Chapitre 61

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— Tu sais qu'on ne dirait pas du tout que c'est ton métier ?

— Mais oui, avec ta carrure de grand gaillard, là...

— Ton fils il fait quoi, déjà ?

J'écoute d'une oreille les « adultes » discuter autour de notre grande tablée. Bien sûr, je pourrais m'inclure dans le lot d'adultes, mais quand ils sont tous parents ça creuse un fossé quand même. Affalé sur la table et le menton posé dans mon coude, je remue distraitement ma paille dans mon verre de diabolo en jetant un regard ennuyé à Valerio. Face à moi, il partage mon désarroi, dans la même position.

On n'est qu'à l'apéritif, et j'ai déjà envie de me barrer. Enfin, c'est sympa d'être avec l'équipe et les familles de toute le monde, mais je voulais passer la soirée avec Valerio seulement. J'en veux vraiment à mes parents d'avoir gâché ma récompense. Notre récompense.

— On peut prendre ce qu'on veut, alors ? demande Daichi, un des joueurs, à la serveuse qui vient prendre notre commande.

— Avec le bon, vous avez droit à une boisson soft, une entrée, un plat et un dessert.

Sous la table, Valerio me donne un léger coup de pied. D'un regard appuyé, il me fait comprendre qu'il ne l'a pas pris. Je fais un léger « non » de la tête pour lui signifie que moi non plus. Il sourit sournoisement, et je porte ma paille à ma bouche pour étouffer mon rire.

Même si ce n'est que partie remise, je m'étais vraiment levé ce matin avec l'idée que si on gagnait le tournoi, je passerais la soirée en tête à tête avec Valerio pour lui avouer mes sentiments. Et ça m'emmerde que mon plan tombe à l'eau.

— Ce n'est pas ce soir, la pluie des étoiles filantes ?

— Ah si, si ! Nous on a déjà prévus d'aller sur la plage, tout à l'heure.

— Il fait nuit à quelle heure, d'ailleurs ?

— On ne doit surtout pas manquer ça !

— Aloooors, les double-cheeseburgers, c'est pour qui ? interrompt la serveuse.

Valerio et moi levons la main, et nous sommes servis les premiers.

J'ai une faim de loup, et j'attrape ma fourchette presque aussitôt. Maman me tape sur la main, et je me justifie rapidement :

— Nan mais j'allais pas commencer avant vous, c'est juste un réflexe.

— T'as la dalle ou quoi ? ricane Valerio.

Je m'apprête à lui faire un doigt d'honneur mental, et finalement quelque chose d'autre me vient tout aussi spontanément.

— J'ai grave la dalle, ouais.

— Valentin, un peu de tenue... gronde maman.

— Faut croire que je manque un peu de décence, aujourd'hui... répliqué-je à l'intention de Valerio.

Celui-ci rougit un peu, et je jubile.

— Mais quel ventre sur patte, taquine Francis.

— Avec tout ce qu'il brûle comme calories au foot, il a besoin d'énergie ce petit ! me défend Marcel à quelques places de là.

— Et j'aurai pas assez d'un burger, clairement.

— Y aura toujours le dessert, dit nonchalamment Valerio.

Autour de nous, nos parents sont servis et ne prêtent pas attention à notre échange.

— Ouais mais je sais pas si celui qui m'intéresse est compris.

W [EN PAUSE] Onde as histórias ganham vida. Descobre agora