Je n'avais pas vu Edward comme ça depuis des semaines - des mois, en réalité. Même lorsque nous étions partis tous les trois avec notre « solution », il ne m'était pas apparu aussi sûr de lui. Il avait forcément mis le doigt sur l'unique échappatoire qui s'offrait à nous, même si je fus bien incapable de deviner de quoi il s'agissait.
- Tu es sûr de toi ? le pressa Jacob en croisant ses jambes en tailleur.
- Je n'ai même pas eu à chercher, avoua mon mari. La réponse est venue à moi, sans que je m'y attende. En fait, c'est grâce à vous deux.
Je le regardai, interloquée. Jacob ne semblait pas plus avancé que moi. Il me dévisagea quelques instants et je me contentai de hausser les épaules.
- Sans le vouloir, vous avez mené Aro à perdre le contrôle de ses pensées, enchaîna Edward. Je suis persuadé qu'il ne s'est même pas rendu compte que j'avais lu dans son esprit. L'image a été si fugace que si je ne m'étais pas concentré, elle m'aurait échappé.
- C'était Renesmée ?
La question avait fusé de la bouche de Jacob à l'instant même où je l'énonçais.
- Ça n'a aucun rapport avec ce que nous vivons, nous détrompa-t-il. En un sens, il s'est piégé tout seul. Quand il a eu l'audace de nous soumettre la mort pure et simple de Jacob. C'est une idée qui ne me surprend pas venant d'Aro, mais il ne s'attendait certainement pas à ce que tu allais lui répondre, me complimenta-t-il.
- Il est stupide au point de croire que nous pourrions faire une chose pareille ? J'aurais dû lui arracher la tête quand il nous l'a proposé !
- Tu as réagi exactement comme il le fallait, insista-t-il. Et toi aussi, Jacob. Tu as su garder le silence au bon moment et c'est quand tu as manqué les insulter que tout s'est déclenché. Tu leur as montré à quel point tu étais blessé par ce qu'Aro venait de proposer et Bella a surenchéri. Je le connais assez pour savoir que sa satisfaction se nourrit de la détresse des autres et vous avoir vu si mal l'a conduit à pousser le vice encore plus loin. L'a conduit à nous demander d'envisager à notre tour cette possibilité. Et c'est là que tu interviens, Bella.
Il interrompit son récit, le temps de me laisser assimiler les informations. Je n'eus pas besoin de réfléchir plus longtemps à ce qu'il venait de dire. Cependant, je ne voyais pas en quoi le fait d'avoir demandé à Aro si tuer son frère lui serait supportable avait fait avancer les choses.
- Et ? s'impatienta Jake.
- Et si je vous disais qu'il aurait pu répondre à votre question ? lança Edward.
- Quoi ? m'étranglai-je.
Il était déjà suffisamment difficile d'imaginer Aro entouré des membres de sa famille - celle d'aujourd'hui n'était qu'une chimère -, mais il était encore plus dur de l'imaginer s'en prendre à eux. Non pas que je doutais encore de la manière d'agir du personnage, mais je n'arrivais pas à entrevoir les raisons qui avaient pu le pousser à se débarrasser de l'un des siens - si ce n'était son éternelle soif de pouvoir, bien sûr.