42. Le Dédale

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Les ténèbres. Le silence. Le froid. La prévision de ses trois facteurs angoissait déjà les plus jeunes aspirants. Les quatre équipes s'étaient séparées dès le premier croisement. Lumenn guidait le dernier groupe au cœur de l'obscurité. Elle connaissait le chemin par cœur. Ils marchèrent longuement sans un mot. La jeune adastre, pourtant si douce, se mouvait dans un mutisme absolu. Benji ne savait dire s'il s'agissait d'une sorte de tradition ou si l'adolescente couvait de sombres pensées.

Il la questionna gentiment quelques fois, mais elle ne répondit pas. Elle se contentait d'avancer, encore et encore. Sa lueur bleuâtre et blafarde semblait bien froide sur les murs de terre et de glaise tassée. Leur périple dura ce qui sembla paraître des heures. Parfois le sol s'inclinait, parfois il montait. Le Dédale était un labyrinthe multidimensionnel et cela ne rassurait pas le Chevalier des thés dont le sens de l'orientation défaillait.

La cheffe des Lanternes paraissait soucieuse. Benji était prêt à jurer l'avoir entendu renifler plusieurs fois. Avait-elle pleuré ? Il tenta de nouveau d'obtenir des informations. Ou les emmenait-elle ? Est-ce qu'elle allait bien ?

— Je crois qu'elle s'est disputée avec Tibeo, murmura Ypope qui se pensait discret. Je crois que c'est à cause de Gebo.

La Sacripante fit fi du commentaire, mais sa luminescence vira soudainement à l'orange. Nul besoin d'être un génie pour comprendre son agacement. Benji se retourna un instant, Kaolin et Ypope haussèrent les épaules de concert. C'est à n'y rien comprendre, songea-t-il. Il leva ensuite les yeux dans la pénombre et aperçut la petite mal voyante, haut perchée sur les épaules de Kaolin. Il se surprit à rire.

— Que fais-tu là-haut ?

— Il prétend être infatigable ! Je veux voir ça !

— Donc il te porte sur ses épaules, logique.

La fillette souriait de toutes ses dents. Une certaine malice émanait d'elle. On imaginait facilement ses yeux rieurs derrière le lin de son bandage. Benji, dont la naïveté s'étiolait depuis sa rencontre avec Gebo, soupçonnait l'enfant d'être bien plus maligne que présupposé. Ypope n'était pas dupe, non plus, mais s'accordait à croire qu'il fallait tirer parti des pouvoirs de chacun. Il en profita pour solliciter sa camarade.

— Et toi ? C'est quoi ton nom ?

— Ibeïava Ez Cavan, mais vous pouvez m'appeler Ibéï, répondit-elle fièrement.

— Une noble ? s'étonna Kaolin.

— Cela ne veut plus rien dire ici-bas, trancha Ypope. Si elle est là, c'est que sa famille n'avait pas les moyens de lui offrir l'éducation des sentinelles. Elle est comme nous, ce n'est qu'une aspirante maintenant.

Si Ibeï fut blessée par les propos, elle ne laissa transparaître aucune émotion. La petite noble se désintéressa tout bonnement d'Ypope. Le garçonnet la harcela de questions concernant son don, sans succès. Elle ne desserra pas les dents et lui resta sur sa faim, pas satisfait pour un sou de l'absence de réponse. Il tâcha d'attraper la jambe de l'impertinente, mais Kaolin le dissuada calmement. La gamine passait des châteaux aux égouts, nul besoin de remuer le couteau dans la plaie. Son pouvoir se dévoilerait en temps voulu.

— C'est très bien les égouts, marmonna Ypope. Y'a personne pour vous traquer avec des fourches et on trouve plein de trucs... J'adore les égouts, moi.

Gebo pouffa de rire dans l'obscurité. La remarque du blondinet lui arracha un sourire et le déconcentra. Le runellier sans renard clôturait la marche. L'homme ne s'était pas montré plus démonstratif que Lumenn depuis leur entrée dans le Dédale. Il se taisait et éludait chaque sollicitation d'un geste dédaigneux. Son comportement était étrange, voire suspect. Benji connaissait bien son binôme, mais cette taciturnité soudaine s'avérait anxiogène. Est-ce que l'alcool lui manquait ? Ses Yiks ?

Les Orbes Divins I - La voie du runellierWhere stories live. Discover now