Chapitre 19

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PDV Carlos

Je ramène mes cheveux en arrière dans un accès de rage tout en arpentant le belvédère en bois blanc. Bon sang de bonsoir ! Qu'ai-je fait pour mériter pareil acharnement de la part du destin. Pourquoi diable suis-je retourné au lac ? La réponse se trouve justement sous mes yeux. Hanna. Une véritable sangsue, à la fois insolente et brave. Il y a bien longtemps qu'on ne m'avait pas tenu tête comme elle l'a fait. Je crois même que personne n'a osé avant elle... Délicate comme elle est, j'aurais pu la briser d'une seule main, au lieu de ça, je l'ai séduite et envoyée à l'eau. Dieu que je me suis amusé sans me douter que je serais obligé quelques minutes plus tard de faire le grand plongeon pour la sauver. Je mérite une baffe phénoménale.

Je cours m'agenouiller auprès d'elle lorsqu'un son plaintif s'échappe de ses lèvres. Je palpe son front. Je suis heureux de constater qu'elle n'a pas de fièvre. Ses yeux papillotent à la lueur blafarde de la lampe de poche qui éclaire l'habitacle. Ils s'arrêtent finalement sur moi. Ils sont gris et frangés de longs cils. Elle me zyeute avec une incompréhension mêlée de curiosité. Notre rencontre le soir de l'enterrement me revient tout à coup en mémoire. Elle m'a paru tout aussi vulnérable et j'avais eu cette envie irrépressible de la serrer dans mes bras pour lui apporter un peu de réconfort. Envie que j'ai préféré masquer en étant le plus méchant que possible. C'était à cause de personne comme elle si Louane me rejetait. Enfin... C'est ce que j'ai cru tout ce temps.

─ Que s'est-il passé ? Pourquoi suis-je ici, qui plus est avec... Toi ? demande-t-elle les sourcils froncés. Toi ! Tu as failli me tuer, enchaîne Hanna en se levant subitement, laissant tomber ma veste qui la couvrait.

─ Un simple merci aurait suffi, grogné-je en me mettant debout devant elle.

─ Te remercier, rétorque-t-elle incrédule. C'est la meilleure, celle-là ! Tu crois m'avoir fait une fleur en m'envoyant à l'eau. Elle était glacée. Je dis ça, je ne dis rien. J'aurais pu me casser une jambe ou m'étrangler ou même avoir une crampe. Tu n'es qu'un meurtrier, un malotru, une...

─ Brute, un monstre, un rustre, énuméré-je pince-sans-rire.

Elle hoche la tête à chacune de mes propositions en faisant les cent pas avant de s'arrêter brusquement.

─ Attends ! Tu te moques de moi là ?

─ Tu n'as pas la caboche aussi vide que je le croyais.

Je suis ravi de la voir complètement abasourdie. Je vais pouvoir lui dire sa râtelée.

─ Tu n'es qu'une petite ingrate. Je t'ai bel et bien fait une fleur en te tirant de ce merdier dans lequel tu t'es fourré. Je t'ai réchauffé. Tout cela, à mes dépens. Je serais déjà parti à l'heure actuelle si tu n'avais pas voulu jouer à l'héroïne. Alors, ne viens pas me bassiner avec tes reproches à la con.

─ Bien fait pour toi. Tu n'avais qu'à ne pas me pousser dans l'eau ducon, invective-t-elle.

─ Et toi, tu n'avais qu'à rester dans ton lit bien douillet. On serait tous tranquilles. Sale mégère ! réponds-je du tac au tac.

Elle imite avec ses deux mains le mouvement de m'étrangler.

─ Si j'étais toi, je ne quitterais pas cet endroit, l'avisé-je quand elle me tourne le dos.

─ Va voir ailleurs si j'y suis.

J'éclate de rire à son retour.

Elle a une tête de déterrée. Sa chemise de nuit est maintenant maculée de... boue. Je ris de plus belle. J'aurais payé le prix fort pour pouvoir assister à cette scène.

─ Ne te retiens pas, surtout. Rira bien qui rira le dernier.

─ J'imagine que la maison était fermée de l'intérieur.

HannaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant