Chapitre 6

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PDV Hanna

Je ne me souviens pas de comment j'ai atterri dans ce parc ni même depuis combien de temps, je suis ici. La vérité est que je m'en fiche tout simplement. Je me fiche qu'il fasse désormais nuit ou même que je sois trempée jusqu'aux os. Mes larmes ont tari. Moralement, je suis à sec. Assise les pieds ballants sous cet orage terrible, les souvenirs lugubres de cette affreuse journée me montent brusquement à la tête. Mes larmes comme par magie se remettent à couler.

Je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée que Sara ne soit plus là. Je m'attends toujours à me réveiller au milieu de la nuit en nage après avoir fait un horrible terrible cauchemar. Je m'attends également à un appel de Sara. Elle rigolera, car je me suis fait avoir par sa farce. Et moi, je rigolerai avec elle trop heureuse de revoir son sourire espiègle. Au fur et à mesure que le temps passe, mes illusions s'estompent. Sara est morte. Nos projets de vacances, son rêve d'être une avocate de renom avec elle. Mes souvenirs remontent à la veille de sa mort. Nous avons discuté gaiement au téléphone. Elle criait après sa sœur qu'elle adorait énormément malgré leurs chamailleries incessantes. Mia. Maintenant que sa sœur est morte, elle me déteste, car j'en suis seule responsable. Louane n'a pas à porter ce poids elle aussi.

Nos vacances ensemble en France.
Notre baignade au clair de la lune. Absolument, tout me monte à la tête.

Un bruit derrière un buisson attire mon attention. Un petit chien y émerge, les poils mouillés. Il est adorable. Ses oreilles pendantes et son museau pointu réussissent à me soutirer un sourire. Mon premier depuis une semaine. Depuis le décès de Sara.

─ Tu fais quoi tout seul au-dehors toi ?

Je ponctue ces paroles d'un léger sourire. Il me fixe de ses petits yeux de chien battu avant de filer en direction de la rue qui n'est pas très loin de là où je suis. Le bruit sec qui suit me laisse pétrifiée. Je mets un peu de temps à réagir.

─ Oh petit chou ! Dieu merci, tu n'as rien.

Je m'agenouille devant le chiot qui est couché à quelques centimètres d'une roue de motocyclette. Heureusement, le chauffeur s'est arrêté à temps. L'adorable boule de poils a les oreilles couchées.

─ Moi aussi, je vais bien, lance une voix rauque au-dessus de ma tête.

Je voulais me relever, mais tout ce que je réussis à faire, c'est de m'affaler au sol. Depuis la mort de Sara, je ne fais que pignocher ce qui fait que je suis faible. Prenant une profonde inspiration, je me mets debout. Je sens le sol tanguer dangereusement sous mes pieds. Je me serais probablement écroulée si on ne m'avait pas saisie par la taille.

─ Hé ! Fais attention.

Cette fois, je lève la tête, troublée par la proximité. Denver ? Je fronce les sourcils, dubitative. Il en fait de même. Le frôlement du chiot m'arrache un hoquet de surprise. Je m'agrippe désespérément à lui. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres. Je me perds dans ses yeux bleus, presque violets quand un éclair illumine le ciel. Pendant un instant, j'ai le souffle coupé.

─ Merci, articulé-je faiblement.

Il enlève ses mains de mon corps comme si tout à coup il s'était brûlé. À cet instant, son sourire moqueur me prend totalement au dépourvu.

─ Je ne savais pas que c'était toi.

La virulence de ce propos exprimé de manière désinvolte me laisse la bouche béante. Durant une fraction de seconde, j'ai cru à une once de compassion de sa part sauf que je me suis trompée. Ce n'est qu'un sans-cœur. Sa froideur est sans égale. Pourtant, il s'est montré gentil avec Sara. Pourquoi pas avec moi ? Je me rappelle aussitôt que Sara était une fille que tout le monde adorait même notre prof de maths. Je me souviens encore de son air chagriné quand il m'a avoué que c'est grâce à elle s'il a encore une famille. En réalité, il a toujours su que c'était elle la coupable de son repos forcé. Il a pu prendre conscience du divorce imminent qui menaçait son couple et a pu agir en conséquence.

Une grosse larme roule sur ma joue gauche. Non, je n'ai pas envie de pleurer à cause de lui. Et pourtant, je pleure. Le temps d'une femtoseconde, je crois déceler dans ses yeux une lueur de compassion. J'ai rêvé.

─ Hanna !

Je me retourne vers Michael en train de garer sa voiture, une Bugatti Chiron carbone rouge et noir, sur le côté de la route. Je cours me réfugier dans ses bras à la minute où il en sort.

─ Dieu merci, tu es là. Je me suis fait un sang d'encre quand je suis retourné au cimetière et que tu n'y étais pas.

Je n'ai pas la force de répondre. Seuls ses bras vigoureux m'empêchent de vaciller.

─ Ils s'inquiètent tous pour toi. Rentrons.

J'acquiesce et le suis dans le véhicule flambant neuve. Je suis accotée à la vitre lorsque le bruit d'une moto qui s'éloigne se fait entendre dans la nuit.

─ Qui c'était ? s'informe Michael en mettant la clé de contact.

─ Personne.

À peine ai-je franchi le pas de la porte que Victoria fond sur moi se fichant royalement de mes vêtements mouillés.

─ Oh Hanna ! Ne me fais plus une telle frayeur, me blâme-t-elle au bord des larmes.

─ Je suis désolée, Vic. Je ne voulais pas t'inquiéter. C'est juste que je... je n'ai pas vu le temps passer.

Je suis sincère. Grande a été ma stupéfaction quand Michael m'a donné l'heure : 22 h.

─ Ce n'est pas grave ma chérie. L'essentiel est que tu sois là saine et sauve, intervient notre voisine en m'enveloppant dans une large serviette.

─ Dana a raison ma puce, enchérit Josh.

En pénétrant dans la cuisine, je suis surprise d'y trouver Louane une tasse de thé à la main.

─ Hanna !

Elle délaisse sa boisson et m'étreint si fortement que j'ai le souffle coupé. Néanmoins, j'affiche un sourire rassurant quand elle s'écarte.

Suite à la frayeur que je leur ai infligée, je consens malgré mon inappétence à avaler quelque chose. Je discute aussi à contrecœur avec eux. Le souvenir de Sara me monte à la tête. Toutes ces fois qu'elle est venue chez moi. Ses rires fusaient dans ma modeste maison. Tous depuis Victoria jusqu'à Dana l'appréciaient. Tout comme moi, Louane n'est pas très bavarde. Je la trouve amaigrie, pâle. Ses yeux sont cernés. La semaine dernière nous ne nous sommes pas vues, pas parlées. Chacune ressassant son propre chagrin.

─ On se rend au cimetière ensemble demain matin ? me demande Louane alors que je la raccompagne à la porte.

─ Oui, vers 10 h. Ça te convient ?

Elle opine du chef.

─ On y va, coupe Michael qui a proposé de la ramener.

─ Envoyez-moi un message pour m'informer de votre arrivée, leur crié-je tandis que la voiture est sur le point de s'éloigner.

─ J'y vais moi aussi. Passe une bonne nuit.

─ Toi aussi Dana.

Je souhaite une bonne nuit à Victoria et Josh, ensuite monte dans ma chambre. Elle est contiguë à celle d'Émilie qui dort paisiblement. Je me dévêts à la hâte avant de prendre un long bain. J'enfile mon pyjama puis me mets au lit. Toujours pas de message. J'appelle Michael, mais je tombe sur son répondeur. Le portable de Louane est resté chez moi. Elle l'a oublié. En dépit de mon inquiétude, je ne tarde pas à sombrer dans un sommeil où la mort de Sara n'a de cesse de me hanter.

*Avez-vous déjà éprouvé la douleur immense due à la perte d'un être cher? Si oui, qui?

HannaWhere stories live. Discover now