22. Le marginal en marge

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La bibliothèque était incroyable, spacieuse et lumineuse. Si Sandre ne savait pas à quoi s'attendre, elle fut néanmoins surprise du désordre qui régnait dans la pièce. D'étranges bibelots, des armes et d'autres objets s'enchevêtraient sous la lumière des vitraux en formant des monticules hasardeux. Cette salle était un véritable débarras.

Le couple se voyait encore perturbé par leur rencontre avec le Vénérable. Bleiz et Sandre avaient été sèchement congédiés par les runelliers et avançaient maintenant vers le centre du bâtiment. Baignés par les faisceaux des hautes vitrées, ils contemplaient la poussière filtrer les rayons du soleil dans un silence religieux.

La jeune femme semblait nerveuse, elle commençait à culpabiliser de l'incident avec le Vénérable. Camaël avait rapidement accouru pour prendre soin du vieux télépathe et bien évidemment, ils étaient tenus responsables de l'état de santé préoccupant du doyen.

Ils déambulèrent un moment devant les innombrables objets magiques, intrigués de chaque chose. Bleiz lorgnait avec envie les magnifiques sabres accrochés au mur et l'orpheline, curieuse, plongeait ses mains dans un tas d'étranges ustensiles d'astronomie pour fouiller les  artefacts.

Elle dénicha une jolie dague à lame ondulée. La poignée était très courte, et le bois se voyait finalement ciselé de fleurs d'aubépine. Le pommeau tordu représentait une tête de cigogne. Le coutelas devait appartenir à la noblesse d'antan. Le fourreau ouvragé relevait d'un travail d'orfèvre et le métal doré s'était patiné. Quelques pierres violettes semblaient desserties, certainement perdues par les années. Sandre n'arrivait pas à détacher son regard des magnifiques gemmes mauves lissées par le temps. Elle ignora Bleiz qui venait de faire maladroitement tomber une hache de guerre sur le sol. Il ramassa l'arme en critiquant franchement les Disciples de Sigil.

La jeune femme tentait de libérer sa lame et abîmait ses ongles sur le fourreau de métal. Son regard changeait singulièrement d'expression, passant de la détermination à l'incompréhension. C'est finalement après de longues minutes à observer son amie s'échiner sur l'étrange objet que son complice s'agaça.

— Nous voilà enfermés dans une nef, prisonniers d'une bande de moines patibulaires, et toi, tu t'obstines sur une dague ?

— Franchement nous n'y sommes pour rien, alors autant tuer le temps en attendant que le Vénérable se porte mieux, marmonna-t-elle, concentrée.

— Sans compter que le décès du patriarche profiterait surement à Camaël. Je ne vois pas pourquoi ils nous séquestrent.

— Tu as décidément une dent contre lui ! Regarde cette arme, elle est bizarre, non ? Je n'arrive pas à l'ouvrir !

— Je me méfie, c'est tout. Ce vieux bonze est bien naïf s'il imagine pouvoir faire confiance à Camaël. Ceci dit, je suis curieux de connaître son histoire. Mais arrête donc de t'acharner sur ce truc. Tu vas t'arracher les ongles !

— Aïe !

— Qu'est-ce que je disais !

Sandre s'était écorchée. Une goutte de sang roula sur le fourreau et celui-ci céda enfin pour découvrir le tranchant de l'arme. L'orpheline dénuda la lame serpentine qui s'avère délicatement dentelée. Le métal étincelant au possible se reflétait d'éclats violets non sans rappeler la composition globale de l'objet. Elle admirait les dents acérées de l'arme sous la lumière lorsqu'une voix masculine s'éleva derrière eux. Ils sursautèrent.

— Je peux vous raconter la vie de Camaël si vous le souhaitez. Vous avez raison de vous méfier de lui, car après tout, c'est un ancien Cercle d'Or.

Le duo se retourna brusquement. Un homme de taille moyenne, vêtue d'un kimono noir, cintré et étonnamment brodé, se tenait à quelques pas derrière eux. Il feuilletait négligemment un épais livre à la reliure usée. Il arborait profil doux et des cheveux rasés sur les côtés. Une moustache fine surplombait son sourire enjôleur et de lourdes boucles brunes tombaient sur ses tempes. Sa prestance naturelle enjolivait son charme curieux. Ses longs cils et son grain de beauté sous l'œil rehaussaient son regard pétillant pour efféminer son visage. Seules les rides de son front et des pattes d'oie ténues trahissaient la cinquantaine tassée de ce très bel homme.

Les Orbes Divins I - La voie du runellierWhere stories live. Discover now