Chapitre 15

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En multimédia, le tchaka. Une soupe populaire haïtienne composée de haricots rouges, maïs, viandes de porc ou bœuf, crabes, ignames et tant d'autres ingrédients. ;-)
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PDV Hanna

Transportées de joie, nous nous mettons, Émilie et moi, à crier de joie lorsque la voiture s'arrête devant le bâtiment. Aussitôt, que celle-ci est garée, nous ouvrons chacune notre portière pour aller à la rencontre de nos parents. Victoria se joint à nous pour un long câlin familial. Il faut avouer que c'est dans ces moment-là que mon grand frère me manque le plus. Il y a six mois, il est parti réaliser son rêve dans le continent européen, ─ traduction à l'autre bout du monde. Notre moment d'intimité est interrompu par l'arrivée de la vingtaine d'enfants qui se bousculent pour saluer notre arrivée.

J'étais encore une enfant quand le Révérend Père Evan a proposé à mes parents de s'occuper du foyer d'accueil pour enfants. Ils avaient d'abord émis un refus catégorique, hors de question de vivre loin de leurs enfants. Notre tante Odile a fini par les convaincre de nous laisser vivre avec elle. Quand cette dernière a déménagé à Chicago. Victoria était en âge et parfaitement capable de s'occuper d'Émilie, de Josh et de moi. Nous faisons depuis le trajet New York-Floride pour passer les vacances avec eux. Émilie s'éloigne avec les enfants tandis que nous autres montons les bagages.

─ À part ça, comment vont les études ma chérie ? Tu t'y plais à l'université ? me demande mon père un bras passé autour de mon épaule.

À présent, nous nous promenons dans la grande cour bordée de fleurs de toutes sortes entretenues par ma mère.

─ C'est tout ce dont j'ai toujours voulu. Et ici comment ça se passe ?

─ Les enfants ne veulent pas partir.

Dans sa voix, je perçois une grande fierté. Maman et lui seraient attristés de les voir partir, car ils se sont attachés à chacun d'eux comme à chacun de leurs enfants. Autrefois assistant social, papa tout comme maman a tenu à ce que cet hospice soit le plus confortable que possible pour les enfants afin qu'ils s'y sentent chez eux. Ils connaissaient la dure réalité que pouvait affronter un enfant mourant de faim ou souffrant d'accès de colère de parents instables. Émilie était l'un d'eux.

─ C'est normal, maman et toi êtes géniaux, dis-je en déposant un baiser sur sa joue ce qui le fait sourire.

Le terrain s'étend sur plusieurs hectares de terre. La maison principale abrite le dortoir, une salle de jeu, quatre chambres à coucher et une chapelle, bien sûr. Sur l'aile gauche, une petite école. Le réfectoire est situé un plus loin de la maison ainsi qu'un pavillon pour invités à quelques mètres d'un lac.

Nous arrivons au belvédère aménagé dans le jardin l'an dernier pour les noces de Victoria et David. Un petit garçon au regard triste y est assis. Je lui donne quatre ou cinq ans.

─ Qui est-ce ? Je ne l'avais jamais vu auparavant.

─ Milo. Il a emménagé la semaine dernière avec sa mère dans le pavillon des invités. Il se réfugie chaque jour ici. Il refuse de parler à quiconque, même aux enfants. Il se contente de fixer le vide, silencieusement. Ta mère et moi croyons que c'est sa façon à lui d'accepter. De faire son deuil en quelque sorte.

─ De faire son deuil ?

La sonnerie de son portable retentit.

─ C'est le Révérend Père, je dois aller le chercher en ville.

Il m'embrasse rapidement et s'en va saluant au passage Pierre-Marie Philomène que nous appelons tout simplement Tante Philo. Je cours me jeter dans les bras de la sexagénaire. Elle est comme une seconde mère autant pour mes sœurs que pour les enfants. N'ayant elle-même pas d'enfants, elle est entièrement dévouée à eux et leur donne tout son amour. Elle assiste ma mère dans toutes les tâches et c'est aussi un cordon-bleu. Le foyer ne serait rien sans son aide précieuse. C'est avec un plaisir immense que je l'accompagne à la cuisine pour goûter à son tchaka, un plat typique de son pays, Haïti.

Une demi-heure plus tard, je quitte le réfectoire, repue. J'inspire profondément l'air frais de la campagne. La tranquillité de ce lieu me procure toujours un bien fou. J'esquisse un léger sourire à la vue d'Émilie jouant à la marelle avec les autres enfants. J'étais comme elle à cet âge avec Dylan et tous les autres. Dylan. Le seul fait de penser à lui m'attriste. Qu'est-il devenu ? A-t-il fini par se remettre de l'accident de moto ? Se souvient-il de moi ? Je prends la direction du lac comme je le fais toujours quand je veux échapper à mes pensées les plus sombres.

Je dresse les oreilles quand un cri de détresse parvient jusqu'à moi. Je l'attribue d'abord au fruit de mon imagination puis le distingue nettement. C'est un appel au secours. J'accours.

─ Milo ! crié-je en le voyant émerger de l'eau.

Je m'agenouille et prends son corps inerte dans mes bras. Je suis soulagée quand il se met à tousser. Il est sous le choc, mais il va bien.

─ Dieu merci, tu vas bien.

─ Je vais bien moi aussi. Merci de demander, rétorque quelqu'un sarcastique.

J'ouvre grands les yeux à la vue de Carlos Denver dans l'eau, juste en face de moi. Croyant à une hallucination, je me mets à clignoter des yeux. Il passe une main sur son visage pour chasser l'eau qui s'y trouve. Quand il ouvre ses yeux, je secoue frénétiquement la tête face aux yeux que je n'ai vus que chez une seule personne. Ils sont d'un bleu tirant sur le violet. De son côté, il fronce simplement les sourcils avant de nager jusqu'à la rive. Je me redresse vivement, Milo dans les bras au moment où il se met debout.

─ Toi ? Qu'est-ce que tu fais là ? réussis-je à articuler sur un ton accusateur.

D'une main, il ramène ses cheveux en arrière. Trois flèches encrées sur son avant-bras retiennent mon attention.

─ C'est à moi de te poser cette question. Qu'est-ce que tu fais là ?

*Rendez-vous au prochain chapitre pour la suite.;-)

HannaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant