24. Si les dieux pouvaient tomber 1/2

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La végétation luxuriante recouvrait l'ensemble de l'île tropicale, les palmiers géants s'élançaient vers le ciel avec audace et la chaleur moite ravissait les insectes des nombreux points d'eau. La péninsule d'Iruma avait toujours été une presqu'île paradisiaque aux yeux du continent, mais c'était également un véritable trésor de diversité où la faune riche et grouillante s'épanouissait sous les panamiers et les autres arbres fruitiers.

Les hommes s'étaient rapidement battus pour les richesses du territoire finalement remporté par le peuple sylvain d'Adastra. Les colonies pérennes s'établirent au cœur de la péninsule, dans la jungle, en bord de plage et au sommet de l'énorme volcan. Le Goulouapik avait bel être inactif depuis des ères et toiser la région d'Iruma de toute sa hauteur, son immense cratère restait impressionnant et se remplissait des terribles orages et des précipitations régulières pour former un profond lac large d'une centaine de toises.

Le lac situé au sommet du piton endormi était connu pour ses eaux fraîches à laquelle on prêtait même d'incroyables vertus médicinales, la clarté des eaux y était exceptionnelle grâce à l'absence de courants et de sédiments. Par temps clair, le ciel bleu se reflétait dans l'eau et lui donnait sa couleur presque bleu nuit, mais en revanche par temps d'orage, ses eaux profondes apparaissent nébuleuses et suffisamment obscures pour prêter des noms équivoques au lac. Comme le Nênv-di-zolo, les eaux d'Entre-Ciel, ou encore le Nênv-Melezour, le miroir nébuleux.

Les eaux oxygénées du Nênv-Melezour abritaient une riche flore aquatique ainsi que de nombreuses espèces comme les féroces poissons-tarasque. Le sol volcanique d'Iruma était une source inépuisable de métaux rare et était exploité par les meilleurs magicien-foreurs d'Adastra. Ceux-ci revendaient ensuite les éclats de fer bleu à prix d'or aux belliqueux manaliens ou aux agriculteurs de Malota. Adastra put prospérer des siècles durant grâce aux richesses de la presqu'île et parvint à maintenir un équilibre commercial et des relations stables avec l'ensemble des peuples du continent avant que la première éruption ne survienne.

Quatre individus tâchaient péniblement d'avancer dans la jungle épaisse en bavassant. Le personnage qui ouvrait la voie était un colosse dans une cuirasse de couleur rouille. La natte iroquoise aussi noire que soyeuse de l'individu tranchait avec la rugosité de son épiderme smaragdin parsemé de cicatrices. Son visage oblong empreint d'un détachement hiératique et ses mouvements fluides affirmaient sans ambiguïté son appartenance à un lignage de grande noblesse. Son regard torve à la sclère charbonneuse rehaussé d'iris mordorés dénotait cependant de son allure indolente pour lui conférer une aura féroce et l'air imprévisible. Il mordait sa fine lèvre, concentré, pour tailler violemment les lianes et plantes qui entravaient son chemin à l'aide d'une curieuse arme.

La lame sinueuse et serpentine, tranchante à ses extrémités, était ornée d'un pommeau enveloppé d'un cuir épais en son centre. Le fil de l'épée se figea alors malencontreusement dans le tronc d'un épais panamier en faisant un bruit sourd et, autant pour éviter de se couvrir de ridicule que de ralentir le groupe, le géant décida de s'effacer devant deux superbes créatures qui le dépassèrent.

Bien que très différentes, elles étaient captivantes. Si l'une semblait fine, de taille moyenne et toute en nerfs, l'autre se voyait grande et voluptueuse. Leur peau d'un bleu laiteux et leur longue chevelure d'argent ne laissaient aucune place au doute concernant leur sororité. Elles pouffèrent de rire en doublant le gaillard qui se démenait pour retirer sa lame de l'arbre. La plus petite se déplaçait agilement de ses pieds nus sur l'humus couvert de feuille. Elle ne semblait pas gênée par son encombrante cape de plumes et sa couronne d'épines entortillée autour d'un chignon rebelle. Une étrange ceinture adornée d'os s'enroulait sur son accoutrement écarlate et seyait ses hanches étroites jusque sous son plexus. En l'observant de près, on pouvait constater des griffes acérées au bout de ses doigts et bien que ses lèvres charnues appelaient à la douceur. Ses dents pointues et ses prunelles ocres et hostiles soulignaient sa beauté froide et mortifère.

Les Orbes Divins I - La voie du runellierWhere stories live. Discover now