En constatant qu'il ne savait pas par où commencer, je me lançai de la manière la plus traditionnelle possible.
- Salut, papa, me risquai-je.
- Salut, Bella, me répondit-il d'une voix hésitante.
Voilà une conversation à venir qui s'annonçait périlleuse. Nous n'avions l'un et l'autre aucunement l'intention de nous mouiller pour le moment. Mais nous ne pouvions décemment rester là sans rien nous dire, à nous regarder dans le blanc des yeux. J'inspirai profondément et tentai de lui faire un sourire plus authentique.
- Tu viens pour nous arrêter ? tentai-je de plaisanter en désignant les gyrophares qui continuaient de tourner.
- Euh... J'ai oublié de les éteindre, fit-il en se glissant à demi dans la voiture pour couper le moteur.
Charlie referma sa portière dans un claquement sec et s'avança enfin vers moi. Il s'arrêta à mi-chemin sur les marches en bois, à moins d'un mètre de là où je me tenais. Il ouvrit la bouche puis s'interrompit tout en inspirant un bon coup, son pouce désignant la voiture derrière lui.
- J'ai roulé comme un dingue sur la route, commença-t-il dans un soupir.
- Voilà qui m'étonne de ta part, me déridai-je en constatant qu'il n'avait pas l'air de venir me reprocher quoi que ce soit. Tu es le shérif, non ? poursuivis-je en adoptant un ton qui se voulait léger. Tu es censé montré l'exemple, je te rappelle.
- Je sais, reconnut-il.
Il y eut un silence gêné. J'avais la gorge serrée et n'arrivais pas à articuler un son. Mon père se trémoussa, trahissant son malaise.
- C'est juste que... je voulais te voir, Bella, lâcha-t-il finalement. Cette situation me pèse. Je n'en veux plus. Tu me manques trop.
- Papa... gémis-je sans parvenir à continuer.
Je me ruai vers lui et le pris dans mes bras. Je me mis à pleurer comme une idiote, mais c'était plus fort que moi. J'étais tellement heureuse de le retrouver, tellement malheureuse d'avoir dû lui cacher la vérité.
- Calme-toi, Bella, murmura-t-il en resserrant son étreinte. Je suis désolé.
Mes sanglots repartirent de plus belle. C'était lui qui était désolé à présent. Pourquoi tout le monde dans mon entourage tenait toujours à se sentir coupable à ma place ? C'était injuste et lâche de ma part d'accepter cela.
- Ne dis pas ça, reniflai-je. C'est moi qui suis désolée.
Je fis mine d'essuyer mes yeux avec le revers de la manche de mon sweat-shirt qui m'arrivait jusqu'à la moitié de la main, histoire que Charlie ne se pose pas de questions sur ma sincérité en voyant mes yeux parfaitement secs. Je ne m'en serais jamais remise s'il m'avait soupçonnée de jouer la comédie.
La pluie se mit à tomber doucement, comme pour nous inciter à ne pas rester en plan à l'extérieur. Je suivis ce conseil et entraînai mon père dans la maison, sa main entourant mes épaules.
- Ça va ? me demanda-t-il une fois que nous fûmes à l'intérieur.
- Ne t'en fais pas, déglutis-je bruyamment. Ça va, maintenant que tu es là.
- Oui, assura-t-il. Oui, je suis là.