la part de l'homme qui pourrait être l'étincelle qui ferait exploser sa famille déjà en poudre.

— Je vais l'aider, je vous le promets, vous pouvez me faire confiance.

Le flot ne devient que rivière puis simple pluie fine.

— Vous me le promettrez ? Vous pourrez sauver ma fille ? Vous allez vraiment le faire ?

— Je ne vais pas la sauver tel le héros sur son cheval blanc, je vais simplement tout faire pour que la vérité éclate. J'ai appris à connaître Léto, je sais qui elle est et je suis persuadée qu'elle ne m'aurait jamais fait de mal. Donc je n'aurai qu'à le prouver. La vérité doit triompher et elle triomphera.

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       Ma nuit fut terriblement agitée, j'ai fait une promesse à Rhéa mais je n'ai aucune idée de comment je pourrais la tenir. Ma parole sera telle suffisante ? J'en doute, ils seraient capables de penser qu'elle m'a jeté un sort afin que je sois prêt à tout pour la défendre. Un mari mentirait pour sa femme ensorceleuse, les marins plongent-ils bien avec les sirènes. Donc que faire ?

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       Je ne sais toujours pas comment procéder quand je me réveille le lendemain. Enfin si on peut parler de réveil lorsqu'on n'a pas dormi de la nuit. J'étais déjà malade et le manque de sommeil ainsi que le stress aggravent mon mal. J'ai peur que cela porte préjudice à Léto, le jury va encore être plus enclin à croire que j'ai été empoisonné par cette horrible sorcière. Je réunis donc toutes mes forces pour me lever et suivre Rhéa qui dérive vers le tribunal. Ozul n'a quant à lui pas décidé de venir, il n'estime pas que ce déplacement soit nécessaire car de toute façon il apprendra bien le verdict avec les commérages du village. Quel bon père qui soutien sa fille de tout son cœur.

       Nous embarquons donc seul, Rhéa et moi, dans la petite calèche tirée par une Grigri qui semble elle-même triste de la situation, bien plus affecté part le sort de Léto que son propre père. Le tribunal est plein à craquer, même les fenêtres sont obstruées par les spectateurs qui s'y entassent, tout le village est présent pour célébrer la punition de l'affreuse, l'horrible, la monstrueuse sorcière Léto. Rhéa subit, la tête haute, les regards méprisants. C'est donc elle qui a appris à sa fille à faire face à l'adversité avec dignité et élégance.

       Quant à moi, je perçois de la pitié dans les yeux qui m'entourent. Pour eux je suis l'imbécile qui s'est fait berner par une sorcière et qui est maintenant dans sa toile prêt à être dévoré par la terrifiante veuve noire. Heureusement, selon eux, ils ont été là pour me sauver de ma bêtise. Je suis blessé par le fait qu'ils ne me croient pas capable de choisir ma femme avec raison, ils doivent penser qu'un monstre comme moi n'avait pas d'autre possibilité que d'épouser la première qui serait d'accord. Même si je dois bien avouer que dans les faits, je n'ai effectué aucun choix dans cette histoire. Pour eux je suis la victime qui vient dénoncer son bourreau. Mais si seulement ils savaient la vérité comme je la connais.

       Le brouhaha ambiant s'arrête en moins d'une seconde lorsque quand petit homme à la coiffe bizarre, blanche, bouclée et pointue fait son apparition.

— Mesdames, Messieurs, veuillez accueillir Monsieur le juge chargé du procès de la sorcière Léto.

Et voilà un procès qui s'annonce mal, car déjà plein de préjugés.

Kha: L'amour impossibleWhere stories live. Discover now