XIII - Chapitre LVIII

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-Il me traite de jument sauvage, pourtant c'est lui qui m'a embrassée en se faisant passer pour vous.

Cette déclaration eu l'effet escompté, car aussitôt Philippe se raidit et cessa d'embrasser la gorge de son épouse. Il se redressa de toute sa hauteur et la fixa, une expression incompréhensible sur le visage. Elle aurait pu s'arrêter là, mais elle voulait être parfaitement certaine qu'il n'aurait plus envie d'elle. Alors elle ajouta, en le regardant droit dans les yeux:

-Ce fameux soir où j'ai rencontré Guillaume. Arthur me poursuivait oui. Parce que je l'avais surpris. Lui et ses amis. Nus. En train de faire des choses que je n'ose même pas prononcer... Et lorsque notre mariage n'était toujours pas consommé, dans les jardins, il m'a menacée de m'engrosser lui-même si je me refusais à vous donner un hériter.

Elle racontait la vérité, celle tant redoutée, car effrayée à l'idée que Philippe puisse la prendre pour responsable. Mais elle s'en fichait désormais, car elle se disait que s'il la pensait fautive, alors peut-être la battrait-il, mais au moins il n'aurait sûrement pas envie de la toucher autrement... de la toucher intimement.

Il ne la collait plus tout à fait, mais il tenait toujours un de ses poignets dans sa main, en silence. Jusqu'à ce que finalement il articule doucement:

-Tu hais mon frère. N'est-ce pas?
-Oui je le déteste! Il m'a trompée dès le premier instant où nous nous sommes rencontrés! Il a été cruel, menaçant et moqueur. Il ne m'aime pas. Et c'est réciproque! répondit-elle avec toute la rage dont elle état capable.

Elle ne parvenait pas à comprendre ce qu'il pensait. Son regard était imperceptible, et tout aussi sombre qu'à l'habitué.
Finalement, il articula lentement:

-Alors pourquoi l'as-tu protégé tout ce temps?

La colère d'Hélène s'effaça un peu pour laisser place à l'étonnement.

-...Le protéger? Non... c'est... moi que je protégeais...
-Pourtant, tu n'es coupable d'aucune chose que tu viens de me raconter.

La jeune femme s'enlisait de plus en plus dans l'incompréhension la plus totale.

-Mais... non je... enfin c'est moi qui...
-Tu pensais que je voudrais te punir, pour tout ça?

Elle resta silencieuse, il poursuivit:

-Je comprends seulement maintenant que la demeure que je souhaitais accueillante et sécurisante pour toi n'a pas été à la hauteur. Du tout. Et je comprends également un peu mieux encore à quel point tu as grandi avec des gens cruels, qui t'ont fait croire toute ta vie que tout était ta faute.

La duchesse était sidérée. Toute sa colère avait disparu. Elle était adossée contre la porte, les bras pendus le long de son corps.
Philippe vint caresser sa joue avec douceur.

-Je te l'ai déjà dit. Jamais je ne te frapperai. Et je sais parfaitement que tu ne voulais pas ma mort durant ce duel. Si ça avait été le cas, je n'aurais même pas pu t'en vouloir, mais tu ne m'as même pas laissé la satisfaction de te penser si humaine, car tu es bien trop parfaite pour ça... Et pour ce qui est des insultes que tu as osé prononcer tout à l'heure à mon adversaire, je ne m'y attendais pas c'est vrai. Mais j'ai eu envie d'éclater de rire en voyant son visage se décomposer. Et puis je dois dire que j'ai eu envie un peu égoïstement de penser ta colère contre lui, pour moi. Le tuer a permis d'équilibrer la balance. Tu as sauvé mon honneur et moi le tiens dirons-nous.

Elle le regardait, à la fois émue et choquée, puis finit par réussir à demander:

-Votre... frère...?
-Ce qu'il va se passer pour lui? Tu te doutes qu'après ce que tu m'as raconté, je ne peux pas laisser ce qu'il a fait impuni. J'ai le temps de réfléchir avant notre retour à la manière dont je vais le punir.

Un affreux sentiment de culpabilité submergea Hélène. Elle détestait Arthur pourtant, elle l'avait même avoué. Mais elle n'avais pas dit tout ceci pour que ce soit lui qui paye. La jeune femme n'était pas méchante, ni vicieuse ou perfide. De toute son enfance, elle n'avait jamais dénoncé un de ses frères et sœurs suite à une bêtise, et préférait subir la punition que de donner le vrai coupable à sa mère.
Philippe devina ce qu'elle pensait:

-Je t'interdis de t'en vouloir. La seule chose que tu aurais du faire différemment, c'est m'en parler plus tôt. Tu ne dois pas me cacher de telles choses Hélène. Plus jamais. Ne me mens pas, je hais le mensonge. Jure-moi que tu seras toujours honnête envers moi désormais.

Elle hocha la tête et lui jura.
Pourtant, elle mentait en cet instant précis, car elle avait des secrets qu'elle partageait avec Guillaume. Leurs discussions dans la forêt, dans sa chambre, dans la calèche... Mais elle ne pouvait pas les dire. Elle s'y refusait. Alors lui jurer dans les yeux, c'était aussi lui mentir dans les yeux, et elle en était désolée. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à tout raconter...

Épées et BaisersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant