Chapitre 7

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2004


Avachis sur mon lit devant Matrix, épaule contre épaule, on a encore esquivé la soirée bingo du camping. Cette année, nos parents sont beaucoup moins lourds pour les soirées, ils nous laissent faire notre vie. En même temps, on a quatorze ans maintenant, l'année prochaine on passe le brevet. On n'est plus obligés de les suivre partout, surtout pour des activités chiantes à mourir.

— Je peux avoir les chips ? demande Valerio en tendant la main.

Je pioche une petite miette dans le sachet et la lui pose dans la main, et il me donne une tape.

— Vas-y, là, tu fous des miettes dans mon lit !

— C'est toi qu'est radin, là ! Allez, aboule le paquet.

Il roule à moitié sur moi et je me marre, finissant par lui donner car j'ai pas envie de dormir cette nuit dans des draps qui grattent et sentent le paprika.

Quand il est arrivé début aout, c'était un peu bizarre comme retrouvailles. Faut dire que l'année dernière, c'était pas la joie. Son copain Jordan est venu passer une semaine de vacances avec lui et ses parents, et c'était comme si j'existais plus. Enfin, si, mais c'était pas pareil.

C'était pas juste Valerio et Valentino, c'était Valerio et Jordan et Valentino parce qu'on allait pas le laisser tout seul comme un con.

Je déteste Jordan. Il a une tête de faux-cul, des manières de gros richou, et surtout il peut côtoyer Valerio toute l'année, lui. Pas moi.

Bref, de toute façon ils se parlent de moins en moins, il m'a dit, parce qu'apparemment il n'arrêtait pas de critiquer – après, bien sûr – les vacances. Ça me donne à la fois envie de lui casser le nez, et de lui faire un doigt d'honneur avec un grand sourire. Tant pis pour lui.

— Il est quelle heure ? demande Valerio entre deux poignées de chips.

Je lève ma montre phosphorescente à hauteur de ses yeux, et il hoche la tête.

— Tellement la flemme de bouger.

— Bah, le film est pas fini ! Tu voulais pisser ?

— Nan... Genre, flemme de rentrer me coucher après.

— Aaah. Bah, tu peux rester dormir.

— Ouais ?

— Y a de la place, et mes parents s'en fichent j'pense.

— Cool.

De l'autre côté de la cloison, j'entends la porte s'ouvrir sur mes parents et ceux de Valerio, car les rires sont nombreux.

— Les garçons, vous êtes là ?

— Ouais ! nous répondons en chœur.

J'ai l'impression que nos voix éraillées font vibrer le mobil-home. Moi aussi j'ai mué cette année, ça fait bizarre. Mais ce qui est grave cool, c'est que j'ai rattrapé Val en termes de taille. J'ai plus l'impression d'être un gamin à côté de lui, alors qu'on a le même âge.

On toque à la porte, et maman passe la tête dans l'ouverture, suivie de Nadège.

— Vous ne dormez pas ?

— Eh, m'man, je peux rester dormir là ?

— Mmh, Chris, t'en dis quoi ?

— Pardon, Christiane, je peux rester dormir à votre mobil-home ?

Elle pouffe de rire en secouant la tête.

— Quelle question, évidemment !

— Merciii, nous exclamons-nous une nouvelle fois en chœur.

W [EN PAUSE] Where stories live. Discover now