Chapitre 27 - Iris

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*Iris*

-Ouvrez-votre livre de sciences, s'il vous plaît, on va parler astronomie aujourd'hui.

Mme Kane, la nouvelle professeure de biologie faisait son premier cours aujourd'hui. Elle était joyeuse. Et belle, dans son genre. La trentaine, les cheveux châtains et un rose à lèvre poudré, on se demandait ce qu'elle foutait ici, en tant que prof. Des étoiles dans les yeux lorsqu'elle expliquait son cours. Une passionnée de toute évidence. Vu la bague qu'elle portait à son doigt, elle devait être mariée, et depuis peu si l'on se fiait à son sourire heureux et à ses yeux glissant toutes les cinq minutes vers son téléphone portable.

-Qui sait ce qui maintient la Terre en orbite ?

Silence. La tête droite, le dos fière, elle attendait une réponse le sourire aux lèvres.

-Personne ?

-Bon, eh bien la Terre se maintient en orbite avec la loi de l'attraction, elle se maintient à bonne distance des autres planètes, qui elles aussi tournent autour du soleil. Et quelqu'un saurait-il expliquer pourquoi la lune est tellement importante ? Non ? Personne ? Parce que la lune gravite autour du soleil. Et que se passerait-il si la lune s'éloignait du soleil ? Le monde s 'écroulerait.

Le monde s'écroule pensé-je, c'est le cas de le dire. J'ai souvent entendu qu'une rupture d'amitié faisait plus mal qu'une rupture amoureuse et j'ai toujours pensé le contraire, jusqu'à aujourd'hui. En plus de gérer le deuil de cette relation, je devais gérer un autre deuil. Je me mordis les ongles de stress, le regard rivé sur notre dernière conversation.

« J'ai vraiment pas envie de te parler. Je suis vexé pour énormément de choses. Ça fait longtemps que je prends sur moi toutes tes réflexions méchantes. Je sais que la plupart du temps, tu le fais pas exprès, mais j'en peux plus de supporter toutes tes sautes d'humeur. J'arrive plus à supporter toutes nos discussions stériles qui tournent qu'autour de toi et sincèrement je me sens libéré d'un poids depuis qu'on ne se parle plus.

Je pense qu'on a changé depuis quelques temps on n'a plus les mêmes valeurs ni plus grand choses en commun. On a eu de très bons moments mais on est devenus trop différents. »


Sept phrases sept lignes, et je sentis mon cœur se fissurer une nouvelle fois. Une larme roula sur ma joue, et puis deux. J'avais mis ma fierté de côté pour mettre fin à cette dispute, et c'est mon cœur qui en avait pâtit. Alors, finalement t'es partis, toi aussi ? Demandé-je amèrement. La seule personne que je pensais avoir pour la vie m'avait abandonné, elle aussi.

La seule personne qui m'apportait de la stabilité. Du signe de la balance, pensé-je avec ironie. C'était pas ça le deal ? Quand je suis au plus bas, tu me remontes, et inversement ? Faut croire que non. Parce que c'est la façon de fonctionner d'une balance,  les deux êtres ne peuvent pas être en haut en même temps, il en faut forcément un en bas. A quoi ça sert, de n'aller que bien, trouver un équilibre  quand on passe à côté du meilleur ? Faut croire que la balance s'était cassée la gueule, et moi avec.

J'ai eu l'illusion  que notre amitié durerait parce qu'on se complétait. Plusieurs mois d'amitié  d'amitié partis en fumée. Peut-être que tout ce temps, j'étais égoïste. Je cherchais à sauver des meubles déjà branlants, à te sauver, toi. Peut-être qu'en faisant ça tu nous a sauvés tous les deux, je ne sais pas. Je me voilais la face, je n'étais plus si heureuse à tes côtés. Tu as eu le courage de mettre un terme à tout ça, à toute cette mascarade. Alors, je lui ai répondu avec toute la douceur que je pouvais. 

« Dis-moi juste ce qui t'a vexé s'il te plaît. Je respecte ta décision. Saches que tu restes la personne la plus importante à mes yeux. »

Par ce geste, je l'avais libérée de moi de notre relation qui virait au toxique, et surtout de toute la rancœur qu'il avait accumulé contre moi à cause de sa copine.

Au final, la douleur restait la même, il n'avait pas tourné la page, préférant la brûler et j'en garderais des cicatrices, à coups sûrs. Je relevai les yeux vers le cours qui se déroulait devant moi, lorsqu'Aicha me poussa le coude :

-Hey ça va ? T'as les yeux rouges.

Ses yeux d'ébènes me dévisagèrent, une lueur d'inquiétude.

- Oui oui ça va c'est rien. Merci.

-Paraît qu'on a contrôle surprise, si c'est vrai on est bien dans la merde, rajouta Aicha.

-Je confirme, répondis-je.

La SVT n'avait jamais été ma matière. Faut dire qu'est-ce que j'y connaissais à l'humus et au mucus, sérieusement ?

Elle distribua les sujets et tandis que je lisais l'énoncé, mes yeux se perdirent dans le vague.

Nos sujets stériles et centrés sur toi.  Ces mots tournèrent en boucle dans mon esprit. Stériles, je comprenais ce qu'il voulait dire, on ne parlait plus que de banalités. Nos sujets de conversations étaient chiants et limités. Ce qui m'avait le plus blessé était centré autour de moi. Pour combler les blancs, je parlais de ma vie. Je me disais que s'il ne parlait pas de la sienne, c'est qu'il ne voulait pas en parler ou n'avait rien à dire dessus, alors je parlais de moi. Il ne parlait plus les derniers mois.

Il fallait croire que je n'étais pas différente des autres. J'étais devenue exactement ce que je reprochais à Morgane d'être. Une égoïste mesquine. Inconsciemment, à penser que je l'aurais toujours dans ma vie, je l'avais pris pour acquis. J'avais peut-être délaissé ses sentiments au profit des miens, je faisais semblant de m'intéresser à lui. Mais il ne me manquait plus. Notre histoire était terminée depuis quelques semaines au fond, je ne voulais simplement pas l'admettre, ni le laisser partir. En pensant à cela, je rouvris les yeux et me rendis compte qu'ils étaient brouillés de larmes. C'était la personne la plus importante à mes yeux et je n'en avais pas pris soin. Bigflo et Oli avaient dit dans une de leurs musiques   « que c'est souvent dans le plus grand silence que tout est dit ». Je posai ma tête sur mes bras et m'endormis.


****

On dit qu'il y a cinq phases pour faire le deuil de quelqu'un. Je trouvais  ça ironique qu'on fasse le deuil de quelqu'un qui est encore en vie, mais peu importe. D'abord, il y a le déni, on ne veut pas voir la vérité en face, on se réfugie dans autre chose pour ne pas avoir à affronter la vérité. Puis il y a la colère on en veut à l'autre parce qu'il nous a fait mal, parce qu'il nous a abandonné et parce que s'il n'avait pas fait autant d'erreurs on y serait encore, mais la vérité c'est qu'on est en colère parce qu'on souffre.

Tokyo a dit un jour que" le meilleur moyen d'atténuer sa propre souffrance c'est de faire souffrir l'autre". Elle avait raison. Puis, la tristesse de réaliser ce qu'on a perdu, ce qu'on ne retrouvera peut-être pas, que c'est terminé. S'ensuit alors toute la phase de regret et de remords à base de si j'avais su je m'y serais pris autrement, tout cela est de ma faute. Et enfin, l'acceptation, ça y est c'est fini, il faut maintenant passer à autre chose. Pas nécessairement dans cet ordre. J'en étais à la tristesse aujourd'hui et même si je n'aimais pas l'admettre il avait pris le meilleur choix pour nous deux.

Mais en fin de compte, il faut l'accepter. Une relation ça s'entretient à deux. Parfois, il est plus bénéfique de lâcher prise que de s'accrocher.

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Heyooo, vous m'avez manqué ! Petit point de vue de la part d'Iris, cela faisait longtemps.

Vous allez bien ?

Pas trop dur les cours ou a rentrée ?

A très vite,

Lionagle

Singulier - [Terminé]Where stories live. Discover now