Choisissez vos armes

8 2 0
                                    


Jugeant d'un commun accord qu'il était temps pour eux de découvrir la nourriture servie à la cafétéria, les filles menèrent la marche, se faisant passer pour plus innocentes que les Loups. Sans escorte, le petit groupe se sentait désarmé. Les regards incisifs des Chasseurs étaient assassins. Certains s'étaient redressés, prêts à répondre au moindre battement de cil provocateur. Les filles ne se démontèrent pas. Chacune, à sa manière, avait appris à avancer la tête haute. Derrière elles, Liam fuyait les regards durs et Massimiliano affichait un air triste. Aby et Caleb gardaient leur regard mordoré fixé droit devant eux. Si les Loups savaient quand se soumettre, ils savaient aussi quand faire preuve de dignité.

En comparaison des minuscules cases de repos, le restaurant de l'Ordre des Chasseurs était gigantesque. Les bancs s'enchaînaient, une estrade dominant la majorité des tables. Il n'y avait pas de buffet mais plusieurs cuisiniers et cuisinières faisaient le tour des tablées pour servir des quantités modestes de purée industrielle, de lentilles ou encore d'épinards en boite. Le sol était fait d'un linoléum lisse à l'aspect plastifié. Au plafond pendaient des ampoules sans abat-jours.

Mandréline s'assit sur le banc le moins occupé, où seules deux personnes s'étaient déjà installées, laissant deux rangées de cinq vacantes. Les deux Chasseurs les scrutèrent à outrance, le faciès révulsé. Mandréline prit sur elle, s'efforçant de leur répondre dans un sourire innocent dont l'unique rôle consistait à dissimuler toute l'irrévérence qu'elle ressentait à leur égard.

— Pourquoi tu souris ? Tu dégoûtes tout le monde, ici, cracha l'un d'eux en se levant, la dominant de toute sa taille.

Olive allait rétorquer quelque chose de cinglant, mais Mandréline lui fit signe de se taire tandis que la vague familière de la rage montait en elle.

— Ben alors, on sourit plus ? Tu veux que je te dise ce que méritent les petites chiennes dans ton genre ? susurra-t-il à deux centimètres de son oreille.

Les muscles de Mandréline se contractèrent. De rage, de dégoût. De peur. Les articulations de ses doigts la démangeaient, mais ce n'était pas avec ses fusains qu'elle désirait dessiner. Elle devait se contenir. Si jamais elle répondait à la provocation...

— Qu'on les débarrasse des petites merdes dans ton genre, répliqua Caleb d'un coup de poing, l'envoyant valdinguer avec fracas contre un banc qu'il renversa.

Instantanément, l'ensemble de la salle se dressa, focalisé sur Mandréline, sidérée, et sur Caleb, dont les bras se couvraient de fourrure.

— Le retour des problèmes, glapit Liam en reculant.

Les chuchotements se muèrent en bourdonnement et les insultes fusèrent. Caleb ne disait rien, concentré sur les Chasseurs en mouvement. Il se voyait tous leur arracher la tête, un à un et avec délectation. L'un d'eux se planta devant lui, poings serrés et veines en relief, prêt à corriger le fauteur de trouble. Prêt à abattre le Loup dont les crocs s'allongeaient, l'iris doré. Alors un tintement de verre résonna dans la grande salle.

— Veuillez vous asseoir et vous taire, clama la Commandante qui trônait telle une reine à la table de l'estrade.

— Commandante, le Loup a..., commença l'un des Chasseurs.

— J'ai dit : asseyez-vous et taisez-vous.

Il se rassit docilement, sa colère non assouvie voilant son regard de pénombre, bientôt imité par les autres Chasseurs.

— Ils ont l'art de l'accueil, laissa échapper Olive.

— Chut, lui souffla Mandréline.

— Je ne comprends pas pourquoi ils s'en sont pris à toi ? murmura Chiara. Tu n'es pas une Louve...

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineWhere stories live. Discover now