#1 Deux heures avant le jour

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[Note] C'est une fic ACD Holmes (qui prends en compte le canon). Peut être lu aussi comme Granada, ou Soviet Holmes.

Contexte du canon: au début des années 1900, Holmes a pris sa retraite seul dans le Sussex pour élever des abeilles - et devenir un espion. Watson vient lui rendre visite en 1915.

Le slash n'est là que si tu plisses les yeux et penche la tête.

🐝

Je frappe trois petits coups à la porte de sa chambre, trois petits coups de rien du tout, à peine audibles. Néanmoins, il a entendu, et il grommelle d'une voix ensommeillée: "Watson, c'est vous?"

C'est presque une invitation, alors j'ouvre la porte. Elle grince. Tout dans cette maison grince, des poutres aux portes, en passant par le violon de son propriétaire et, s'il faut être honnête, les articulations de son invité.

Il s'appuie sur son coude pour regarder vers moi, à moitié couché dans ses draps blancs. J'ai effectivement dû le réveiller, et je m'en veux, car il a toujours eu du mal à trouver le sommeil et cela me chagrine de le lui arracher.

Je dépose ma bougie sur sa table de nuit, et il plisse des yeux, éblouis par la flamme. Cela accentue ses rides. Nous ne sommes plus tout jeune.

"Watson, je ne vais pas vous en vouloir, je vous ai assez réveillé aux petites heures durant notre vie pour m'offusquer que vous me rendiez la pareille au moins une fois, mais que se passe-t-il?"

Je souri aux souvenirs - très nombreux - d'être réveillé en sursaut avec Holmes au pied de mon lit, prêt à me trainer sur une affaire ou une autre. Il me souris en retour, comprenant mon chemin de pensée, et nous échangeons un rire à la lueur de la bougie.

"Haha... hum, pardon, Holmes. Malheureusement, je dois vous parler sans tarder, et j'ai peur que ce ne soit pas drôle.
-Qu'est-ce qui vous tracasse? Venez donc."

Il tapota le bord de son matelas de sa longue main fine, m'invitant à m'asseoir. Lui-même avait remonté son oreiller pour s'y installer comme dans une méridienne. J'acceptais l'invitation.

La nuit était encore noire. Il faudrait deux heures encore avant le jour, et mon train était à sept heure. Mes bagages étaient déjà fait, et je n'avais pu trouver le sommeil cette nuit.

"Ne me direz-vous pas?
-C'est... compliqué, Holmes.
-Souhaitez-vous que je déduise?
-J'en serais heureux, bien que je pense que si vous l'aviez déjà déduit, vous n'auriez pas été aussi amical ces derniers jours."

Il me transperçait de ses yeux gris, et je n'osais lui rendre ce regard.

"Bien. Vous êtes arrivés il y a trois jours, visiblement en bonne santé quoi qu'un peu fatigué, comme j'ai pu le constater à votre démarche raide. Vous sembliez nerveux, mais vous l'êtes toujours lorsque vous venez me voir dans le Sussex.
-Je...
-Si, si, vous l'êtes toujours. Et vous avez raison, même pour mon plus vieil ami, mes humeurs peuvent parfois être sombre, et je m'en excuse. Vous étiez soulagé de voir que je vous attendais à la gare, et vous vous êtes détendus, mais pas complètement."

Je hochai la tête.

"Tout est juste.
-Bien sûr. Vous aviez quelque chose à me dire, et vous ne me l'avez pas avoué durant votre séjour. Enfin, vous venez me voir à quatre heure du matin, deux heures avant que le soleil ne se lève, trois avant de prendre votre train du retour, et vous ne pouvez toujours rien me dire."

Maudit soit-il. Il prenait plaisir à tourner autour du pot et me faire languir dans ma gène. Un bref coup d'oeil sur son visage me prouva pourtant le contraire. Il n'avait pas ce petit sourire suffisant que j'avais appris à adorer, même quand j'en était l'infortuné victime, mais son regard était triste comme je l'avais rarement vu.

"Holmes, j'ai reçu un courrier.
-Un courrier militaire, je présume?
-Oui.
-Il me semblait bien. Vous aviez pris trop de bagage pour trois jours, et le train de sept heure ne va pas à Londres, mais à Douvres."

Ainsi donc il avait su. Je trouvais également étrange que nous ne nous soyons pas chamaillés une seule fois pendant ces quelques jours. Ce n'était pas notre habitude. Nous ne pouvions faire sans nous quereller (sans grande conséquence) comme un vieux couple, diraient certains médisants. Mais pas cette fois-ci.

"Watson, ai-je le droit de vous demander de ne pas y aller? Je peux toujours demander à Mycroft de faire égarer votre dossier. Personne ne vous dérangera le temps de la guerre, et...
-Holmes! vous avez passé ses dernières années à jouer les espions pour tenter d'éviter la guerre, et maintenant vous m'empécheriez d'y prendre part?
-Il n'y a jamais eu de guerre comme celle-là. Je ne veux pas que tu..."

Ses mots restèrent en suspends. Cela faisait plus d'un an que cette horreur avait commencé, et les informations du front m'avait bien fait comprendre que cela n'avait rien à voir avec les guerres que j'avais connu dans la jeunesse. Rien que le fait qu'on demande à un médecin de mon âge d'aller sur le terrain me donnait une bonne idée de la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvions.

Soudain, ses mains furent sur mes bras, et il me tint d'une poigne ferme.

"N'y va pas.
-Holmes...
-Tu pourrais rester ici. La chambre d'ami a toujours été ta chambre, quel autre ami ais-je?
-Holmes!"

J'avais peut-être crié plus fort que je le souhaitais. Le silence, en comparaison, était assourdissant.

"Holmes, tu vas devoir me laisser partir."

Il ferma les yeux.

"Ou veux-tu que je partes au front avec le regret d'être en froid avec toi? J'aimerais t'écrire, et j'aimerais que tu me répondes."

Il ne me répondit toujours pas. Doucement, je me relevais, m'extirpant de ses mains fermes.

"Watson, attends..."

Je devint immobile, mais ne fit pas mine de m'asseoir à nouveau.

"... je t'écrirais, évidemment. Peux-tu au moins me faire une promesse?
-Dis-moi, mon ami.
-Reviens vivant."

Grande demande. Pas sûr que je puisse le jurer. Après tout, je l'ai abandonner régulièrement, tout au long de notre vie. Je me suis marié, deux fois. J'ai refusé de le suivre dans sa retraite, considérant que j'étais trop jeune pour abandonner ma pratique de médecin.

Mais lui aussi m'a abandonné! il a fait croire à sa mort pendant trois ans, a cessé de me parler des mois entiers après mon deuxième mariage et, une fois à la retraite, a disparu régulièrement pour jouer les espions au bénéfice de son frère et de la couronne.

"Si vous promettez de revenir de vos futures missions diplomatique en bonne santé, je peux même vous promettre de prendre ma retraite après la guerre et de vous rejoindre ici."

Ses yeux, si sombres jusqu'alors, s'illuminèrent. Rien d'autre dans son visage ne trahis ses sentiments.

"C'est entendu. Je vous accompagnerais à la gare, tout à l'heure."

Je n'avais pas sommeil, mais cela semblait être le bon moment pour prendre congé. A ma surprise, il se leva après moi et il apparu dans le salon tout habillé quelques minutes plus tard.

"Je me sens parfaitement réveillé, Watson. Une dernière promenade avant votre départ?"

Je le suivit à l'extérieur, sur les chemins de campagne. Assez rapidement, nous étions sur la plage, regardant au loin. Le ciel devenait de plus en plus clair et les oiseaux ont salués notre pas.

Si les circonstances étaient différentes, peut-être aurions-nous marché bras-dessus, bras-dessous, comme à Londres autrefois. Ou main dans la main, comme lorsque nous devions nous diriger dans le noir lors d'une enquête nocturne. Mais l'espace entre nous était aussi profond que la Manche qui nous séparerait bientôt. Au moins étais-je sûr que si nous y survivons, nous serons à nouveau ensemble.


🐝

Et voilà ce premier OS! A bientôt!

Recueil d'OS Sherlock HolmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant