Chapitre 2.3 Une vie chamboulée ✅

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Lucie nous guide sur un chemin que je reconnais être celui qui mène chez elle.


— Mes parents sont comme...nous, m'a-t-elle expliqué sur le chemin.

J'avais bien vu qu'elle avait hésité sur le nous, ne sachant pas s'il fallait m'inclure ou non. Je ne savais pas non plus pour être honnête, mais je me suis sentie jalouse car elle avait sa famille avec elle et plus moi. J'avais été trop las pour répondre et je l'étais encore lorsque Madame Carron me demanda ce qu'il s'était passé. C'est donc Aïden qui s'y est collé pendant que je me suis affalée dans le canapé, toujours aussi inanimé.

Une fois le récit fini, Bessa m'ausculta sur toutes les coutures en appelant son mari. Elle prit ma main droite et je tressaillis lorsqu'elle fit glisser son pouce dessus.

— Tu as été blessée, Emma.

Mes yeux se dirigèrent vers l'endroit qu'elle frottait doucement et j'aperçus une affreuse cicatrice qui barrait la paume de ma main.

C'était tout bonnement impossible...

Mon rêve me revint en mémoire. C'était cette main que je m'étais coupée dans la forêt. Pourtant ce n'était qu'un rêve ! Je m'étais réveillée dans mon lit, à la maison alors pourquoi...

Bessa m'observait mais ne posa aucune question. Heureuse, Lucie et Aïden étaient partis expliquer la situation au père de cette dernière.

— Suis-moi, je vais voir ce que je vais faire pour la rendre un peu plus belle.

Je la suivis dans un silence pesant qui dura pendant tout le temps où elle cherchait dans ses placards.

— Voilà, j'ai trouvé.

Je n'étais jamais venue dans cette pièce auparavant mais je ne fis aucun commentaire lorsqu'elle me tendit un flacon remplit d'un liquide bleu nuit.

— Bois ça, ça devrait dissiper ton état de choc.

Elle prit ma main et appliqua une crème qui pénétra immédiatement sous ma peau, améliorant les côtés de la cicatrice pour la rendre un peu moins vilaine.

— Et si je n'ai pas envie que l'état de choc s'en aille ?

C'était les seules paroles que j'avais prononcées depuis que nous étions partis. J'aimais ne rien ressentir et le silence que cela avait entraîné.

— Crois-moi, il vaut mieux que tu le boives. Cela te rendra folle de ne plus rien ressentir au bout d'un moment.

Je ne ripostai pas et avala le contenu de la petite bouteille d'un coup. Ça n'avait pas de goût particulier mais dès que j'eus tout bu, un tourbillon de pensée pris place dans ma tête. C'était un ouragan qui ne semblait pas vouloir s'arrêter et j'étais incapable de décrypter la moindre des émotions qui passait et disparaissait pour être remplacée par une autre.

La colère, le dégoût, la peur, l'incompréhension, la souffrance profonde, tout y était. Des larmes silencieuses coulèrent de nouveau sur mon visage et Bessa me dit quelque chose que je n'entendis pas, engloutit par le bruit de hoquet.


Lorsque je me retournai, elle n'était plus là et je me retrouvai seule avec cette tempête qui faisait rage dans mon cœur et dans ma tête. Un grand miroir me faisait face et le reflet de la jeune fille qu'il renvoyait était celui d'une inconnue.

Mes cheveux d'un brun tirant sur le noir étaient en bataille, mes yeux d'habitude d'un vert foncé était aussi transparent que du verre et ma peau était d'une blancheur à faire peur. Une âme tourmentée, un fantôme de mon ancien moi ; voilà ce que j'étais devenue.

— Ce n'est pas si horrible que ça en réalité.

Je me tournai vers la voix qui avait prononcé ces paroles et rencontrai ses cheveux noirs et ses yeux bleus. Aïden se tenait dans l'encadrement de la porte, toujours avec les bras croisés.






Bessa s'arrête devant la porte en face de la chambre de Lucie.

On m'a toujours dit qu'elle était condamnée mais je vois la mère de mon amie sortir une magnifique petite clé en or rose. Elle l'enfonce dans la serrure et la tourne.

Aussitôt, je suis aveuglée par une éblouissante lumière. Un imposant portail avec de magnifiques moulures se trouvent devant moi. Il se dresse du sol au plafond et je reste stupéfaite devant. Un seul mot me vient à l'esprit : incroyable.

— Quand nous nous sommes installé ici, nous l'avons invoqué. La reine l'a créé pour que, tant que la clé n'est pas enfoncée et que personne n'est dans la pièce, il disparaisse. Il a été construit pour faciliter ta recherche.

— Bessa, la réprimande son mari.

Pour faciliter ma recherche ? C'est quoi encore cette histoire ? Je n'ai pas le temps de demander que la voix de Madame Carron résonne à nouveau dans la pièce.

— Partez tous devant pendant que j'explique à Emma comment on fait.

Isaak, Aïden et Lucie s'avancent jusqu'au portail puis disparaissent dans le rayon lumineux. Madame Carron me sourit gentiment.

— Ce portail te permet d'aller jusqu'à son jumeau qui se trouve dans le château de la reine. Il n'en existe que deux : ici et au château. À Apencia, toutes les maisons ou bâtiments portent un nom. Pour aller jusqu'à Apencia en passant par ce portail tu dois penser très fort au nom du bâtiment dans lequel est entreposé son jumeau. Ce n'est pas nécessaire mais c'est une mesure supplémentaire pour s'assurer que ceux qui utilise le portail ne sont pas des ennemis. Pense très fort au mot Pendragon en marchant jusqu'au rayon de lumière. Passe d'abord, je serai après toi.

Je m'avance donc et pense très fort au mot Pendragon. Je m'engouffre dans le rayon lumineux en fermant les yeux, ma dernière pensée sur Terre allant à ma famille que j'ai abandonné...

Héritières - Tome 1 : Mystères [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant