8. Le Chevalier des thés

83 12 11
                                    

Le garde observa l'homme aux chaussettes orange qui se tenait devant les portes du village, affublé d'un accoutrement comique tournoyant autour d'un camaïeu solaire. Le jaune, le rouge et le brun coloraient sa robe d'une manière aussi improbable que chaleureuse. Il était plus grand que son bâton et l'aube seyait son crâne chauve telle une couronne de lumière. Le tout contribuait parfaitement à l'aura affable de l'inconnu et mit le garde en confiance. Il le héla du haut de sa régie.

— Qui va là ? 

— Un disciple de Sigil éreinté qui a fait une longue route depuis Pont-Vaillant.

— Un moine ? Ici ? Mais qu'est-ce qui vous amène ?

— J'appartiens à la Confrérie de Lula. J'ai à faire dans la région, un monstre à chasser. Suis-je encore loin du village de Patma ?

— Vous y êtes messire ! Notre mestre a mandé du soutien à la Passerelle. On ne savait pas trop à quoi s'attendre certes... mais... on imaginait plutôt... une troupe armée. Ne le prenez pas mal, mais un moine, ça me parait léger pour régler son compte au monstre. C'est le bordel votre organisation !

— C'est assez flou en effet, mais ne vous inquiétez pas, je ne devrais pas apporter davantage de problèmes. Pouvez-vous me guider jusqu'à une auberge pour un repas chaud et changer d'habits ?

— Sédivan, remplace-moi veux tu ! J'accompagne notre invité chez Lou pour grailler ! Vous allez voir, Lou fait les meilleures côtelettes de mouton de la région !

Le garde disparut un instant derrière la palissade. Un patatrata retentissant suivi de jurons parvinrent au moine à travers le bois. Les portes s'ouvrirent finalement pour laisser passer le moine. Le garde massait douloureusement les reins de la main droite. Il avait sans nul doute dévalé les escaliers sur les fesses. Le bonze se retint de sourire et dut regarder le sol pour ne pas pouffer devant la grimace du garde.

Ils slalomèrent entre les bosses de l'allée principale en direction de l'auberge, dont on distinguait l'écriture vieillie « Chez Lou ». Le moine observa son nouveau compagnon. C'était un jeune homme, couvert de crasse. Son plastron était un plateau à thé rattaché à des cordelettes ; son casque en métal était troué et appartenait sûrement à un soldat mort. Sa lance était rouillée et ses jambières usées.

— Je sais bien que j'ai pas fière allure. C'est qu'on manque un peu d'effectif depuis que les maris et les fils sont partis chasser le monstre, alors on improvise. remarqua le concerné.

— Il n'y a plus d'hommes au village ? Quand rentreront ils ?

Le regard du jeune s'assombrit.

 — Ils devaient revenir la semaine dernière .

Le garde ouvrit la porte et héla un grand type derrière son comptoir. L'homme tenait plus du colosse que de l'aubergiste. Son crâne était aussi chauve que celui du moine, une épaisse moustache brune surplombaient son sourire franc et sa mâchoire carrée. L'adolescent commanda une côtelette, paya pour le bonze avant que celui-ci ne sorte sa bourse et fila quérir le chef du village. Le restaurant était vide hormis l'enfant du patron qui jouait sagement dans un coin. La tête blonde se retourna à l'arrivée des visiteurs et le moine distingua deux magnifiques yeux bleus derrière les traits chérubins.

- C'est votre fille ?

- Tout à fait. Ella, dis bonjour à nos invités.

L'enfant, qui ne devait pas avoir plus de trois ères, salua l'inconnu de sa petite main qui s'ouvrit puis se ferma.

- Elle est très belle, votre femme et vous devez être fiers.

Le visage du géant s'assombrit brusquement et son poing se serra sur le torchon crasseux qui lui servait à essuyer le bar. Le clerc comprit instantanément son erreur et se racla la gorge en présentant des excuses. Le tenancier changea de sujet.

Les Orbes Divins I - La voie du runellierDonde viven las historias. Descúbrelo ahora