XXI - Chapitre XC

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Hélène avait encore les paupières closes et était à moitié endormie lorsqu'elle réalisa qu'elle ne sentait plus à ses côtés le corps chaud et protecteur de Philippe. Aussitôt elle ouvrit les yeux et se redressa. Il n'était pas dans le lit, pas dans la chambre non plus.

-Philippe?

Aucune réponse.
Son instinct lui donne déjà la réponse de ce qui est en train de se passer, mais elle refuse d'y croire, il lui avait promis...
Elle repousse les couvertures et se lève en grande hate. Nue, elle enfile sa chemise de nuit, un long manteau et ses souliers avant de se précipiter vers la porte pour arrêter la folie de son mari. Mais alors, la porte reste close. Elle force sur la clenche mais rien ne se passe, elle refuse de s'ouvrir.

-Non. Non. Non!

Elle frappe à poings fermés sur la porte, hurle de toutes se forces pour qu'on l'entende et qu'on vienne la libérer.
Et enfin, une vois masculine se fait entendre: un serviteur.

-Madame.
-Oh Dieu soit loué. Vite ouvrez-moi!
-Je n'ai pas la clef Madame.
-Je m'en moque! Appelez d'autres serviteurs, et défoncez cette porte! La vie de votre Maître en dépend!
-...Justement Madame... Mon... Monsieur Le Duc nous a interdit de vous ouvrir.
-Qu...quoi?!
-Je suis désolée Madame.

C'était un cauchemar. Elle voulait de gifler pour se réveiller.
Elle ne céda pas, continua de hurler:

-Ouvrez moi immédiatement! Si vous ne le faites pas je...

Il la coupa:

-Monsieur Le Duc nous a prévenu que vous nous menaceriez sans doute. Je suis désolée Madame mais je n'ai pas le droit de vous ouvrir.

Cette fois-ci, Hélène baissa les armes. Elle posa son front contre la porte, les yeux clos, emplie du désespoir le plus profond.
Son mari allait se battre contre un homme déterminé et emplie de haine, et peut être n'en reviendrait-il pas. Elle ne pouvait accepter de laisser la chose se faire.


Déjà, Philippe arrivait sur la clairière du domaine où avait été prévu le duel.
Guillaume l'y attendait, droit, l'œil vif, la main sur son épée.

-Guillaume.
-Philippe.

Les deux hommes savaient l'un comme l'autre qu'ils étaient venus à deux, mais qu'un seul repartirait vivant.

-Hélène ne t'a pas empêché de venir. Voilà qui me surprend.
-Si. Mais sa peur de me perdre l'aveugle. Elle ne comprend pas l'importance de l'honneur.
-Peut-être a t'elle raison après tout. Lorsqu'on est mort, l'honneur semble bien futile.
-Et pourtant tu es là, et tu veux me tuer. Toi. Toi, que je croyais mon ami le plus proche.

Guillaume éclata d'un rire clair et cinglant:

-J'ai été ton ami oui. Et je t'ai fait confiance. Plus qu'à n'importe qui. Et pourtant tu m'as trahi.

Philippe voulait en finir, mais il tenait aussi à comprendre. Il voulait savoir pourquoi Guillaume avait fait tout cela, pourquoi il avait essayé de détruire sa vie, de tuer sa femme, sa fille.

-Je ne t'ai jamais trahi Guillaume, j'ai...

Il le coupa:

-Comment oses-tu? Comment peux tu dormir la nuit? Comment peux tu te regarder en face? Tu parles d'honneur et pourtant le tiens a disparu depuis bien longtemps.
-Pourquoi Guillaume?! Crache le enfin! Pourquoi me hais-tu?
-La bataille de La Morne.

Un éclair passa dans le regard de Philippe. C'était donc bien ça. C'était la seule tâche. Pourtant, cela n'expliquait toujours pas.

-Nous nous en sommes sortis vivants...
-« Nous »? Qui ça « nous »? Et tous ceux qui sont restés la bas? Dans la neige, dans le sang, dans le froid et la mort!
-Les hommes meurent à la guerre, et ils le savent, c'est malheureux, mais c'est ainsi.

Les mains de Guillaume tremblaient et les larmes coulaient sur ses joues.

-Tu as donné l'ordre d'attaquer ce matin là! Je t'avais dit de ne pas le faire, je t'avais dit que cela me paraissait trop facile! Et tu ne m'as pas écouté. Nous sommes tombés dans le piège et...

Sa voix se brisa.
Philippe savait qu'il avait commis une erreur se jour là, mais toutes les guerres étaient cruelles et douloureuses, et celle-ci n'avait pas échappé à la règle.

-...Tu l'as tué.
-Qui?
-Louis.

Louis...
Ce nom résonna dans la tête de Philippe, et mis un instant avant de faire tilt, puis il se souvint. Louis c'était un jeune homme du régiment qu'il dirigeait, un amie de Guillaume. Il était mort durant cette bataille: sa première bataille. Trop jeune, trop inexpérimenté, trop malchanceux.

-Sa mort m'a tout autant attristé que toi.
-Non. Tu ne comprends rien. Seule la mort d'Hélène pourrait te faire comprendre ce que j'ai ressentit.

Alors, Philippe comprit.
Il n'avait rien à ajouter, s'excuser encore ne servirait à rien et il ne savait. Il lui attribuait la responsabilité de sa mort, et rien ne changerait jamais cela.

-Tu l'as tué. Alors tu mérites enfin de crever pour ça, bien que j'aurais préféré que tu souffres d'abord, et que tu sentes ton cœur exploser dans ta poitrines en voyant Hélène gésir à tes pieds, son sang sur ton corps et tes mains.

Ils sortirent leurs épées de leurs fourreaux, face à face, et sans un mot de plus, se saluèrent, et débutèrent ce qui était la fin de l'un des deux...

Épées et BaisersWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu