Kivari #1

By aIexkiz

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Après s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple... More

1- Prologue
2- La fin de l'été
3- L'appel
4- La fille de la forêt
5- Meori
6- L'étau
7- Le lien
8- Havenly High
9- Ennemie ?
10- Petit meurtre entre amis
11- Résolutions
12- Sans issue
13- L'arbre brisé
14- Kila
15- La proposition
16- Marquée
17- Questions
18- Madame Personne et le chevalier servant
19- Un caractère de chien
20- Collaboration forcée
21- Le jour de Christophe Colomb
23- Un grand honneur
24- Esprit animal
25- Liaison chimique
26- Dans le sous-bois
27- La proie
28- Kivari
29- Embrasée
30- Sous l'écorce
31- La porte secrète
32- Piégée
33- Logan Hoyt
34- Présentations
35- Émoi
36- À l'orée de la forêt
37- Fuis-moi, je ne suis...
38- Le noy'sat
39- L'homme à la couronne de fougères
40- Sur la voie
41- L'eirsha
42- Le Pacte
43- Transition
44- Première lune
45- Le jardin d'Eden
46- Fiévreuse
47- Brûlures
48- La langue morte
49- Entrelacées
50- Improvisation
51- Les Osborn
52- Du sang et des lames
53- L'étoile au bout du monde
54- La rumeur
55- Anonyme
56- Incertitudes
57- Homecoming
58- Axiome
59- Le chat et la souris
60- Un être à part
61- Humain et animal
62- Révélations
63- À l'aube de l'hiver
L E X I Q U E

22- Equilibrium

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By aIexkiz

— En file, et que ça saute !

La voix du coach Dunham résonna bruyamment dans le hall du gymnase ce jeudi matin. À cause du mauvais temps, il n'avait pas pu faire son cours sur les terrains de football comme prévu, et la mauvaise humeur qui en résultait s'en ressentait à chaque syllabe qu'il aboyait. Enfilés les uns à la suite des autres, nous commençâmes  docilement à trottiner autour du terrain de basket. Je me dévissai la tête pour chercher Liam parmi les élèves, mais ne le vis pas. À la place, j'aperçus la figure rouge du coach Dunham qui dépassait de trois bonnes têtes celle des élèves qui grouillaient autour du terrain de basket. Je me tournai brusquement et me concentrai sur l'exercice afin de ne pas me faire remarquer. Durant la séance d'étirements, le coach Dunham avait été très clair :

— J'ai pas de temps à perdre avec les lavettes et les feignasses. Vous avez deux pieds, deux jambes, deux bras ? Vous pouvez faire du sport. Pas d'excuses qui tiennent. C'est compris ? avait-il éructé durant nos mouvements préparatoires.

Le bras contorsionné derrière mon cou, j'avais vivement hoché de la tête pour ne pas me le mettre à dos, et m'étais efforcée d'ignorer la marque qui s'étalait sur le mien. Fort heureusement, le t-shirt blanc qui nous servait d'uniforme de sport était suffisamment long et épais pour la dissimuler au reste de la classe. Par prudence, j'avais remonté le petit short bleu marine que nous devions porter durant les cours de sport ; j'espérais ainsi recouvrir davantage de surface et diminuer les chances que quelqu'un n'aperçoive la marque.

— Pas la peine de le remonter si haut, m'avait glissé Jenifer sur un ton persifleur. Tu vas te coincer une couille si tu continues.

J'avais ignoré le commentaire déplaisant tout comme les pouffements qui avaient suivi chez ses comparses, et m'étais approchée du coach Dunham pour recevoir les instructions de la matinée : une séance d'échauffements suivie de quelques tours de terrain. Il nous avait ensuite désigné une longue corde épaisse qui pendait du plafond du gymnase :

— Et ça, c'est votre test d'aptitude physique. Vous grimpez là-dessus, vous avez une note. Terminé.

J'effectuai mon premier tour de terrain sans souci majeur. Sans surprise, la plupart des garçons couraient en tête, mais quelques filles leur donnaient du fil à retordre. Parmi celles qui caracolaient largement en tête, j'aperçus Jenifer. Elle courait sans efforts, s'octroyant même le luxe de rire à tête renversée aux côtés de Luke. Je reniflai d'agacement. Y avait-il quelque chose au monde que Jenifer Park ne pouvait pas faire ? Je redoublai d'efforts pour me maintenir à niveau du peloton, mais bien vite, je me retrouvai parmi les derniers alors que j'effectuai mon second tour de piste. L'air commença à me manquer, je m'acharnai toutefois : il ne fallait pas que je m'arrête. Je me concentrai sur la gestion de ma respiration, continuant l'échauffement par petites foulées. Au troisième tour de piste cependant, mes jambes commençèrent à me faire payer le tribut du rythme inhabituel que je leur imposais.

J'observais Luke de loin lorsqu'une douleur me traversa les côtes. Merde, un point de côté ! pestai-je silencieusement. Je tachai de respirer de manière plus fluide, mais je savais que je n'allais pas tarder à capituler. Inquiète à cause de son asthme, je cherchai Liam des yeux mais ne trouvai personne : nous étions trop nombreux. Deux coups de sifflet aigus nous délivrèrent finalement de ce supplice physique, et nous convergeâmes en une seule masse vers le coach qui attendait au beau milieu du gymnase. Derrière lui, la corde pendouillait comme un long ver de chanvre.

— Trois tours et j'en vois déjà qui sont à plat, commenta le coach Dunham avec un dédain évident. Je vous préviens : vous allez tous monter sur cette foutue corde. Pas d'exception !

Nous nous étions assemblés en cercle autour de lui. Les mains sur les cuisses, je haletai pour reprendre mon souffle. De l'autre côté du cercle, j'aperçus Liam. Il transpirait à grosses gouttes, et tentait fébrilement d'aspirer la vapeur de son inhalateur. Il m'adressa un signe de tête pour me signifier qu'il allait bien.

— Bon, reprit le coach en posant ses mains sur ses hanches. Ça va pas être compliqué. Vous voyez les nœuds sur la corde ?

Une vingtaine d'yeux suivirent l'index grassouillet du coach. La corde était en effet parsemée de nœuds qui s'échelonnaient à distance régulière les uns des autres.

— Considérez-les comme votre note, poursuivit-il sur un ton bourru. Plus vous allez haut, plus elle sera bonne. Plus vous restez bas, plus votre note le sera aussi. Le nœud orange, c'est le minimum syndical à atteindre. Si vous tombez avant ça, c'est terminé : vous avez un D et vous ne remontez pas. Pigé ?

Nous acquiesçâmes en un oui collectif inaudible qui en disait long sur notre motivation. Se faire noter dès le premier cours n'était pas très agréable, mais l'être sur un exercice que la plupart d'entre nous n'avait encore jamais effectué était pire que tout.

— Allez ! vociféra le coach Dunham. On s'active ! Vous monterez par ordre alphabétique.

Coup de massue derrière le crâne. Par ordre alphabétique ? Mon nom figurait en tête de liste, il était évident que j'allais passer à la casserole parmi les premiers. Je n'avais même pas le temps de reprendre mon souffle ! Cette injustice me rendait furieuse, mais je n'y pouvais rien. Le coach déplia la feuille qu'il tenait dans sa grosse main et que je n'avais pas vu:

— Allen. Allen ! Pas là ? s'enquit-il en scrutant la masse d'élèves autour de lui.

D'un geste rageur, il griffonna quelque chose à l'aide de son stylo, puis défroissa la feuille d'appel pour passer au nom suivant.

— Atwood. C'est qui, ça ? Pas là non plus ?

Une boule dans la gorge, je levai une main timide puis m'avançai à regrets vers le centre du cercle qui s'était brusquement élargi. Je me sentis terriblement seule face à la corde qui, intraitable tout comme le coach qui attendait les bras croisés sur son large torse, me mettait au défi d'oser la toucher. Le coach Dunham hocha brièvement de la tête pour m'enjoindre à grimper. Peu rassurée, je montai sur le tapis de mousse épais qu'il avait diposé sous la corde par mesure de sécurité. Mes doigts vinrent à la rencontre du chanvre, rèche et abrupt au toucher. La montée n'allait pas être agréable. Sans rien dire, j'entamai mon ascension sur la corde. Contre toute attente, les premiers nœuds furent faciles à dépasser, à tel point que l'exercice me parut finalement assez simple. Je passais de nœud en nœud avec une aisance déconcertante. J'atteignis rapidement le nœud orange et le dépassai sans problème. L'optimisme me gagna et j'accélérai mon allure. Je vais obtenir une bonne note... songeai-je en essayant d'attraper le nœud suivant.

Ce fut à cet instant que je perdis l'équilibre.

Je glissai le long de la corde, me rattrapant de justesse au premier nœud que mes doigts rencontrèrent. Je grimaçai de douleur, le chanvre m'avait brûlé la paume des mains ! Je retins à grand peine le juron qui voulait s'échapper de ma gorge. Au sol, mes camarades s'étaient exclamés de stupeur. J'aperçus Jenifer et son insupportable rictus méprisant. Non... Je n'allais pas lui procurer ce plaisir. Je ne pouvais pas me permettre de lâcher la corde. Serrant les dents, je bandai ma volonté et m'interdis d'abandonner. Je me remis à grimper malgré la souffrance occasionnée au niveau de mes mains. Arrivée au point fatal qui avait provoqué ma chute, je m'arrêtai pour considérer un instant l'écart entre les nœuds. Celui-ci s'agrandissait considérablement à mesure que je grimpais, petit détail non perceptible depuis le sol. Malgré la brûlure dans mes paumes, je serrai la corde et m'accrochai à elle comme si ma vie en dépendait. En suspension au-dessus du sol, mes bras commençaient à m'élancer et mes pieds peinaient de plus en plus à me maintenir en équilibre sur les nœuds. Je tentai d'attraper le nœud suivant, sachant parfaitement que ma tentative était vaine car celui-ci se trouvait beaucoup trop loin.

Conséquence directe de mes mouvements, la corde se mit à tanguer, menaçant dangereusement mon équilibre. Le cœur battant, je fermai les yeux et forçai mon corps à demeurer immobile, telle une statue. Silencieusement, je priai tout mon être de ne pas chuter et, peu à peu, la corde commença à se stabiliser. Je m'astreins au calme, me focalisant uniquement sur ma position dans l'espace et l'objectif que je souhaitais atteindre. Je ne distinguai bientôt plus que le dernier nœud dans ma tête, sensible à la moindre vibration qui agitait la corde. J'ouvris brusquement les yeux. Ma concentration s'était considérablement accrue. Il me semblait percevoir le crissement désagréable des baskets de mes camarades sur le parquet dont l'odeur de vernis me remontait au visage. Je plissai du nez. Avec elle, une dégoûtante odeur de transpiration âcre venait de me frapper les narines. À ma grande surprise, j'entendis le gargouillement du ventre de plusieurs élèves.

Comment pouvais-je percevoir tous ces sons depuis une telle hauteur ? Comment pouvais-je les percevoir tout court ? Et ces odeurs qui n'en finissaient plus d'arriver... quelque part à l'extérieur du gymnase, quelqu'un passait la tondeuse. Je le savais, car le ronronnement du moteur traversait les murs du gymnase pour parvenir jusqu'à moi. Je percevais également l'odeur de l'herbe mouillée fraîchement coupée, ainsi que celle d'une herbe de très mauvaise qualité fumée par deux — non, trois — élèves dans les vestiaires. Je connaissais cette sensation. C'était la même sensation que j'avais éprouvée dans la clairière du sous-bois.

Je n'avais donc rien imaginé. Des changements étaient bien en train de s'opérer en moi... et je les devais probablement à Meori. Mais ce n'était pas du tout le moment de m'y épancher. Le souffle court, je reportai mon attention sur le nœud suivant qui ne me paraissait plus si inatteignable. Avec la facilité de l'évidence, je m'élançai vers lui, certaine que je n'allais pas tomber. Et tous les autres nœuds eurent droit au même traitement. Je les enchaînai les uns à la suite des autres, sans aucune difficulté. J'avais l'impression d'avoir fait ça toute ma vie, sautant avec agilité d'un nœud à l'autre. Arrivée près de la poutre à laquelle la corde était accrochée, je touchai la poulie du bout des doigts, puis m'écriai d'un air ravi :

— Je ne peux pas aller plus haut, coach !

En temps normal, il m'aurait été impossible d'entendre les réactions suscitées par mon escalade. Mais mon quotidien n'avait plus rien de normal désormais, et je perçus chacune d'entre elles avec une précision hallucinante, aussi clairement que si elles m'avaient été murmurées directement à l'oreille :

— Putain mais t'as vu ça ?
— Elle fait du sport, elle ? Depuis quand ?
— Jusqu'en haut quand même... chapeau !
— C'est dingue !
— J'arriverai jamais à monter aussi haut, c'est mort.

Extatique, je demeurai un moment au sommet de la corde. De là-haut, mes soucis paraissaient si petits qu'ils disparurent momentanément. Dans un instant de pure fanfaronnade, je poussai l'audace jusqu'à quitter le nœud sur lequel je me tenais et lâcher la corde en partie, ne la tenant plus que d'une seule main : je n'en éprouvai aucune gêne physique et me maintins sans effort en suspension. Avec plaisir, les exclamations de mes camarades ébahis me parvinrent aux oreilles et j'en savourai chaque seconde. Mais l'instant de gloire ne dura pas.

— Atwood ! Descends de là au lieu de faire le singe, tu vas te briser le cou ! hurla le coach en effectuant des gestes vifs de la main.

Ivre de joie, j'entamai ma descente avec la même aisance que durant la montée. Lorsque je parvins à terre, j'étais rayonnante, au point de ne même pas voir le regard circonspect que me jeta le coach avant de passer à l'élève suivant.

— Baker, en selle !

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