Un monde plus petit que prévu II/V

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Mandréline redressa le menton. Le garçon qui s'était bagarré venait de surgir sous l'abri, les mains dans les poches. Elle commençait à se demander si cette brute ne la suivait pas.

— Il y a des travaux depuis la dernière tempête, précisa-t-il en pointant un avis collé au poteau.

Mandréline se décomposa. Elle ne l'avait pas remarqué. Le garçon la fixait, une main derrière la tête, Luna le considérant avec son plus mauvais regard, les poils du dos tout hérissés.

— Je vais par là aussi, finit-il par ajouter.

— Non merci, je me débrouillerai.

— Tu n'es pas nouvelle ?

Méfiante, elle jeta un œil discret au panneau. Le minuteur n'avait évidemment pas bougé.

— Comme tu veux, dit-il en s'éloignant.

Elle le regarda, puis le panneau numérique, et l'affiche.

— Attends. Tu peux m'indiquer le supermarché ?

— Je peux même t'y accompagner.

Elle le considéra avec agacement, bien qu'il ait fait cette proposition avec le plus grand détachement.

— Au bout de l'avenue, il y a un rond-point. Tu tournes à gauche et c'est un peu plus bas. Pas besoin de bus, c'est juste à côté.

Lui avait-elle demandé son avis ?

— Bon, à demain, je suppose ! lança-t-il.

Comment ça, à demain ? Elle n'avait aucune envie de le revoir ! Et à sentir la nervosité de la petite boule de poils noire, Luna non plus. Il voulait peut-être lui faire croire qu'il était tranquille et courtois, mais elle avait vu dans quels états il était capable de se mettre, et c'était tout ce qu'elle souhaitait éviter.

Il se retourna juste un instant en désignant la chatte qui avait à nouveau migré sur son épaule :

— Elle s'appelle comment ?

Elle hésita, puis céda sans défroncer ses sourcils hirsutes.

— Luna, pourquoi ?

Mais le garçon avait déjà tourné les talons.

Déconcertée, Mandréline zigzagua entre les détritus qui parsemaient le trottoir. Quel genre de personne demande le nom d'un animal de compagnie avant celui de son maître ? En plus d'être une brute et un cancre, il était mal élevé.

Elle n'acheta que ce dont elle avait réellement besoin et, au vu de la pauvreté de l'offre, elle n'aurait pu faire autrement. Les rayons de Frisagnon n'étaient pas très fournis dernièrement, mais elle avait cru que ce serait différent dans une ville aussi dynamique que Vrennes. Les dernières tempêtes avaient dû affecter l'import-export plus sévèrement qu'elle ne l'avait imaginé.

De retour devant les appartements et chargée comme un âne, Mandréline se remémora l'escalier qu'elle devrait gravir, et se dit que finalement, un ascenseur n'aurait effectivement pas été de trop. Si le supermarché ne se situait incontestablement pas très loin du campus, les sacs étaient lourds, et elle avait les bras et les jambes en coton.

— Tu as fait les courses ! s'extasia Olive qui arrivait au même moment devant l'immeuble, ses cours déjà étiquetés de post-it fluorescents entre les bras. Tu veux de l'aide ?

Mandréline ne déguisa pas son soulagement et lui tendit l'un des sacs. Au lieu de l'empoigner, Olive appuya sur la sonnette.

— Qu'est-ce que..., commença Mandréline.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα