XI - Chapitre XLIV

7.8K 685 30
                                    


Cela faisait deux jours qu'Hélène s'était réveillée. Margot et des servantes se relayaient à son chevet et Madame Simone, bien que toujours aussi froide, prenait grand soin d'elle. Son rôle était depuis des décennies de prendre soin de cette demeure et de ses maîtres. Bien que jeune et venant de loin, Hélène était désormais la duchesse. Elle avait même fini par lui avouer ses douleurs dans la vessie et la gouvernante lui avait ordonné de boire beaucoup et lui avait donné des bouillies de baies. La douleur piquante avait alors finit par s'effacer, et la jeune femme se sentit libérée et reconnaissante envers cette femme qui semblait jusqu'ici n'être qu'austérité et antipathie.

Même si Margot et Madame Simone insistaient pour qu'Hélène se repose encore le maximum, cette dernière indiqua qu'elle irait dîner avec les autres le soir de cette deuxième journée. Elle en avait assez de rester au lit et se sentait aller de mieux en mieux. Elle voulait se dégourdir les jambes, s'habiller, manger à une table, discuter avec d'autres humains.
A dix-neuf heure, on la prépara donc, la coiffa et la maquilla pour qu'elle ne paraisse en pleine santé, et on la vêtit d'une robe élégante, avec un corset bien serré comme à l'habitude. C'était bien la seule chose qui ne lui avait pas du tout manqué...

A son arrivée dans la petite salle à manger, le duc, son frère et son ami étaient déjà installés mais se levèrent pour l'accueillir. Philippe lui fit un baise main et l'accompagna jusqu'à sa place pour qu'elle assoit avant de retourner lui même à la sienne et tous s'essayèrent.

Le regard d'Hélène et Guillaume se croisèrent, mais la jeune femme détourna immédiatement le regard, refusant de se remémorer leur nuit secrète.
Même si ils n'avaient absolument rien fait de déplacés, le simple fait de se voir dans ces conditions n'aurait pas dû avoir lieu. Elle avait l'impression d'avoir commis l'acte de trahison le plus grave depuis son mariage. Philippe ne devait pas l'apprendre. Jamais. Elle n'en parlerait pas, à personne, pas même à Margot. Mais elle ignorait si Guillaume allait savoir autant garder le secret qu'elle.

-Vous semblez aller mieux, remarqua Arthur.
-Oui, je pense m'être remise.
-Continuez néanmoins de vous reposer, le temps d'être tout à fait certaine que c'est le cas, dit Philippe sur un ton qui ne souffrait pas le risque d'être contredit.

Hélène hocha la tête avec soumission et retourna à son assiette. Elle se sentait parfaitement bien, mais c'était son mari. Si il suggérait qu'elle se repose, alors elle devait se reposer, quoi qu'elle en pense elle-même. De toute façon, elle ne comptait pas remonter à cheval de si tôt. Sa mère avait peut être raison après tout: cette activité ne semblait rien avoir de bon.
Philippe poursuivit:

-Lorsque vous irez tout à fait mieux, dans quelques jours, je ferai préparer nos bagages.
-Nos bagages?
-Oui. Je suis appelé au près du roi à Versailles. Je veux que vous m'accompagniez. Il est temps de vous présenter à la cour.

Une tornade d'émotions emplie le cœur de la jeune duchesse. A la fois excitée et terrifiée à cette idée, elle ne savait comment réagir. Mais comme tous les regards étaient sur elle, elle finit par dire à mi-voix:

-Je vous suivrai ou vous le désirez.
-Bien... Néanmoins, j'espère que cela vous plaira. Si la politique a son lot de corvées, elle a aussi des côtés agréables, vous verrez.

Hélène lui sourit en réponse.
Le repas se poursuivit silencieusement. Jusqu'à ce que finalement elle réussisse à prendre son courage à deux mains pour demander:

-Avez-vous... des réponses, concernant ce qui nous est arrivé dans la forêt? Qui étaient ces hommes? Pourquoi nous ont ils agressés?

Les hommes réalisèrent alors que personne ne l'avait tenu au courant du fond de l'histoire, on ne lui avait que répété de prendre soin d'elle et de guérir.
Philippe finit par se racler la gorge en posant son verre de vin sur la table:

-Malheureusement, nous n'en savons pas plus que vous. Nous n'avons pas retrouvé ces hommes, et nous n'avons donc pas pu les interroger... Mais vous n'avez rien à craindre, je ne laisserai pas ce genre d'incident se reproduire. Jamais. Vous avez ma parole.

Un ange passa.
Guillaume brisa le silence:

-La cour vous fera oublier ce malheureux événement j'en suis certain. Je vous présenterai une amie, Madame de Colmette. Je suis certain que vous allez beaucoup l'apprécier.
-...Parce que vous venez également?
-Oui, le roi m'a également demandé de venir, notamment pour faire le compte rendu de mes derniers voyages.
-Vous ferez le trajet avec nous?
-Je ne souhaite pas m'imposer.
-Tu ne t'imposes pas Guillaume, s'exclama Philippe. Bien entendu que tu viens avec nous.

C'était son savoir-vivre qui avait parlé. Mais il aurait préféré faire le voyage en seule compagnie de sa femme, même s'il aimait son ami, il ne tenait pas à ce que lui et elle deviennent également de tels amis. Il ignorait pourquoi, mais quelque chose au fond de son instinct savait que les laisser se rapprocher ne donnerait rien de bon...

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now