Kivari #1

By aIexkiz

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Après s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple... More

1- Prologue
2- La fin de l'été
3- L'appel
4- La fille de la forêt
5- Meori
6- L'étau
7- Le lien
8- Havenly High
9- Ennemie ?
10- Petit meurtre entre amis
11- Résolutions
12- Sans issue
13- L'arbre brisé
14- Kila
15- La proposition
16- Marquée
17- Questions
18- Madame Personne et le chevalier servant
19- Un caractère de chien
20- Collaboration forcée
21- Le jour de Christophe Colomb
22- Equilibrium
23- Un grand honneur
24- Esprit animal
25- Liaison chimique
26- Dans le sous-bois
27- La proie
28- Kivari
29- Embrasée
30- Sous l'écorce
31- La porte secrète
32- Piégée
33- Logan Hoyt
34- Présentations
35- Émoi
36- À l'orée de la forêt
37- Fuis-moi, je ne suis...
38- Le noy'sat
39- L'homme à la couronne de fougères
40- Sur la voie
41- L'eirsha
42- Le Pacte
43- Transition
44- Première lune
45- Le jardin d'Eden
46- Fiévreuse
47- Brûlures
48- La langue morte
50- Improvisation
51- Les Osborn
52- Du sang et des lames
53- L'étoile au bout du monde
54- La rumeur
55- Anonyme
56- Incertitudes
57- Homecoming
58- Axiome
59- Le chat et la souris
60- Un être à part
61- Humain et animal
62- Révélations
63- À l'aube de l'hiver
L E X I Q U E

49- Entrelacées

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By aIexkiz

— Ils ne doivent pas savoir, reprit Kila d'un ton où perçait presque l'angoisse. Personne ne doit jamais voir ta kahr, tu m'entends ?
— Tu te trompes, répondis-je sans l'écouter. Comment peux-tu connaître les signes de la langue morte puisqu'elle s'est éteinte ? Non, tu te trompes.

Je ne pouvais pas l'accepter. Je ne le voulais pas. Kila baissa les épaules et n'ajouta plus rien. Dans ses yeux, il était clair qu'elle ne partageait pas mon avis. Mais la kanash prétendit le contraire dans le simple but de me rassurer.

— Je l'espère, esh-kirith... On trouvera une solution dans tous les cas, conclut-elle en m'enlaçant.

Je restai dans ses bras durant quelques instants, profitant de la douceur du moment. Nous en avions tant besoin... Mais le cas de conscience qui me déchirait m'empêchait d'apprécier ce moment de tendresse à sa juste valeur. Je devais lui dire toute la vérité. À contrecœur,  je me détachai d'elle et lui révélai que j'avais un second message à lui transmettre.

— Je t'aime pour l'éternité, petit loup... répétai-je le cœur lourd.

J'avais sciemment employé la langue locale, comme si l'absence de mots kanashs pouvait atténuer la douleur qui en résulterait. Ce ne fut pas le cas : chaque mot restitué s'était imprimé comme une vilaine blessure dans mon âme.

— Elle t'a demandé de me dire ça ? demanda Kila d'une voix brisée.

J'acquiesçai en silence. J'eus la décence de ne pas émettre le moindre commentaire sur le petit nom que Meori lui donnait : ce n'était pas mon intimité mais la leur.

— Oh, Meori... murmura Kila dans un souffle poignant.

Je détournai le visage pour dissimuler les larmes qui menaçaient de couler sur mon visage étreint par la douleur : je savais que je n'aurais pas la force d'en retenir n'en serait-ce qu'une.

— Je suis désolée... reprit Kila au bout d'un interminable silence. Tu n'étais pas obligée de me le dire.
— Apparemment si.

Kila m'adressa un regard douloureux. J'avais répondu plus sèchement que je ne l'avais voulu, mais je n'avais pas pu m'en empêcher. Je tentai maladroitement de me rattraper.

— Excuse-moi. Je suis un peu... cette situation me...
— Tu souffres, constata tristement Kila. Tu souffres à cause de moi et j'en suis désolée.
— Non, Kila. Je devrais être plus compréhensive que ça, j'ai juste...

La kanash m'avait fait taire d'un simple baiser. Je l'accueillis les joues humides, puis me nichai au creux de sa poitrine. Elle se mit à me caresser les cheveux. La douceur de ce contact me rappela les rêves étranges que j'avais eus dernièrement.

— J'ai rêvé de nous, tu sais... déclarai-je à brûle-pourpoint.

J'avais murmuré tout bas, le front appuyé contre sa poitrine, tant pour changer de sujet que pour me rassurer. Derrière sa peau pâle, son cœur battait fortement. Il tonnait comme la plus douce des mélodies contre mon oreille. Mais pour résonner au mieux, il fallait que les notes s'accordent au préalable. Je me redressai à regret, et plantai mon regard dans le sien.

— Mais tu le sais déjà, n'est-ce pas ?

Kila cilla brièvement. Elle leva une main vers mon visage avant de se raviser. La kanash s'installa à côté de moi. En temps normal, la vue de bottines posées ainsi sur mes couvertures m'aurait fait bondir, mais je m'en moquais à l'heure actuelle. Ce que je voulais, c'était des réponses.

— La première fois que j'ai ressenti ça... j'ai cru qu'il s'agissait d'un simple rêve, mais Meori...

Kila s'interrompit et me jeta un bref regard. Les lèvres serrées, je gardai le silence et l'enjoignis à continuer d'un signe de tête. Je ne réagis pas davantage lorsqu'elle me prit la main.

— Meori m'a très vite démontré que non, reprit la kanash avec difficulté. Elle appelait ça... les rêves entrelacés. C'est quelque chose que je n'ai connu avec personne d'autre qu'elle. Et toi.

Je restai de marbre face à cette révélation. Je m'en voulais de la punir ainsi pour quelque chose dont elle n'était pas responsable, mais la colère et la jalousie semblaient systématiquement reprendre le dessus. Et je n'opposais pas beaucoup de résistance.

— En quoi ça consiste ? demandai-je sans me départir de sa main.

La kivari du loup eut un geste incertain.

— Je ne saurais pas vraiment l'expliquer, avoua-t-elle. Meori disait que ça nous permettait d'être toujours ensemble, même lorsque nous ne l'étions pas physiquement. Je n'ai jamais initié aucun rêve entrelacé, je n'aurais pas su comment. C'était Meori.

Encore et toujours Meori. Kila m'observa avec tristesse.

— Et c'est toi, à présent... ajouta-t-elle. Je crois que tu as hérité de bien plus que je ne le pensais. Il est possible que...
— Toi et moi, dans la forêt... Est-ce que nous avons vraiment...

Je n'osais pas terminer ma phrase. La kanash cligna des yeux, puis se reprit promptement.

— Tu sais bien que oui.
— Non, je n'en sais rien. À force, je ne sais plus.
— Tu le sais bien, rétorqua-t-elle sur ton presque accusateur. Tu étais là. Ne fais pas semblant.
— Semblant ?

Je détachai ma main de la sienne. J'avais le sentiment qu'un liquide visqueux se mettait dangereusement à déborder d'un contenant beaucoup trop petit. Je me levai d'un seul coup ; le drap glissa le long de mes hanches, révélant le short de nuit «I love kittens» que je portais.

— Je fais semblant ? répétai-je tout bas.

J'avais le plus grand mal à contenir ma colère, mais il le fallait bien : la chambre de ma mère n'était qu'à quelques pas de la mienne, juste séparée par la salle de bain.

— Je vis un calvaire depuis j'ai reçu cette putain d'amulette, sifflai-je tout bas. Ma vie est un bordel sans nom, je ne dors plus la nuit, j'entends des voix, Meori me parle par énigmes quand ça lui chante et quand ce n'est pas elle qui hante mes pensées, c'est toi !
— Eden... commença la kanash en se levant à son tour.

Mais les valves étaient ouvertes.

— Quand tu as partagé ton énergie avec moi dans l'écorce, tu as dû le sentir non ? Tu savais ce que j'éprouvais pour toi et tu ne m'as rien dit. Tu as tout gardé pour toi et tu m'as laissée seule avec tout ça ! Si quelqu'un fait semblant ici, c'est toi !

Je respirais comme un cheval fou lâché au grand galop. Échevelée et en nage, avec mon short à motifs de chatons, je devais avoir l'air d'une véritable folle. Le cuir du blouson de Kila émit un léger bruit lorsqu'elle se déplaça pour parvenir à ma hauteur. Me fixant de son regard bleu d'acier, la kanash me déballa le fond de sa pensée d'un seul trait.

— Ma tristesse, et ma vengeance... Je pensais que rien ne m'en détournerait. Je pensais tout contrôler. Mais je n'avais pas prévu ça. Je ne t'avais pas prévue toi ! s'emporta Kila en ouvrant les bras. Et qu'est-ce qu'on fait, à présent ? On arrête tout, on ignore ce qu'on ressent l'une pour l'autre ? Dis-le moi Eden, je te suivrai quoi qu'il arrive.

Je restai debout comme une imbécile, ne sachant plus que faire de ma colère qui n'avait plus de raison d'être, mais qui avait bien trop enflé pour s'en aller sur demande. La sienne était visiblement plus prompte à redescendre, car elle se rapprocha presque immédiatement pour m'effleurer le bras. Sa main au contact de ma peau acheva de briser les remparts d'incompréhension qui se dressaient entre nous.

— Pardon... reprit-elle avec effort. Je n'ai jamais été douée pour exprimer ce que je ressens. Pas avec les mots. Mais...

Les doigts pâles s'emparèrent de mon visage et glissèrent le long de ma joue. Dans les yeux d'azur, une infinie tristesse me suppliait de lâcher les armes.

— L'amour que nous avons éprouvé dans la forêt était réel, Eden. Je ne fais pas semblant. Il est réel, je le sais mieux que personne et tu le sais aussi, parce que tu étais avec moi. Tu es toujours avec moi.

Je voulais répondre, mais le rappel constant de la présence lancinante de Meori me muselait aussi sûrement qu'un baîllon de fer. Kila parut découragée, et je m'en fis le reproche intérieurement, mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle reprit la parole.

— Nous nous sommes séparées au printemps. Ce n'était pas ce qu'elle voulait, mais je ne lui ai pas vraiment laissé le choix. C'est sûr, Meori avait un sacré caractère.

Je fis de mon mieux pour ignorer la pointe de douleur qui m'effleura lorsque j'entrevis le sourire nostalgique de Kila.

— Comme je la connais... continua la kanash. Meori s'est sûrement aventurée là où elle n'aurait pas dû. Je... j'imagine qu'elle a voulu...

Je gardai le silence. Voir Kila se débattre ainsi avec son passé ne m'amusait pas, mais je n'avais aucune prise sur ses souvenirs. Je ne pouvais qu'écouter en réduisant au mieux ma propre souffrance.

— J'en suis responsable, esh-kirith. Je ne sais quel esprit Meori a froissé pour connaître un tel sort, mais je sais que c'est de ma faute. Elle n'en serait pas là si j'avais agi différemment. J'aurais pu l'en empêcher, j'aurais dû l'aider. Si j'étais restée, elle serait en vie aujourd'hui.

La détresse de Kila anéantit les derniers bastions de jalousie qui persistaient encore en moi. Sans réfléchir, je l'enlaçai doucement et la serrai contre moi. Lorsqu'elle s'accrocha à mes épaules, je réalisai à quel point elle avait besoin de moi. Et moi d'elle.

— Ce n'est pas de ta faute.

Je n'avais rien ajouté d'autre. La vacuité de mes paroles me semblait si inefficace pour contrer sa peine, mais je n'avais rien de mieux à offrir. Alors je la serrai fortement dans mes bras, aussi tendrement que je le pouvais. Et elle le comprit davantage que tous les discours du monde. Nous restâmes ainsi longtemps, accrochées l'une à l'autre comme si nos vies en dépendaient. Je ne sus à quel moment nous finîmes par nous étendre sur le lit, mais un sentiment de quiétude extrême nous submergea lorsque ce fut le cas. Pour la première fois, nous nous accordions un repos véritable. La kanash profondément endormie dans mes bras, j'observai la fenêtre de ma chambre. Les premiers rayons de soleil s'immisçaient timidement entre les persiennes de la fenêtre. Je souris pour deux : un jour nouveau se levait.

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