Chapitre 73

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Ma jambe tremble frénétiquement, et je pose mon coude dessus pour me forcer à cesser le mouvement. Refermant la porte derrière elle, Brenda me toise avant de s'asseoir derrière son bureau. Sous son regard sévère, je fais un peu moins le malin que tout à l'heure. Habituellement elle n'est pas très intimidante, pour une directrice elle est très jeune – je lui donne moins de quarante-ans – et elle porte toujours un polo bleu à l'effigie du camping avec un pantacourt blanc ou beige, et des fruits en guise de boucles d'oreille. Aujourd'hui ce sont des fraises.

Mais aujourd'hui, elle ne sourit pas.

— Tu as intérêt à avoir une explication en béton armé pour avoir osé frapper un client. Deux fois !

— Oui.

Elle hausse un sourcil, et pianote sur le bureau de ses ongles manucurés en attendant la suite.

— Il a insulté Valerio.

— D'accord... Loin de moi l'idée de que ton ami et collègue ne mérite pas d'être défendu, mais ça me semble un peu léger comme argument.

— Tu n'as pas entendu ce qu'il a dit.

— Alors je t'écoute.

Je garde le silence.

— Bon, alors c'est toi qui vas m'écouter. Ce que tu as fait est très grave, est-ce que tu as la moindre idée des conséquences ? Ce jeune homme peut porter plainte, mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?

— Moi aussi je pourrais porter plainte, pour... diffamation ! m'emporté-je.

Elle croise les mains sous son menton, et semble chercher ses mots.

— Alors explique-moi ce qui s'est passé, parce qu'en l'état, je ne peux pas t'aider. Tu as frappé un client qui, pour ce qu'on en sait, est peut-être mineur. Tu as de la chance qu'il n'ait a priori pas besoin d'aller aux urgences !

Je grimace. C'est vrai que je ne me suis pas posé la question. Depuis que Brenda a débarqué au minigolf pour me conduire à son bureau pendant que la sécurité emmenait le bougre à l'infirmerie, j'ai commencé à réaliser que j'étais peut-être dans la merde. Mais maintenant, c'est un fait avéré. Je suis dans la merde.

— Valentin, insiste-t-elle. Parle-moi.

Je serre les dents. A vrai dire, je suis tiraillé entre le fait de dire la vérité, et de risquer de révéler l'homosexualité de Valerio sans son accord.

— Il l'avait mérité.

— Ce n'est pas une raison acceptable. Tu ne peux pas me dire que ce garçon avait mérité que tu le frappes, je suis désolée. Je vais être obligée de te renvoyer, tu le sais, n'est-ce pas ?

Je hoche lentement la tête, non pas parce que je le savais mais parce que je le comprends.

— Je suis extrêmement déçue de ton comportement. Et furieuse ! lâche-t-elle avec virulence. Je te connais depuis que tu es entré à l'école primaire et que j'ai commencé ici en tant que réceptionniste, alors ton petit caractère, je commence à le connaître. Mais ça...

— Il a traité Valerio... commencé-je vivement.

Mais je suis incapable de finir ma phrase. Ces mots me mettent tellement en colère. Je les ai parfois entendus au collège ou au lycée, lancés en l'air sciemment ou non par d'autres personnes, et pour être honnête ça ne m'a jamais préoccupé plus que ça. Je savais que c'était insultant, et ma mère m'a toujours bien éduqué au sujet des insultes et de la discrimination. Mais je ne connaissais personne de concerné, moi-même je n'avais pas l'impression de l'être.

W [EN PAUSE] Where stories live. Discover now