(Gratuit le 3 Janvier) APTITU...

By MagnificientAngel

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Un Prince déchu. Une famille maudite. Une prophétie oubliée. Un Trône mortel. *** Dans un futur post-apocalyp... More

Gratuit le 3 Janvier 2023
Guide de l'univers I : Carte.
Guide de l'univers II : Arbre Généalogique Officiel
Prologue.
CHAPITRE 1 : La Cueillette (Partie I)
La Cueillette (Partie 2)
CHAPITRE 2 : Geneviève (Partie 1)
Geneviève (Partie 2)
CHAPITRE 3 : La Salle Du Trône (Partie 1)
La Salle du Trône (Partie 2)
CHAPITRE 4 : L'Illisible.
CHAPITRE 5: Une Charmante Famille. (Partie 1)
Une Charmante Famille (Partie II)
CHAPITRE 6: L'héritier Du Trône. (Partie I)
L'héritier Du Trône (Partie II)
CHAPITRE 7 : Le Journal.
CHAPITRE 8 : Histoires Secrètes (Partie I)
Histoires Secrètes (Partie II)
CHAPITRE 9 : De Brûlantes Retrouvailles (Partie I)
De Brûlantes Retrouvailles (Partie II)
CHAPITRE 10 : Reconnaître L'Ennemi (Partie I)
Reconnaitre L'Ennemi (Partie II)
CHAPITRE 11 : La Cape Rouge.
CHAPITRE 12 : Les Prétendants À La Couronne (Partie I)
Les Prétendants A La Couronne (Partie II)
CHAPITRE 13 : Le Début D'une Alliance (Partie I)
Le Début D'Une Alliance (Partie II)
CHAPITRE 14 : Messes Basses.
CHAPITRE 15 : La Vision.
CHAPITRE 16 : Garder Un Secret (Partie I)
Garder Un Secret (Partie II)
CHAPITRE 17 : La Colère Du Prince.
La Colère Du Prince ( Partie II)
CHAPITRE 18 : Le Père Du Rebelle (Partie I)
Le Père Du Rebelle (Partie II)
Le Père Du Rebelle (Partie III)
CHAPITRE 19 : Le Cabinet Du Roi ( Partie I )
Le Cabinet Du Roi ( Partie II )
Le Cabinet Du Roi ( Partie III )
CHAPITRE 20 : Même Les Morts Ont Des Secrets ( Partie I )
Même Les Morts Ont Des Secrets ( Partie II )
CHAPITRE 21 : Le Tunnel (Partie I)
Le Tunnel (Partie II)
CHAPITRE 22 : Le Prince De L'Ombre.
CHAPITRE 23 : Le Symbole (Partie I)
Le Symbole (Partie II)
Le Symbole (Partie III)
CHAPITRE 24 : Oeil Noir (Partie I)
Oeil Noir (Partie II)
CHAPITRE 25 : Sang Et Peinture. (Partie I)
Sang Et Peinture (Partie II)
CHAPITRE 26 : La Folie Se Terre Aux Cachots.
CHAPITRE 27 : Tromper La Mort.
L'Atout Secret Du Prince Déchu (Partie II)
L'Atout Secret Du Prince Déchu (Partie III)
CHAPITRE 29 : Les Yeux Dans Ceux Du Diable.
Les Yeux Dans Ceux Du Diable (Partie II)
CHAPITRE 30 : Pas De Répit.
CHAPITRE 31 : Les Indiscrétions D'Une Inapte.
CHAPITRE 32 : La Couronne Avant Tout.
CHAPITRE 33 : Dilemme Et Régicide (Partie I)
Dilemme Et Régicide (Partie II)
CHAPITRE 34 : Le Déshonneur Du Visionnaire (Partie I)
Le Déshonneur Du Visionnaire ( Partie II )
CHAPITRE 35 : Qui A Tué Henry DeCalonne ? (Partie I)
Qui A Tué Henry DeCalonne ? (Partie II)
Qui A Tué Henry DeCalonne (Partie III)
CHAPITRE 36 : La Nuit Rouge (Partie I)
La Nuit Rouge (Partie II)
CHAPITRE 37 : Le Poison Ne Ment Jamais (Partie I)
Le Poison Ne Ment Jamais (Partie II)
CHAPITRE 38 : Double Jeu (Partie I)
Double Jeu (Partie II)
Epilogue.
Bonus#1 (Dylan) : La Naissance Du Brasier.
La Naissance Du Brasier (Partie II)
Bonus#2 (Calvin) : La Tour D'Ivoire (Partie I)
La Tour D'Ivoire (Partie II)
Bonus#3 (Devonne) : La Tour De Roses.

CHAPITRE 28 : L'Atout Secret Du Prince Déchu. (Partie I)

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By MagnificientAngel


Au moment où je pénétrai dans la pièce, une terrible odeur de renfermé m'assaillit. Je tâtonnai un moment avant de trouver l'interrupteur. Je poussai un soupir lorsque la chambre s'illumina. Comme je m'y attendais, il ne restait aucune trace de l'ancien occupant. Les livres poussiéreux qui occupaient autrefois les étagères avaient disparu. Le bureau en bois laqué était désormais vide et avait été poussé sur le côté.

Mon regard se posa sur le sol en marbre, et un frisson me parcourut l'échine lorsque mes terribles souvenirs me revinrent à l'esprit. Je pouvais presque sentir Fealds m'écraser de tout son poids, cherchant à obtenir un peu de mon sang pour créer un nouveau Virus, à l'instar des scientifiques qui avaient brisé la vie d'Erika Taylor. Je détournai néanmoins la tête lorsque mes yeux se posèrent sur l'endroit où le dernier Confident avait poussé son dernier souffle, empoisonné par la Cape Rouge.

— Un peu de courage, Kylie, soufflai-je en refermant la porte derrière moi.

Ceci était mon unique chance de mettre au point l'idée qui avait germé dans mon esprit quelques heures plus tôt. Je savais pertinemment que l'effervescence autour de la prétendue mort de Dylan retomberait bien assez tôt. Ainsi, je devais agir avant que les Nobles ne décident de quitter le hall. Pour l'instant, personne ne pouvait me surprendre à fouiller l'ancienne chambre d'un défunt banni de la Cour.

Mettant mon dégout de côté, je me dirigeai vers l'armoire blanche au fond de la pièce.

― Faites que tout n'ait pas disparu, murmurai-je.

Les mains légèrement tremblantes, j'ouvris le meuble. Je sentis mon visage se décomposer en voyant que le contenu de ce dernier avait été entièrement vidé, comme le reste de la pièce. Je poussai un grognement de frustration, me sentant totalement ridicule. À quoi donc est-ce que je m'attendais ?

J'aurais dû laisser tomber. Mais à la place, je me mis à inspecter chaque recoin de l'armoire, refusant d'abandonner mon plan. Finalement, je tendis les doigts et effleurai la planche en bois clair au fond du meuble.

— Bingo, chuchotai-je pour moi-même.

Me dressant sur la pointe des pieds, je déployai mes deux bras à l'intérieur de l'armoire. Le souffle court, je réussis à faire bouger la planche en bois, avant de la déplacer sur le côté. Je sentis un énorme sourire se dessiner sur mon visage lorsque je découvris un creux dans le mur, contenant une dizaine de fioles en verre étiquetées. J'aurais dû m'en douter, Fealds n'aurait jamais pris le risque de ranger des substances compromettantes là où n'importe qui aurait pu mettre la main dessus.

Je balayai des yeux les différentes fioles. Finalement, je tendis la main en direction d'un minuscule flacon à l'intérieur duquel flottait un liquide verdâtre. Plissant les yeux, je déchiffrai rapidement les pattes de mouche sur l'étiquette. Extrait de romarin.

Je glissai hâtivement ma trouvaille dans la poche intérieure de ma veste en lin, puis je me dirigeai vers la porte, que j'ouvris fébrilement. Tout ce que je désirais à l'instant était de me retrouver loin de cette terrible pièce.

Néanmoins, je sursautai violemment en me retrouvant face à Élise DeCalonne. Vêtue d'un long manteau en cachemire sur lequel perlaient de minuscules gouttelettes d'eau, la mère de Geneviève haussa un sourcil en me fixant. Décontenancée, je sentis tout mon corps se crisper. Je ne l'avais plus revue depuis l'épisode du bureau de Thobias, et voilà qu'elle me prenait la main dans le sac.

Percevant ma nervosité, Élise esquissa un sourire en replaçant une mèche de cheveux blond-roux.

― Kylie, quelle surprise, lâcha-t-elle en me sondant du regard.

Puis, désignant son manteau, la belle-sœur de Thobias ajouta en riant :

— Il pleut, dehors. Je reviens tout juste du Palais, figure-toi. J'ai décidé de confier temporairement Charles à une Inapte qui y vit et y travaille. Tu sais, Thobias avait fait la même chose avec Kian. C'était la meilleure chose à faire...

Surprise, je haussai les sourcils. Cela faisait des semaines que Geneviève et sa mère se torturaient à propos du sort du très jeune Charles DeCalonne, qui ne montrait aucun signe d'Aptitude. Apparemment, Élise était parvenue à éloigner son fils des rumeurs qui commençaient à circuler à la Cour.

— Geneviève ne l'a pourtant pas évoqué, ne pus-je m'empêcher d'observer. Mais vous avez raison, c'était la meilleure chose à faire...

— Ma Ginny n'est même pas encore au courant, rétorqua mon interlocutrice.

Je me contentai de hocher la tête. À vrai dire, je me sentais extrêmement mal à l'aise.

— Pourquoi n'êtes-vous pas en bas ? demandai-je soudain. Les Nobles y sont pourtant tous rassemblés...

Une lueur indéchiffrable passa dans les yeux d'Élise.

— Je ne vois pas l'intérêt de me réjouir de la mort de quelqu'un, dit-elle simplement. Particulièrement lorsqu'il s'agit d'un parfait inconnu que tout le monde s'applique à diaboliser.

Ma gorge se serra. L'épouse d'Edgar DeCalonne pencha alors la tête sur le côté en continuant de m'observer.

— Si je ne m'abuse, j'ai cru comprendre que Dylan Anderon et toi étiez assez proches. Apprendre sa mort a dû être éprouvant.

Je savais par expérience que mes yeux restaient rougis même des heures après une crise de larmes. Aussi, je n'avais pas à craindre qu'Élise soupçonne une quelconque supercherie.

— En effet, soufflai-je en clignant frénétiquement des yeux pour chasser des larmes imaginaires. Je suis désolée, mais je préfère éviter le sujet.

— Bien sûr, ma chère, répondit mon interlocutrice. Chaque deuil diffère en fonction de la personne qui le porte.

J'esquissai un mince sourire et fis mine de la contourner.

— Néanmoins, reprit Élise en m'attrapant par le bras, je suis curieuse de savoir ce que vous faisiez dans cette pièce.

Je me figeai, les mains soudain moites.

— Eh bien... balbutiai-je.

— Oh, je ne vous demande pas de vous justifier, m'interrompit-elle en enfonçant légèrement ses ongles dans la peau de mon bras. Je vous faisais simplement part de ma curiosité. Après tout, que serait une vie sans secrets inavouables ?

Je pouvais presque sentir son regard perçant me bruler la peau. Le sang battant mes tempes, je me dégageai sans brusquerie avant de tourner les talons.

***

Encore troublée par ma conversation avec Élise, je n'entendis pas tout de suite les violents sanglots qui déchiraient le petit hall dans lequel je venais d'échouer. Fronçant les sourcils, j'aperçus une femme roulée en boule sur un sofa en velours pourpre. Mon cœur se serra lorsque je reconnus sa chevelure blonde striée de fils blancs. Je reculai d'un pas, ignorant comment réagir. Je sentis ma respiration se bloquer en prenant conscience de l'erreur que nous venions de commettre. Faire croire à la mort de Dylan nous permettrait peut-être de réaliser notre plan sans encombre le soir du Bal, mais cette supercherie venait de briser le cœur de Mélanie Anderon. Cette dernière ne cessait de perdre ceux qu'elle aimait. Après le départ de Calvin et la maladie de Daniel, voilà qu'elle croyait son unique neveu disparu à jamais. Dans d'effroyables circonstances, qui plus est...

Je me figeai, tétanisée à l'idée que Mélanie ne se rende compte de ma présence. Mais je compris vite que l'Inapte était bien trop noyée dans son chagrin pour faire attention au monde extérieur. Je restai donc les bras ballants, à quelques mètres de la seule figure maternelle qu'il restait à Kian, Baldwin... ou même moi.

Finalement, je détournai le regard en tournant les talons. Je savais pertinemment que si je passais quelques minutes de plus exposée à la douleur foudroyante de Mélanie, je risquerais de me précipiter dans ses bras pour lui avouer toute la vérité. Or, ce serait une très mauvaise idée. C'était peut-être affreusement stéréotypé, mais garder une personne dans l'ignorance était parfois l'unique moyen de la protéger...

***

Trahissant mon impatience, mes doigts pianotaient nerveusement sur l'accoudoir de mon fauteuil. Cela devait faire une quinzaine de minutes que j'étais installée dans l'ancien salon privé de la reine Isabella, non loin du cabinet de Thobias. Mon corps se crispait à chaque fois que j'entendais des bruits de pas s'approcher de la porte. J'espérais simplement que la femme de chambre de Devonne avait fait passer le message à la princesse...

Cherchant à faire passer le temps, je balayai la chaleureuse pièce du regard, détaillant chaque élément du décor. Du canapé en cuir marron aux rideaux brodés, en passant par les petites tables gigognes. C'est alors que je remarquai un morceau de papier négligemment posé sur un tabouret en bois, dans un coin de la pièce. Intriguée, je me dirigeai vers l'objet en question.

Je compris bien vite qu'il s'agissait d'une photo. Cette dernière était froissée et semblait avoir été ternie par le temps. Pourtant, je distinguai très clairement le couple qui souriait face à l'objectif, radieux.

Je ne pus retenir un sourire face au visage lumineux de la jeune femme, encadré par une cascade de cheveux bruns. Ses yeux étaient d'un vert aveuglant. La ressemblance avec sa fille était si frappante que je la reconnus aussitôt. Il s'agissait de la reine Isabella.

Je reportai ensuite mon attention sur celui que je devinais être Thobias, une trentaine d'années plus tôt. Je haussai les sourcils de surprise en remarquant la lueur d'amour et de bienveillance qui brillait dans son regard, uniquement fixé sur son épouse. Je savais bien que le père de Kian n'avait pas toujours été ce roi froid et distant, mais avoir des preuves tangibles de l'existence d'un Thobias clément n'en restait pas moins déstabilisant.

Je sursautai en entendant la porte du salon s'ouvrir. Comme prise en faute, je m'empressai de remettre la photo à sa place.

Le visage fatigué de Devonne apparut face à moi. L'air sombre, Geneviève fit à son tour son entrée dans le petit salon. Surprise par la présence de cette dernière, je haussai les sourcils. Une désagréable impression m'assaillit lorsque je croisai le regard de la rouquine. Elle m'adressa néanmoins un sourire forcé, et je ne pus m'empêcher de me sentir coupable.

Geneviève DeCalonne avait été la première personne à me soutenir envers et contre tout. Elle m'avait même sauvé la vie. Alors, d'où me venait donc cette subite méfiance à son égard ?

— J'avoue avoir été surprise de recevoir ton message, me dit Devonne en s'installant dans le fauteuil que j'occupais plus tôt. Encore besoin d'une conversation entre filles ?

— Quelles sont les nouvelles ? demandai-je en croisant les bras.

La princesse esquissa un sourire en coin.

— Il y a deux ou trois heures, j'ai été contactée par Baldwin, m'annonça-t-elle. Il est resté très bref, se contentant de me prévenir qu'il avait réussi à mettre la main sur notre homme.

Je hochai la tête, sentant mon rythme cardiaque accélérer. Dylan avait été retrouvé par Baldwin assez rapidement. Cela ne pouvait signifier qu'une chose. Amalia Casey était bel et bien liée à cette mascarade qu'était la rébellion des Inaptes. Quant à savoir si la matriarche de la famille Chasen en était le cerveau, je préférais garder une part de doute. Se pouvait-il réellement que la grand-mère de Baldwin ait ordonné l'incendie du Palais – cette tragédie durant laquelle des innocents avaient perdu la vie – ? Ou encore aidé Corey Branwell à assassiner Victor Némirovsky ? Le père d'Olivia n'avait peut-être pas vécu une vie de saint, mais il n'avait pas mérité une fin aussi atroce. Ces pensées répétitives et obsédantes me tournaient quotidiennement dans l'esprit, ne faisant qu'exprimer la peur que je ressentais envers le funeste sort que risquait Baldwin si les manigances de sa grand-mère étaient exposées au grand jour...

— Kylie ? s'exclama Devonne en claquant des doigts face à mon visage. Je te parle...

Je clignai des yeux, essuyant discrètement mes paumes rendues moites par l'angoisse.

— Est-ce que tout va bien ? s'inquiéta Geneviève en me sondant du regard.

Je m'empressai d'acquiescer.

— Je suis désolée, soufflai-je. Tu disais, Devonne ?

― Avant son départ, Baldwin a visiblement soudoyé une personne du secteur informatique pour modifier les résultats de l'identification du corps qui a été amené à la Résidence. Notre couverture est assurée pour la nuit du Bal. Officiellement, Dylan Anderon n'est plus de ce monde.

— Et ce cirque dans le hall, alors ? lâchai-je avec un mépris évident. Qu'est-ce que c'était ?

Ce fut Geneviève qui me répondit :

— Le roi a décidé de rendre hommage au comte Némirovsky en accrochant un portrait de lui non loin de la Salle du Trône. Pour que l'on continue à sentir sa présence à la Cour maintenant que son odieux meurtrier n'est plus... surtout lorsqu'Olivia sera couronnée.

― Je soupçonne mon père d'avoir fait ça en guise de piqûre de rappel, soupira Devonne en me lançant un regard. D'ailleurs, je trouve étrange le fait qu'il t'ait laissé tranquille ces derniers temps...

Je déglutis face à cette dernière remarque. Je n'avais aucune idée de ce que prévoyait pour moi l'infatigable monarque avide de pouvoir. Thobias DeCalonne était perturbé par sa perte de mémoire, orchestrée par Isabella qui avait ainsi fait en sorte que le roi oublie l'existence de l'Égarement et de la Vision. Cependant, cela ne l'avait pas empêché de vouloir faire de moi son arme personnelle, destinée à mettre fin à l'existence de la Fédération libre. Malgré la spirale dans laquelle je venais d'être entrainée à cause des secrets que je ne cessais de déterrer, je n'oubliais pas la raison première pour laquelle je me trouvais à la Cour. Ma présence était uniquement soumise au bon vouloir de Thobias. Et je savais pertinemment que même si le souverain faisait profil bas pour l'instant, ma vie n'en restait pas moins rien de plus qu'une fragile brindille entre ses doigts d'homme blessé. Ce n'était qu'une question de temps avant que Thobias ne passe de nouveau à l'action, me mettant au pied du mur en menaçant de nouveau une personne que j'aimais. Après le beau temps, la pluie...

— Dis-moi, lançai-je soudain à Geneviève. Comment gères-tu le départ de Charles ?

En entendant ma question, Devonne fronça les sourcils.

— Le départ de Charles ? répéta-t-elle d'un ton interrogateur en se tournant vers sa cousine.

Ginny pâlit considérablement.

― Oh eh bien, balbutia-t-elle. Ma mère a dit qu'il valait mieux que Charles reçoive une éducation loin de la Cour, comme Kian et Baldwin avant lui.

— Elle l'a confié à une Inapte ? interrogea Devonne d'un air sceptique. Étrange... Charles est pourtant un peu âgé pour ce genre de pratique.

De la même manière qu'il est un peu âgé pour ne montrer aucun signe d'Aptitude, ajoutai-je en mon for intérieur.

Se donnant une contenance, Geneviève haussa les épaules et garda le silence. Je surpris pourtant son regard indéchiffrable posé sur moi.

Ainsi, Élise avait menti. Sa fille était bien au courant du plan de secours prévu pour son frère.

— Geneviève, dit soudain Devonne d'une voix tendue. Ne me dis pas que les rumeurs sont vraies. Je ne t'ai jamais questionnée à ce sujet – ni Élise – parce que je trouvais toutes ces spéculations ridicules...

La princesse lâcha un petit rire.

— Je veux dire, poursuivit-elle. Je sais bien qu'Edgar DeCalonne et Élise Casey n'auraient jamais pu donner naissance à un Déclassifié ! C'est ridicule.

Geneviève pinça les lèvres en fermant les paupières. Je ne la quittais pas des yeux, toujours titillée par mon inexplicable pressentiment. En dehors de Ginny et Élise, j'étais la seule personne à être au courant des problèmes du dernier rejeton des DeCalonne. Je n'avais certes pas eu l'intention de trahir qui que ce soit, mais mon instinct me soufflait qu'il y avait quelque chose à découvrir de ce côté-là...

Devonne poussa soudain une exclamation horrifiée avant d'enfouir son visage entre ses mains.

— Oh non ! lança-t-elle d'une voix étouffée. Non, non, non !

La mâchoire serrée, Geneviève posa un regard humide sur sa cousine.

— Je suis désolée de ne t'avoir rien dit, Devie, dit-elle d'un ton suppliant.

La princesse releva brusquement la tête, les joues baignées de larmes.

— Tu es désolée, répéta-t-elle d'une voix plus aiguë. Nous sommes une famille, Ginny, et tu as menti !

La rouquine recula d'un pas, comme si sa cousine venait de lui asséner une gifle cuisante.

― Je ne pouvais pas prendre le risque de t'en parler, souffla Geneviève. C'était bien trop risqué...

Devonne secoua vivement la tête avant de se tourner vers moi :

— Tu étais au courant ? demanda-t-elle.

— Non, mentis-je. Je connaissais seulement les rumeurs...

Mais mon interlocutrice ne sembla pas convaincue, puisqu'elle renifla avec mépris. Devonne se leva en s'essuyant les yeux sur sa manche. Puis, elle se planta face à Geneviève, dont le teint déjà pâle s'appliquait à blêmir :

— Si tu étais venue me trouver, dit froidement Devonne, j'aurais pu te dire que je connais mon père mieux que personne. Une fois tout le monde au courant du départ de Charles, les bruits de couloir ne feront que s'accentuer ! Le fait d'avoir fait fuir ton frère ne rendra la situation que plus suspecte, et c'est là que le roi commencera réellement à s'intéresser à ce qui se dit sur son neveu. Élise aurait dû le savoir ! À quoi est-ce que vous jouez, bon sang ?

Mortifiée, Ginny ouvrit la bouche pour répondre, avant de la refermer sans avoir prononcé un seul mot. Les poings serrés, Devonne plissa les yeux en fixant intensément sa cousine. Cette dernière tressaillit et porta une main à sa tête, grimaçant de douleur.

— Et bien sûr, tu ne veux pas que j'accède à tes pensées, siffla la sœur de Kian avec dédain. J'espère que tu assumeras le fait d'avoir refusé mon aide avant même que j'aie pu te la proposer. Surtout lorsque tu verras Charles trainé dans l'un de ces horribles camps !

Sur ces mots, la jeune fille se détourna avant de se diriger vers la fenêtre, nous tournant résolument le dos.

Pour ma part, je n'osais pas regarder Geneviève dans les yeux. Même si en réalité, savoir que j'étais responsable de la dispute qui venait d'éclater ne me dérangeait pas plus que cela. Je n'étais pas devenue abominable en l'espace d'une poignée de minutes. Simplement, j'étais chiffonnée par les incohérences qui résidaient dans la manière qu'avait eue Élise DeCalonne de gérer le cas de son fils. Le faire fuir de la sorte équivalait à le jeter dans la gueule du loup...

— Tu sembles avoir bien pris tes marques à la Cour, me glissa néanmoins Ginny d'une voix où pointait une sorte de déception.

Je tressaillis au moment où mon amie quittait la pièce, en prenant bien soin de claquer la porte si violemment que je sentis les murs vibrer.

— Est-ce que tu vas bien ? demandai-je d'un ton hésitant en fixant la nuque de Devonne, recouverte par sa longue chevelure châtaine.

C'est sans surprise que je vis la princesse se retourner brusquement vers moi. Elle plongea son regard vert et déterminé dans le mien.

— Et si tu me révélais plutôt la raison de ma présence ? s'exclama-t-elle en haussant ses fins sourcils.

Peinant à retenir mon sourire, j'extirpai de ma veste le petit flacon dérobé dans la chambre de Fealds. Devonne fixa un moment le contenu de la fiole, avant d'écarquiller les yeux :

— Où est-ce que tu as réussi à dénicher du romarin ? demanda-t-elle d'un ton incrédule.

— La question n'est pas de savoir où est-ce que j'ai trouvé ce petit bijou, ripostai-je avec un sourire indéchiffrable. Mais plutôt ce que je compte en faire.

Mon interlocutrice m'intima de développer. J'obtempérai sans me faire prier :

— Cette nuit, Cameron Paul va nous révéler tout ce qu'il sait à propos d'Evan et de ce qu'il prévoit. Quand cette idée a germé dans mon esprit, je me suis dit que j'allais avoir besoin de romarin pour affaiblir ses défenses psychiques et bloquer ses pouvoirs. Et d'un Apte, pour pouvoir le faire plier.

Un sourire de conspiratrice aux lèvres, Devonne lâcha :

— Et je suis ton heureuse élue, c'est cela ?

J'éclatai de rire et haussai les épaules :

— C'est l'idée, dis-je simplement. Mais en réalité, il y a une autre raison pour laquelle je t'ai choisie.

Face au regard interrogateur de mon interlocutrice, je pris une profonde inspiration.

― Je suppose que tu dois bien connaitre la Tour des Gardes, avouai-je d'une voix incertaine.

Devonne pinça les lèvres. Embarrassée, je me tortillai les mains. Cela faisait longtemps que plus personne n'avait fait allusion à Calvin face à la princesse. Et je me maudis intérieurement de forcer cette dernière à revivre ses souvenirs de la sorte.

— En effet, souffla-t-elle finalement, avant d'ajouter : ne t'en fais pas, tout va bien.

La jeune fille poussa un profond soupir avant d'afficher une expression pensive.

— Eh bien, déjà je pense que Cameron a dû récupérer les anciens appartements de Calvin en lui succédant...

— D'accord... et où loge donc le Chef des Gardes ? m'enquis-je.

Avec un sourire amusé, Devonne répondit :

— Au quatorzième étage.

Je déglutis. Les choses risquaient d'être plus compliquées que ce que j'avais imaginé...

— Pour commencer, reprit la princesse. Nous allons devoir emprunter l'un des passages secrets afin de nous glisser hors du Bâtiment Principal. Puis, il va falloir trouver un moyen de pénétrer dans la Tour sans nous faire prendre. Après, je connais un moyen de nous glisser chez Calvi... Cameron, sans être vues.

Le cœur battant à tout rompre, je hochai la tête.

— Enfin... tu ne m'as toujours pas dit comment tu comptes procéder, me fit remarquer Devonne. Ceci risque d'être encore plus risqué que ta visite chez les mercenaires. Nous allons devoir nous montrer extrêmement minutieuses...

— Je sais bien, soupirai-je. C'est pour cette raison que tu dois me promettre de ne rien dire à personne. Surtout pas Kian...

— Ne t'en fais pas pour ça, ricana-t-elle. Mon frère a beau être adorable, il peut se montrer terriblement agaçant avec son obsession pour la prudence.

— Parfait, commentai-je avec un sourire. Alors, nous sommes d'accord...

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