36. Si les dieux pouvaient tomber 2/2

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La presqu'île chatoyante d'Iruma n'usurpait pas sa réputation de joyaux du nord. Il n'y avait qu'à se pencher pour ramasser les fruits savoureux des panamiers dont les longues feuilles acidulaient le paysage d'auréoline, de rouge et parfois même de cyan. Le Goulouapik offrait une terre prospère et les hommes s'étaient empressés d'extraire sa roche volcanique pour bâtir leurs domaines. Mais depuis des milliers d'années, la célébrité d'Iruma n'était pas liée à son volcan, à sa faune exotique, ni à sa flore bigarrée. Sa renommée venait de sa richesse, au sens propre, arrachée au cœur d'un lac sacré. De nombreuses pierres magiques comme l'amétrine se formaient depuis toujours au fond du Nenv-Mezelour au grand bonheur des humains qui les arboraient de prime abord pour se protéger des mauvais sorts, mais aussi des porteurs divins.

Un individu superstitieux verrait à travers ces roches mauves et mordorées, les larmes du dieu des dieux. Une Lapidaire des Tisons en revanche, experte en géologie, expliquerait la cristallisation de ces gemmes hydrothermales grâce au refroidissement naturel des eaux volcaniques sursaturé d'un minéral rare.

Seuls les apeths détenaient le fin mot de cette histoire et ceux-ci s'en moquaient éperdument tant ils étaient inquiets. Ils s'avéraient même terrifiés. Après leur rencontre morbide, le reste de l'Apéthie avançait, sous sa forme bestiale, en direction du Goulouapik. Le corps sans vie de l'Araignée-pilier hantait la conscience de chacun. Un silence funeste pesait sur toute la presqu'île. Le cadavre de Kabal continuait d'enfler dans leurs esprits pour mieux les renvoyer à leur propre mortalité. Le quatuor n'était plus éternel. Comment était-ce seulement possible ? Des quatre apeth, c'est Iori qui se posait le plus de questions.

— Donc, si je résume bien, une créature inconnue a dévoré notre frère, qui au passage était le plus puissant d'entre nous.... et nous partons à sa poursuite ?

— Nous devons la tuer tant que nous sommes ensemble ! Face à nous quatre, cette chose n'a aucune chance, grogna Bhöl.

— C'est aussi ce que tu disais avant que nous ne trompions et affrontions Kabal. Cela m'a tout de même couté un bras, au sens propre ! Il a mis des siècles à repousser !

— Tais-toi donc Iori, maronna la Louve Cornue qui galopait en tête de file. Tu sais très bien que Kanika n'aime pas qu'on aborde ce sujet.

— Je me demande bien pour quelle raison ! Elle culpabilise peut-être d'avoir dupé son époux ? Ou d'avoir employé le sortilège que Kabal lui avait enseigné pour l'exiler ? Elle a retourné son propre Sigle contre lui....

— C'était lui ou nous ! s'écria la chouette. Je ne l'ai pas trahi de guetté de cœur ! Tu le sais très bien !

— C'est à se demander pourquoi tu nous as rejoints. grommela l'ours rouge.

— Kanika a accepté de me partager les Sigles. Kabal avait refusé. Pour survivre... le choix était vite fait !

— Et si Kabal avait accepté ?

— Vous seriez surement de l'autre côté. Ou derrière nous, la panse ouverte et les entrailles à l'air. En parlant d'entrailles, Kanika, comment se porte Halphas ? Comment va mon neveu ?

La chouette virevoltante fondit sur le renard jouasse en déployant ses serres affutées comme des rasoirs.

— Je t'interdis de parler de mon fils ! piaffa hargneusement la gardienne des Sigles.

Deydia arrêta promptement sa course pour voler dans les plumes de sa sœur jumelle. Les gigantesques bois de la déesse séparèrent les belliqueux. Iori glapit en manquant de se faire éborgner et s'apprêtait à répliquer lorsque la lourde patte griffue de l'ours l'immobilisa au sol. Le pauvre renard se tortillait en pignant sous l'œil moribond de sa fratrie. Le dieu de la guerre rabroua sèchement son cadet alors que Deydia claquait méchamment ses mâchoires en signe d'avertissement. Le ton était clair, le temps n'était pas à la dissension.

Les Orbes Divins I - La voie du runellierKde žijí příběhy. Začni objevovat