XIV - Chapitre LXIII

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Lorsque Philippe revint dans les salons, Guillaume le remarqua aussitôt. Il l'avait vu par hasard quitter la pièce en tenant fermement Hélène par le bras, et il était désormais sans elle. Il alla vers son ami, interrogateur:

-Elle va bien?

Inutile de prononcer un prénom pour savoir de qui il parlait. Philippe le regarda un sourcil dressé, et prit un verre de vin sur un plateau d'un serviteur qui passait, avant de répondre:

-Elle avait besoin de prendre un peu l'air. Elle revient.

Guillaume connaissait ce palais presque autant que Philippe, et le couloir dont il était revenu ne menait absolument à une quelconque porte extérieure. Philippe lui mentait, cela était évident. Mais après tout, il n'avait aucune légitimité à poser la moindre question ou indiquer un quelconque soupçon sur la véracité de ses dires. De plus, il sentait à quel point le duc n'appréciait pas l'intérêt que son ami portait à sa femme. Néanmoins, Guillaume n'arrivait pas à simplement se contenter de la réponse de Philippe.
Ce dernier esquiva une nouvelle question en allant discuter avec d'autres nobles, son verre à la main.
Guillaume en profita pour discrètement aller sur les pas de Philippe.
Il arriva au corridor où il avait traîné Hélène. Guillaume ne remarquait rien de particulier, mais il marchait lentement dans ce couloir vide, aux nombreuses tapisseries et bustes sculptés, à la recherche de quelque chose de différent, d'un indice.
Soudain, il entendit quelque chose. Un souffle, une respiration?
Il s'approcha de la porte dont provenait le son. Non. C'était un sanglot.
Sans réfléchir il ouvrit la porte, et là, il découvrit Hélène à genoux sur le sol, baignant dans les jupons de sa robe étalés en cercle autour d'elle. En larmes, le visage rouge et trempé, les mains tremblantes et le corps recroquevillé sur lui-même.
Elle eut un hoquet de surprise à son arrivée, et le silence se fit une seconde lorsque leurs regards se croisèrent, mais presque aussitôt elle se remit à pleurer, incapable de se contrôler.
Guillaume ne s'avait pas à quoi s'attendre, désormais il était fixé, et il n'avait pas besoin d'explication pour deviner ce qui s'était passé dans cette pièce.
Il referma la porte derrière lui et se mit à genoux devant elle. Il ne savait pas quelle réaction adopter mais il n'eut pas besoin de parler ou agir que la jeune femme vint contre lui, se serrant dans ses bras.
Il ne savait pas quoi dire, mais de toute façon il n'y avait rien à dire. Il la laissa sangloter, et se contenta de la rassurer par ses gestes, en la serrant contre lui.

Au bout d'un long moment, elle parvint à se calmer, et éloigna son corps du siens. Elle essuya les larmes de son visage en reniflant. Elle n'osait pas le regarder dans les yeux alors elle fixant sa robe, les mains jointes en train de se triturer les ongles de nervosité. Elle s'en arrachait presque la peau. Guillaume posa sa main sur les siennes avec douceur pour qu'elle arrête.

-Vous risquez de vous blesser...

Elle obéit, arrêta.

-Je... dois... y retourner. Il... m'attend...
-Il est évident que vous avez pleuré, cela se voit, vous devriez peut-être aller dans votre chambre.

Elle secoua sa tête, toujours les yeux perdus, incapable de le regarder en face.

-Non... il... veut que je... revienne.
-Je lui dirai que vous...

Elle le coupa, et cette fois releva le visage vers lui pour lui dire avec terreur:

-Non! Il ne doit pas savoir que nous nous sommes vus. Il... il vous tuera s'il le sait. Il me... il va me... Il ne doit pas savoir.

Il essaya de la calmer:

-Non n'avons rien fait de mal Hélène.
-Peu importe, s'il s'imagine des choses ça sera pareil que si elles s'étaient réellement produites. Je vous en prie ne lui dites pas que vous m'avez vue... encore moins dans cet état...
-...Bien. Je ne lui dirai rien.

Elle sembla légèrement rassurée.
Elle voulut se relever mais elle poussa un gémissement de douleur et se recroquevilla de plus belle. Guillaume l'aida à se mettre debout. Il sortit alors un mouchoir de sa poche.

-Prenez.

Elle le prit, regarda le bout de tissu, avec un G d'or brodé dessus. Elle le remercia. Et quitta le bureau d'un petit pas hésitant et douloureux, sous le regard désolé de Guillaume.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now