Aux armes Chasseurs III/III

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Son poignard personnel arraché du mannequin qu'elle avait tailladé toute la matinée, Mandréline gagna la cafétéria à la recherche de ses compagnons qui apparurent au compte-goutte. Caleb le premier, les paumes et les joues noires de suie, suivi d'Aby et de Massimiliano non moins crasseux. Katharina vint en bonne dernière, recoiffée et reparfumée.

Liam raconta les exploits des tenues des camouflés en omettant sa petite altercation avec Coumba. Matthieu buvait ses paroles avec envie et regret. Il ne ressentait clairement pas le même engouement pour le tir à l'arbalète. Cependant, avoir Chiara pour professeure constituait une consolation non négligeable. Katharina expliqua brièvement, avec ses manières les plus délicates, le fonctionnement du stand de tir.

— Et vous, Caleb ? demanda Mandréline.

— Rien de spécial, c'est un travail routinier et abrutissant, répondit-il sèchement en surprenant tout le monde.

Les Chasseurs qui partageaient leur rangée le jugeaient du regard. Mandréline, étonnée, se garda de soulever son agressivité injustifiée, se focalisant dès ce moment sur son insipide et unique repas journalier en écoutant ses amis raconter leur matinée, puis se leva de table pour débarrasser son plateau, suivie par Olive qui avait accéléré le pas afin de bavarder à l'écart des autres.

— Eh ! Caleb te fait la gueule ou quoi ?

— Aucune idée, répondit-elle froidement avant de retourner auprès de ses couteaux.

Sous la table, Aby frappa la cuisse de son petit-fils.

— Idiot.

Le garçon retint un râle, horripilé. Il détestait quand sa grand-mère lui parlait sur ce ton. Il s'était lui aussi plongé dans son assiette sans grand enthousiasme. Cet endroit le rendait fou. A chaque nouveau tour de l'aiguille des heures, son irritation grandissait, avec pour seule envie celle d'ouvrir grand la gueule pour dévorer les Chasseurs. Ou plutôt, leur tordre le cou et les recracher. Songer qu'il était à l'initiative de leur présence ici était insoutenable. Voir Mandréline et ses amis se transformer en Chasseurs obéissants faisait monter en lui des émotions difficilement maîtrisables. Comme toujours, Aby avait raison. Il était d'une idiotie impardonnable. Bien que tout cela n'avait rien à voir avec la raison pour laquelle il s'était montré aussi désagréable.

Lorsque l'alarme, aussi stridente que celle du réveil, sonna vingt heures, Chasseurs et non-Chasseurs envahirent les galeries. Attrapant Luna en sortant de la salle de lancer, Mandréline se faufila jusqu'à la chambre de Caleb pendant que la petite chatte se frottait frénétiquement à sa nuque en rivalisant de ronronnements. Elle se sentait un peu idiote de se déplacer pour si peu, mais s'il la croyait assez stupide pour ne pas comprendre à quoi il jouait, il se fourrait le doigt dans l'œil.

— Mandréline ! sursauta-t-il en arrivant avec Aby.

— Caleb, on peut discuter, s'il te plait ? demanda-t-elle alors qu'il passait une main sale dans ses cheveux.

Il se tourna vers Aby, qui fit un pivot sur elle-même pour se balader le temps que les jeunes accordent leurs violons. Comme Mandréline le fixait, visage fermé, il continua de noircir ses cheveux. Elle haussa un sourcil.

— C'était quoi, tout à l'heure ?

Sa main sale retomba. Un Chasseur passa dans le couloir.

— Arrête de faire semblant de te soucier de mon sort. C'est pitoyable.

Les deux sourcils de Mandréline se haussèrent cette fois. Les Chasseurs qui passaient ralentissaient leurs pas dans le couloir.

— Tu es toujours à pinailler derrière tout le monde. Tu crois qu'un Loup a besoin de la protection d'une fillette ? Je ne sais même pas ce que tu fais là. Tes amis non plus. A quoi croyez-vous que vous allez servir ?

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineWhere stories live. Discover now