Chapitre 11

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Deux semaines après l'accident

Le cœur lourd, j'emprunte le chemin que je connais par cœur. L'eau sur le sol gicle sur mes bottes en caoutchouc tandis que je remonte l'allée tombale munie de pierres blanches. Les larmes me montent aux yeux quand je foule le gazon imprégné d'eau de pluie pour m'arrêter devant la sépulture.

─ Salut Sara, commencé-je en m'agenouillant devant la tombe garnie de fleurs sombres. Je vais si mal. Si seulement tu étais là avec moi.

Ma voix n'est plus qu'un murmure qui se brise. Le reflet de ma douleur. L'eau salée qui coule de mes yeux se mêle à la pluie. Les deux en un mélange homogène viennent s'écraser à mes pieds.

Si je suis ici, c'est pour me confier à elle. Je ferme les yeux et débute ma narration d'une voix tremblante. Je débute à l'époque où elle était encore de ce monde.

À l'époque, où tout allait bien

***

─ Pour finir, Louane a déménagé le lendemain de mon accident. D'après les rumeurs qui circulent au lycée, elle est partie en France.

Je laisse échapper un rire cynique avant de poursuivre, la voix enrouée :

─ Elle m'a envoyé des fleurs avant de prendre la poudre d'escampette. Tu te rends compte, comme si de simples fleurs pouvaient réparer tout le mal qu'elle m'a fait.

Un vent frais s'insinue dans mes cheveux me faisant doucement frissonner. Je garde les yeux fermés durant un instant. Je me sens sereine, apaisée comme libérée d'un lourd fardeau. J'ouvre les yeux. Aussitôt, son visage m'apparaît, rayonnant tel un feu follet. Le rayon de soleil qui illumine son nom gravé sur la pierre me fait lever les yeux au ciel. Il ne pleut plus ; bien au contraire les nuages sont ouverts sur un soleil resplendissant. Un joli arc-en-ciel se dessine à l'horizon.

Sara.

C'était le genre de personne à répéter à tout bout de champ qu'après la pluie vient le beau temps.

─ C'est tout toi Sara Katarina Summers, souris-je, les yeux embués de larmes.

Dans le taxi, je consulte mon portable : dix appels manqués de Brad. Je décide de l'appeler une fois chez moi.

─ Brad n'a pas cessé d'appeler. Il a une bonne nouvelle à t'annoncer, m'informe Victoria quand je franchis le seuil de la porte.

Elle affiche un sourire espiègle puis s'en va laissant planer le mystère derrière elle. Émilie et Josh sont allés faire les courses avec nos parents. Ces derniers sont rentrés de Floride dès qu'ils ont su pour mon accident. J'échange mes vêtements mouillés contre un bermuda chiffonné et un t-shirt XL. Je m'affale ensuite sur mon lit et compose le numéro de Brad qui décroche au premier son.

─ Je n'ai pas cessé de t'appeler, me reproche-t-il tout de go.

─ Je reviens du cimetière.

─ Essaie un peu de deviner qui vient de quitter la ville, s'émoustille-t-il.

─ Je suis désolée, Brad, mais je n'ai pas vraiment la tête aux devinettes si tu vois ce que je veux dire, rétorqué-je sur un ton abattu.

─ Oui et ce n'est pas grave.

─ Je ne suis pas une très bonne amie.

─ Ça aussi ce n'est pas grave.

─ Merci de me comprendre. Qui vient de quitter la ville ?

─ Michael.

Je me lève d'un bond.

─ Quoi ? Comment ?

─ Brandon et moi accompagnions Sasha, sa copine du mois à l'aéroport quand j'ai l'ai vu. Hanna, j'ai vu Michael Ritcher embarquer pour un vol à destination d'Angleterre, finit-il en détachant chaque syllabe.

─ Angleterre ? Tu es sûr ?

─ Aussi sûr que je suis le gars le plus canon que tu connaisses.

Je ris doucement, puis commente sérieusement :

─ Il ne va donc pas la retrouver en France.

─ À mon avis, non, mais rien n'est sûr. Tout ce qui compte, c'est qu'il soit désormais loin de toi. Très loin. Tu vas pouvoir retourner au lycée sans risquer de tomber sur lui, sur eux.

À la fin de ma conversation avec Brad, je suis envahie par l'incertitude. Je ne sais pas si je dois sauter de joie ou au contraire être contrariée. Pleurer ou rire. D'un côté, je me réjouis de ne plus avoir à les revoir. De l'autre côté, je suis furieuse qu'ils s'en soient tirés à si bon compte.

Je m'empare du cadre contenant la photo de nous trois abandonné sur la coiffeuse. La dernière fois que l'ai eu entre mes mains, j'ai brisé la vitre d'un coup de poing. Il y a une rayure qui passe entre Sara et moi, l'autre plus profonde entre Louane et moi. Je dois me rendre à l'évidence. Notre trio n'existe plus. Il n'y aura plus de vacances ensemble, plus de baignade au clair de la lune, plus de photos de nous trois en train de faire notre plus belle grimace (comme si une grimace pouvait être belle). Tout cela appartient désormais au passé.

─ Sara, je suis sincèrement désolée. Je suis désolée que l'amitié entre Loua... elle et moi n'ait pas survécu. Il est plus que clair qu'un trio n'est plus un trio sans son troisième membre.

Les yeux embués de larmes, je caresse son visage à travers la vitre. Je la regarde pour la dernière fois à travers cette photo. Il est temps. Il est temps de la mettre au grenier. Il est temps d'oublier, d'aller de l'avant.

Je dois le faire pour moi et aussi en mémoire de Sara.

*Rendez-vous au prochain chapitre pour la suite.;-)

HannaOnde histórias criam vida. Descubra agora