— C'est tout ce que t'as ?

— Ouaip. C'est mon grand-père qui me l'a filé, c'est dingue tout ce qu'on peut mettre là-dedans !

— Il est stylé.

— Pas autant que monter en voiture avec toi !

— J'avoue, dis-je en bombant le torse.

On s'installe et je mets le contact avant de manœuvrer pour sortir de ma place de parking, sous l'œil scrutateur de mon copilote.

— Arrête, tu me stresse !

— Quoi, je t'admire juste. Tu fais ça bien.

— Dis-moi si ça passe, à droite.

— Vas-y, ça passe.

Il reste silencieux pour ne pas me déconcentrer, et baisse sa fenêtre quand nous empruntons la départementale à la sortie du village.

— C'est toi qui vas nous trimballer partout, l'année prochaine !

— Haha, encore faudrait-il que j'aie une caisse.

L'année prochaine. Je n'arrive pas à croire que c'est vraiment en train d'arriver.

Valerio et moi, ensemble, dans la même ville. Pour au moins trois années entières.

Je ne devrais vraiment pas me plaindre de ne pas avoir de voiture, parce que lui ne peut même pas passer le permis. Ses parents ne peuvent pas lui payer, et lui n'a pas d'argent de côté pour le financer lui-même.

— Ça a été, le train ?

— Ouais, désolé je voulais t'écrire mais le réseau passait pas.

Il me raconte alors son long périple sans climatisation et avec trois correspondances dont une avec changement de gare, et je ris lorsqu'il jure de passer la nuit dans la piscine pour se rafraîchir. La bouteille d'eau que je lui ai donné en montant dans la voiture est vide avant même que je passe mon badge à la barrière du camping.

— J'ai l'impression de rentrer à la maison, dit-il en observant les arbres et les mobil-homes.

Accoudé à la fenêtre, le menton dans sa paume, il sourit en regardant les draps de bains multicolores accrochés aux terrasses, les gamins passer en courant avec leurs tongs qui font floc-floc, et les couples qui trimballent des grosses bassines remplies de vaisselle.

Je souris aussi.

— Grave.

Mon père est couché dans un transat avec son journal quand nous arrivons, et ma mère est sans doute à l'intérieur.

— Salut mon grand ! dit-il en repliant son journal.

Il se glisse dans ses claquettes et lui fait la bise. Je crois que Valerio est le seul de mes amis à qui mon père ne serre pas la main. Sans doute parce qu'il fait pratiquement partie de la famille, même en se voyant seulement une fois par an. Comme s'il était un cousin, en gros.

Un peu dérangé par cette idée, je chasse celle-ci et demande où est maman.

— A l'épicerie, on a oublié la moutarde.

J'acquiesce, et sors le gros sac de Valerio du coffre pendant qu'ils discutent sur la terrasse. Papa le félicite pour son bac et prend des nouvelles de ses parents, qui vont bien même s'ils sont un peu stressés à l'idée que leur fils aille faire ses études dans une grande ville loin de chez eux.

Mes parents partagent ce sentiment, mais avec sans doute moins d'appréhension quand même. Ils sont tous les deux professeurs dans mon lycée, et ont passé tellement de temps sur le site du Crous et de ma future fac qu'ils sont peut-être même mieux préparés que moi.

W [EN PAUSE] Where stories live. Discover now