IX - Chapitre XXXVII

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Philippe arriva au palais sur son cheval au galop, en hurlant avant de s'arrêter pour interpeler tous les serviteurs nécessaires. Ces derniers accoururent à lui et l'aidèrent à descendre Hélène, toujours inconsciente, du cheval. Deux d'entre eux commencèrent à la porter vers l'intérieur mais le duc ne les laissa pas continuer en la reprenant dans ces bras pour le faire lui même, ne faisant confiance à personne d'autre en cet instant.
La peau de sa femme presque nue contre lui le crispait d'effroi: elle était si froide, bien trop froide. Il ne voulait pas qu'elle meurt.

-Faites chauffer un bain, juste tiède. Préparer son lit avec des couvertures, beaucoup. Faites monter des boissons chaudes et sucrées.

Les ordres fusaient et autour de lui la fourmilière s'exécutait dans des mouvements de panique. Il grimpa les marches de l'escalier principal trois par trois. Arrivé dans les appartements d'Hélène, il la déposa sur le lit. Ce n'est qu'à cet instant qu'il l'observa réellement. Elle était dévêtue, seulement couverture d'une chemise blanche si humide qu'elle en était devenue transparente. De la boue et du sang recouvrait ses cheveux et son visage. Il était en colère. Il était jaloux aussi. Mais il savait que ce n'était pas le moment de ressentir ce genre de sentiments.
Sans réfléchir davantage, il dit sortir les serviteurs hommes de la pièce et lui retira lui même sa chemise, ses chaussures boueuses et ses bas devenus maronnasses. Là, la découverte était encore pire: la jeune femme était recouverte d'hématomes. Sa peau si frêle et pâle était recouverte de coupures. Philippe n'était plus seulement en colère, il sentait la haine et l'agressivité monter en lui de manière irrémédiable.
Une main sur son avant-bras le fit sursauter. C'était la gouvernante, Madame Simone.

-Le bain est prêt Monsieur Le Duc.
-Bien.

Il reprit sa femme dans ses bras, son petit corps inerte contre le sien si gigantesque et fort en comparaison. Il alla dans la salle de bain contigüe et la déposa avec une extrême délicatesse dans l'eau tiède.

-Nous allons la laver Monsieur Le Duc, ne vous donnez pas cette peine.
-Ce n'est pas une peine Madame Simone. D'ailleurs, je n'ai pas besoin de vous. Sortez tous. Laissez-moi.

La gouvernante savait parfaitement qu'il se valait mieux d'obéir, en particulier lorsque le duc employait ce genre de ton. Elle fit signe à toutes les femmes de chambres et servantes de sortir et referma la porte derrière elle.

Philippe avait un genoux à terre, près de la baignoire, l'un de ses avant-bras derrière la tête de la jeune femme et son autre main tenant la sienne dans l'eau.

-Hélène...

Il retira avec douceur les mèches de cheveux collés par le sang, l'humidité et la boue sur son visage. Même si pale, même les lèvres bleues, même sale, elle restait magnifique, et ressemblait en cet instant à une poupe de porcelaine endormie. Il rinça délicatement son visage, puis le reste de son corps de toute trace de saleté. L'eau était devenue trouble, mais le corps de la jeune femme était moins froid. Il me sentait sous ses doigts. Elle respirait faiblement. Il posa sa main entre les deux seins de son épouse. Les battements de son coeur était presque imperceptibles.
Il sentait que peu à peu, elle émergeait. Que son corps revenait à la vie, à la réalité.

Finalement, alors qu'il la tenait toujours entre ses bras trempés de l'eau du bain, elle ouvrit lentement les paupières. Son regard était fatigué, faible, perdu. Elle observa autour d'elle sans comprendre.

-Hélène.

Elle tourna son visage vers lui, c'est la seule chose dont elle était physiquement capable. Elle murmura faiblement:

-...Que s'est-il... passé...?
-Tu es en sécurité. Tu es chez toi. Tout va bien, c'est fini, je suis là.

Les évènements de la veille et de la nuit lui revenaient en mémoire.

-...Guillaume?...

Philippe perdit son enthousiasme. C'était donc le seul prénom qui lui venait à l'esprit?
Son masque de froideur revint aussitôt, comme s'il n'était jamais parti.

-Il va bien.

Il se leva et plaça ses bras dans le dos et sous les jambes de la jeune femme pour la porter hors de la baignoire. Elle dégoulinait sur ses vêtements, et il s'en fichait. Il l'assis sur le rebord de la baignoire le temps de l'envelopper d'un drap blanc pour la sécher, et la reporta sans qu'elle n'est son mot à dire. Il la mena dans la chambre, l'allongea sur le lit, lui retira le drap mouillé et la recouvrit des couvertures.

Sur la table de chevet était posé un plateau porté par des serviteurs. Des boissons chaudes et sucrées y était. Il lui en tendit une.

-Buvez.

Elle ne bougea pas, comme de nouveau à moitié évanouie.
Il se radoucit légèrement et plaça sa main dans sa nuque.

-Ne vous rendormez pas. Buvez.

Elle ne rouvrit pas les paupières, trop faible, mais les lèvres oui. Suffisamment pour boire le contenu du verre qu'il lui portait à la bouche.
Il reposa sa tête sur l'oreiller et le verre sur le plateau.

-...Margot...?
-Elle va bien également.

Elle semblait déjà s'être rendormie. Il s'assit à côté d'elle sur le lit et la regarda. Il posa le dos de sa main sur son front, puis sur sa joue. Elle était toujours gelée, même si cela semblait être mieux. Elle survivrait à l'hypothermie, mais elle serait malade, atrocement, et au vue de son corps si faible, la fièvre pourrait la tuer.
A peine marié, Philippe ne voulait pas être veuf. Il ne se le pardonnerait pas.
Il finit par se lever, et ordonna à des serviteurs de s'occuper de la veiller chaque minute, sans jamais la laisser seule, de la réchauffer et la faire boire régulièrement, ainsi que d'entretenir avec le plus grand soin le feu de cheminée de la chambre, qui pourtant n'est habituellement jamais allumé à cette époque de l'année.
Il sortit des appartements de son épouse à grandes enjambées. Guillaume avait dû être ramené depuis un moment déjà. Il avait à lui parler. Des questions à lui poser. Il voulait savoir pourquoi sa femme était dans cet état. Également pourquoi ils étaient à moitié nus, l'un comme l'autre.

Épées et BaisersDonde viven las historias. Descúbrelo ahora