XVI - Chapitre LXVIII

6.8K 661 28
                                    


L'après-midi était bien entamée lorsque Madame Simone arriva dans les appartements de la duchesse. Margot faisait alors la lecture à Hélène qui avait le regard perdu par la fenêtre, se rêvant libre et loin.

-Madame Hélène. Monsieur Le Duc m'a demandé de venir vous entretenir d'une affaire importante.

Elle jeta un regard à Margot.

-Ma dame de compagnie peut rester avec nous quelque soit le sujet, je n'ai rien à lui cacher.
-Comme vous le souhaitez. Monsieur Le Duc m'a informé que vous n'aviez pas saignée durant votre séjour à Versailles. Et le servantes ont elles-même constaté que ce n'était pas non plus le cas, ni avant, ni après votre retour.

Hélène se crispa de tout son être. Margot referma le livre et se leva pour s'approcher de son amie et venir poser une main sur son épaule, pour la soutenir.
Les deux jeunes femmes restèrent silencieuses, alors Madame Simone poursuivit:

-Monsieur Le Duc aimerait vous faire examiner.

Sur ces mots, un homme entra. C'était un médecin, Hélène le devina aussitôt. Elle se leva, eut un mouvement de recule.

-Pourquoi m'examiner? Si je porte un enfant nous le saurons bien assez tôt...
-En effet. Mais le plus tôt sera le mieux. Et il est évident que si vous êtes enceinte nous devons prendre soin de vous avec encore plus de sérieux.

Hélène observa le docteur. L'homme était vieux, sentait l'urine depuis l'autre bout de la pièce, et son regard donna des frissons à la jeune femme. Elle recula encore, manquant de marcher sur sa robe.

-Je ne veux pas être examinée. Je n'en ai pas besoin.
-Monsieur Le Duc insiste Madame.
-Qu'il vienne me le dire lui-même!

Madame Simone semblait impatiente d'en finir, mais n'insista pas davantage. Et Hélène put entrevoir l'esquisse d'un léger sourire lorsqu'elle fit signe au médecin de sortir. Elle le suivit, en refermant la porte derrière eux.

Le coeur d'Hélène battait à tout rompre dans sa poitrine. Margot se tourna vers elle:

-Monsieur Le Duc ne va pas aimé ce que vous venez de faire... Et s'il revenait avec ce médecin pour vous forcer à être examinée?

Hélène ne voulait même pas y songer. Elle porta sa main à sa poitrine, respirant difficilement. Ces corsets étaient insupportables, elle les haïssait, la moindre émotion forte était susceptible de la faire s'évanouir, c'était douloureux et humiliant, elle aurait voulu l'arracher elle-même.

-Margot, va prendre l'air.
-...Vous ne voulez pas que je reste?
-Non. Je veux affronter Monsieur Le Duc seule. Après tout c'est mon mari, et je porte peut-être son enfant.

Margot hésita, mais finit par se plier au souhait de son amie et quitta les appartements. Ce n'est que quelques instants plus tard que les pas vifs de Philippe se firent entendre dans le corridor et qu'il franchit la porte avec colère et la claqua derrière lui:

-Je suis débordé et tu m'obliges à me déplacer pour un caprice enfantin!

Hélène se tenait debout derrière le fauteuil sur lequel elle était assise quelques minutes plus tôt, afin de mettre sur une sorte de barrière entre eux et de garder son courage, même si au fond, elle avait peur.

-Vous avez donc plus important à faire que vous soucier de votre potentiel enfant?
-Ne déforme pas mes propos, ce n'est en aucun cas ce que j'ai dit.
-Nous nous sommes vus ce matin, et vous n'avez même pas eu le courage de me parler vous même de votre intention de me faire... épiée par cet homme immonde!
-Le courage?! Ce n'est en aucun cas une question de courage, mais je ne pensais pas que ce simple examen te mettrait dans cet état!
-Je ne veux pas qu'il me touche ou me regarde!
-C'est un professionnel qui est réputé dans le pays entier.
-Combien de patients sont morts entre ses mains?! Je connais les médecins! Deux de mes frères sont morts par leur faute, à cause de leurs saignées et de leurs remèdes mortels!
-Cet homme m'a soigné moi-même lorsque j'avais la fièvre enfant. Sans lui je serais sans doute mort aujourd'hui.
-Ce n'est pas lui qui vous a sauvé enfin! Réfléchissez une seconde! Madame Simone a toujours veillé sur vous. Elle vous aime comme un fils, cela se voit en un coup d'œil. Elle a soigné mes infections, et ma fièvre. Elle connaît les plantes, j'ai vu le livre dans les cuisines un jour. Elle cueille des plantes dans les jardins. C'est elle qui vous a sauvé. Pas ce charlatan, ni aucun autre. Elle m'a sauvée parce que vous me vouliez en vie. Et au vue de son expression lorsque j'ai refusé cet examen que vous vouliez m'imposer, il est aussi évident qu'elle a le même avis que moi sur ce médecin. Elle ne m'apprécie pas beaucoup. Elle se méfie sans doute de moi vis à vis de vous. Mais lui ne me touchera pas. Ni aujourd'hui ni jamais. Si je porte un enfant, je veux que ce soit elle qui me soigne, et le mette au monde. Personne d'autre.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now