XVII - Chapitre LXXIV

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-Je ne m'attendais pas à te trouver ici...

Hélène regarde à travers la fenêtre des appartements du duc. Philippe vient d'entrer, fatigué par sa journée de travail suivit de cette soirée avec Charles. La jeune femme reste dos à lui, ne le regarde pas.
Il s'approche jusqu'à arriver tout juste derrière elle, leurs corps se frôlent mais il ne la touche pas. Il regarde à son tour par la fenêtre donnant sur les jardins obscurcis par le crépuscule.

-Que se passe-t-il?

La duchesse prend une profonde inspiration.

-Charles.
-Qu'a-t-il?
-Il bat Anne.

Elle sent Philippe se crisper derrière elle puis s'éloigner. Elle se tourne enfin face à lui et avance.

-Il faut que nous fassions quelque chose.
-Il n'y a rien à faire Hélène, répondit-il simplement en retirant sa veste de costume.

Elle ne cacha pas son choc face à cette réponse.

-C'est ma sœur!
-Et c'est sa femme. Autrement dit, sa propriété aux yeux de la loi.

Il parlait calmement, tout en déboutonnant sa chemise et s'affairant dans la chambre tandis qu'Hélène le suivait où qu'il allait pour essayer de capoter son regard et de le raisonner:

-Et donc? Nous allons le laisser la traiter ainsi?
-Ce n'est pas si simple. Nous n'avons aucun pouvoir. Le seul moment où la justice pourrait agir c'est si...

Il n'acheva pas sa phrase, elle le fit pour lui, avec dégoût:

-S'il la tuait. N'est-ce pas?

Il la regarda enfin, d'un air désolé et résigné. La colère monta en elle presque jusqu'à l'étouffer:

-Vous êtes prêt à la laisser mourir sans rien tenter?! C'est ma sœur! C'est ma famille!
-Je trouve ça tout aussi injuste que toi, mais légalement, elle est de sa famille, comme tu es de la mienne. Tu n'as aucun recours vis à vis d'elle. Tu ne peux rien à sa situation.
-Vous pourriez le provoquer en duel. Le tuer comme vous avez tué cet homme à Versailles! Anne serait ainsi sauvée.
-S'il meurt, ta soeur n'aura plus rien, elle sera livrée à elle-même et ses fils sont bien trop jeunes pour s'occuper d'elle. Crois-tu cela préférable dans ce monde? La réponse est non. Et elle n'est pas morte. Peut-être même que cette vie lui convient d'une certaine façon...
-Mais comment pouvez-vous dire ça? Comment pouvez-vous baisser les bras si vite sans même essayer de trouver une solution! J'ai vu ses bras! Ils étaient noirs, noirs des coups qu'il lui avait porté. Et elle est enceinte! Et leurs enfants! S'il lui fait ça à elle quand est-il de leurs enfants?
-Hélène écoute, tu...

Elle le coupa:

-Non! Je ne vous écouterai pas! Je dois être soumise à vous, je l'ai bien compris, mais c'est ma sœur. Je ne la laisserai pas mourir sous les coups de son mari. Je vais trouver une solution, avec ou sans votre aide! Vous suggérez qu'elle puisse être heureuse dans cette vie, mais je vous le dis: ce que vous m'avez fait subir ce jour-là à Versailles est la chose la plus cruelle et la plus horrible que j'ai vécu de ma vie, et j'aurais voulu vous voir mort tant j'ai eu peur que ce soit vous qui me tuiez. Anne n'est pas heureuse. Elle est terrorisée! Si vous étiez une femme vous comprendriez. Mais vous n'êtes...

Elle hésita, mais finalement, elle serra les poings et la poitrine bombée lui cracha:

-Qu'un monstre. Tout comme lui.

Et sans lui laisser le temps de se remettre de ses paroles, elle arracha de son cou ce qu'il lui avait offert, le laissa tomber sur le sol et elle quitta les appartements du duc en claquant la porte de toutes ses forces.

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