Sombre morsure II

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Elle s'approcha, les larmes reprenant immédiatement la course folle qui avait débuté quand son père lui avait dit qu'elle était courageuse. Elle n'était pas courageuse. Elle était terrifiée, perdue, et égoïste. Elle refusait de les laisser partir. Elle préférait garder Matthieu malade à ses côtés, elle préférait le garder auprès d'elle quitte à mettre tous les autres en péril. Elle préférait le voir se tordre de douleur que le perdre. Elle refusait d'accepter les regards fatalistes qui s'accumulaient autour d'elle.

Il ne pouvait pas mourir. Pas encore. Pas lui.

— Chiara, je veux que ce soit toi.

— De quoi tu parles ? renifla-t-elle.

Matthieu sourit tristement en plongeant ses yeux dans les siens, si profondément qu'il s'y serait définitivement noyé.

— Je dois mourir, Chiara.

Elle secoua la tête.

— S'il ne meurt pas maintenant, il sera condamné à une éternité de famine, ou assassiné par un Chasseur, approuva sérieusement Caleb.

— Pourquoi ce serait à toi de décider pour lui ? dit Mandréline.

— Il va souffrir, Mandréline.

— Comme Alexandre ? Tu lui as demandé son avis avant de ...

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge.

— De quoi elle parle ? se raidit Olive en même temps que Liam.

— Il a tué Alexandre.

Un silence de catacombes tomba autour de la voiture.

— Il allait t'attaquer.

— On était venus pour le sauver !

Sous le choc, les autres ne réagissaient pas, à tel point que seuls Caleb et Mandréline semblaient avoir conscience du temps qui s'écoulait.

— Il a fait son choix et il n'a pas su se contrôler. C'est ce qui va arriver à Matthieu si vous ne le laissez pas mettre fin à ses jours.

— « Mettre fin à ses jours » ? Tu en parles comme si ce n'était rien ! Tu lui as enlevé la vie, Caleb ! C'était mon ami, ajouta-t-elle plus bas en se mordant plus fort les lèvres pour contenir ses larmes.

— Je suis désolé. Je suis sincèrement désolé.

Mandréline avait cessé de l'accabler, trop prise par ses larmes. Olive quitta sa torpeur pour la prendre dans ses bras.

— Il allait te tuer, continua-t-il plus bas.

Tous le regardaient avec un mélange de peur, de répulsion et de peine.

— Il s'est tout de suite jeté sur toi, je ne pouvais pas le laisser faire !

Aby, enroulée dans sa couverture, vint poser une main sur l'épaule de son petit-fils.

— Je te crois, mon fils, je te crois.

— Il allait la tuer... Elle serait morte...

— Je sais, mon fils.

Plus personne n'osait ouvrir la bouche alors que les minutes s'égrenaient, l'occultine se propageant dans le sang de Matthieu.

— Mandréline, je suis désolée pour ton ami, dit gravement Aby. Mais Caleb dit vrai. Matthieu ne va plus tarder à se transformer, et il n'aura pas davantage de retenue que lui. Nous serons obligés de le tuer.

— On pourrait le laisser ici et partir plus loin, dit Chiara avec l'intonation du désespoir.

Matthieu la prit dans ses bras, caressant amoureusement sa nuque.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineWhere stories live. Discover now