Alexandre I

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Katharina se laissait couler à terre, morte de l'intérieur. Elle avait été ignoble. Ses crises d'adolescente avaient entaché la réputation de ses parents, puis elle s'était entêtée à les détester. Chacun de ses actes les avait éloignés un peu plus. Elle leur avait tant reproché leur absence, elle les avait tant détestés pour cela. Alors que pendant ce temps, pendant qu'elle les médisait, pendant qu'elle organisait des fêtes égoïstes pour les punir, ils avaient été enlevés. Torturés. Assassinés.

Jamais elle ne pourrait se le pardonner. Chiara, elle, était partie à la recherche de son père, elle avait risqué sa vie pour lui. Katharina n'avait rien fait d'autre que de se plaindre et de cracher sa rancœur. Trop focalisée sur sa propre personne, il ne lui avait même pas effleuré l'esprit que quelque chose avait pu leur arriver. Elle ne méritait pas d'être leur fille, elle ne méritait pas de vivre.

Elle n'avait plus qu'à attendre là que les monstres viennent la cueillir, peut-être même que le froid aurait raison d'elle entretemps.

Tout à coup, ses jambes se redressèrent sans qu'elle ne leur en ait donné l'ordre. Mandréline tentait de la soulever, la pesanteur l'attirant vers le sol.

— Liam, aide-moi.

Le garçon se plaça de l'autre côté de la jeune femme au visage boursouflé de larmes sales. Ils placèrent chacun un bras autour de leur nuque, et la tirèrent vers le couloir pendant que l'équipe de sauvetage faisait le tour de la chambre froide afin de s'assurer qu'aucun survivant ne s'y trouvait. Aby les guidait, armée de son odorat incomparable, mais revint vite dans l'embrasure où Coumba les avait rejoints. Après avoir provoqué sa sidération, le macabre spectacle de la chambre froide avait attisé une téméraire étincelle de colère.

En bas, les cris de guerre, de douleur, de terreur résonnaient. Les cris stridents auxquels répondaient les grognements de Caleb et de Luna faisaient vriller les tympans de la Louve malgré la distance.

— La cellule est juste à côté, dit Coumba qui avait le plan en tête.

Ignorant autant que possible les broyeuses et les cris, ils foncèrent vers la porte blindée qui n'était pas gardée.

— Le code ! réclama Massimiliano, une main tremblante soutenant son sternum comme si le simple souvenir de son séjour derrière cette porte avait aspiré tout son oxygène.

Coumba composa la suite de chiffres qu'elle avait trouvée et, après un double déclic, la cellule s'ouvrit d'elle-même. La porte coulissa, exhibant progressivement des prisonniers fous, crasseux, terrés au fond de leurs cages et de leurs excréments tels des veaux près de se faire égorger.

Ils aidèrent les victimes à se relever, leur chuchotant des mots rassurants. Ils venaient pour les délivrer. Mais il fallait impérativement y aller tout de suite. Un homme, toujours en boule dans un coin pendant que les autres sprintaient vers la sortie, marmonnait quelque chose dans sa barbe grasse. Mandréline, qui avait laissé Katharina à l'entrée pour aider à la libération, s'approcha. L'air désorienté, il releva ses yeux encroûtés sur elle.

— Les filles, les femmes, ils les ont emmenées ! Ils les ont toutes emmenées ! Toutes emmenées..., sanglotait-il d'une voix éraillée en se balançant d'avant en arrière.

— Nous allons les chercher, on va les sortir d'ici.

L'homme la saisit par l'uniforme, les yeux fous, irrémédiablement dévasté.

— Oh, si vous saviez ce qu'ils nous ont obligé à faire !

Mandréline se dégagea brusquement, un frisson de répulsion serpentant le long de sa colonne vertébrale.

— Mandréline, l'appela Liam.

Il n'eut pas besoin de lui expliquer ce qu'il voulait lui dire. Alexandre n'était pas là. Et s'il n'était ni emprisonné avec les hommes, ni parmi les wendigos, ni parmi les ouvriers transformés au rez-de-chaussée...

— Ce n'est pas possible, il est où ? demanda Mandréline en se détournant de l'homme qui lui donnait la nausée, laissant un Chasseur l'extirper de la cage. Tu es sûr qu'il est ici ?

— J'en suis certain, dit-il en brandissant le papier chiffonné sur lequel était écrit « Alexandre Briand » en toutes lettres.

La Louve poussa de sa tête le ventre de Mandréline. Elle ne pouvait parler, mais les prunelles dorées transmirent le message. Elle veillerait sur Katharina et les prisonniers. Mandréline et Liam avaient une autre mission à accomplir. Ils la remercièrent d'un hochement de tête sérieux, et filèrent. 

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang