(Gratuit le 3 Janvier) APTITU...

By MagnificientAngel

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Un Prince déchu. Une famille maudite. Une prophétie oubliée. Un Trône mortel. *** Dans un futur post-apocalyp... More

Gratuit le 3 Janvier 2023
Guide de l'univers I : Carte.
Guide de l'univers II : Arbre Généalogique Officiel
Prologue.
CHAPITRE 1 : La Cueillette (Partie I)
La Cueillette (Partie 2)
CHAPITRE 2 : Geneviève (Partie 1)
Geneviève (Partie 2)
CHAPITRE 3 : La Salle Du Trône (Partie 1)
La Salle du Trône (Partie 2)
CHAPITRE 4 : L'Illisible.
CHAPITRE 5: Une Charmante Famille. (Partie 1)
Une Charmante Famille (Partie II)
CHAPITRE 6: L'héritier Du Trône. (Partie I)
L'héritier Du Trône (Partie II)
CHAPITRE 7 : Le Journal.
CHAPITRE 8 : Histoires Secrètes (Partie I)
Histoires Secrètes (Partie II)
CHAPITRE 9 : De Brûlantes Retrouvailles (Partie I)
De Brûlantes Retrouvailles (Partie II)
CHAPITRE 10 : Reconnaître L'Ennemi (Partie I)
Reconnaitre L'Ennemi (Partie II)
CHAPITRE 11 : La Cape Rouge.
CHAPITRE 12 : Les Prétendants À La Couronne (Partie I)
Les Prétendants A La Couronne (Partie II)
CHAPITRE 13 : Le Début D'une Alliance (Partie I)
Le Début D'Une Alliance (Partie II)
CHAPITRE 14 : Messes Basses.
CHAPITRE 15 : La Vision.
CHAPITRE 16 : Garder Un Secret (Partie I)
Garder Un Secret (Partie II)
CHAPITRE 17 : La Colère Du Prince.
La Colère Du Prince ( Partie II)
CHAPITRE 18 : Le Père Du Rebelle (Partie I)
Le Père Du Rebelle (Partie II)
Le Père Du Rebelle (Partie III)
CHAPITRE 19 : Le Cabinet Du Roi ( Partie I )
Le Cabinet Du Roi ( Partie II )
Le Cabinet Du Roi ( Partie III )
CHAPITRE 20 : Même Les Morts Ont Des Secrets ( Partie I )
Même Les Morts Ont Des Secrets ( Partie II )
CHAPITRE 21 : Le Tunnel (Partie I)
Le Tunnel (Partie II)
CHAPITRE 22 : Le Prince De L'Ombre.
CHAPITRE 23 : Le Symbole (Partie I)
Le Symbole (Partie II)
Le Symbole (Partie III)
Oeil Noir (Partie II)
CHAPITRE 25 : Sang Et Peinture. (Partie I)
Sang Et Peinture (Partie II)
CHAPITRE 26 : La Folie Se Terre Aux Cachots.
CHAPITRE 27 : Tromper La Mort.
CHAPITRE 28 : L'Atout Secret Du Prince Déchu. (Partie I)
L'Atout Secret Du Prince Déchu (Partie II)
L'Atout Secret Du Prince Déchu (Partie III)
CHAPITRE 29 : Les Yeux Dans Ceux Du Diable.
Les Yeux Dans Ceux Du Diable (Partie II)
CHAPITRE 30 : Pas De Répit.
CHAPITRE 31 : Les Indiscrétions D'Une Inapte.
CHAPITRE 32 : La Couronne Avant Tout.
CHAPITRE 33 : Dilemme Et Régicide (Partie I)
Dilemme Et Régicide (Partie II)
CHAPITRE 34 : Le Déshonneur Du Visionnaire (Partie I)
Le Déshonneur Du Visionnaire ( Partie II )
CHAPITRE 35 : Qui A Tué Henry DeCalonne ? (Partie I)
Qui A Tué Henry DeCalonne ? (Partie II)
Qui A Tué Henry DeCalonne (Partie III)
CHAPITRE 36 : La Nuit Rouge (Partie I)
La Nuit Rouge (Partie II)
CHAPITRE 37 : Le Poison Ne Ment Jamais (Partie I)
Le Poison Ne Ment Jamais (Partie II)
CHAPITRE 38 : Double Jeu (Partie I)
Double Jeu (Partie II)
Epilogue.
Bonus#1 (Dylan) : La Naissance Du Brasier.
La Naissance Du Brasier (Partie II)
Bonus#2 (Calvin) : La Tour D'Ivoire (Partie I)
La Tour D'Ivoire (Partie II)
Bonus#3 (Devonne) : La Tour De Roses.

CHAPITRE 24 : Oeil Noir (Partie I)

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By MagnificientAngel


Vêtue en noir de la tête aux pieds, je courrais en direction des bois, prenant soin de ne pas laisser entrevoir mon visage. Je baissai les yeux sur ma montre. Une heure du matin.

― Tu es en retard, me chuchota Avril Allen lorsque j'arrivai face à elle.

Je m'appuyai au tronc d'un arbre en m'efforçant de reprendre mon souffle.

― Je suis désolée, soufflai-je. Mais je devais m'assurer de ne pas être suivie.

― Laisse tomber, soupira-t-elle. Contente-toi de me suivre en silence.

Je m'exécutai sans poser de questions. Malgré l'obscurité étouffante, Avril me guida habilement à travers la multitude d'arbres. Tandis que je trébuchais à plusieurs reprises, la jeune fille se mouvait avec une aisance déconcertante.

— Est-ce que tu pourrais éviter de piétiner toutes ces brindilles ? marmonna-t-elle alors que je manquais m'affaler à terre une nouvelle fois. Tu m'agaces...

Je fusillai la nuque d'Avril du regard.

― Excuse-moi, rétorquai-je en serrant les dents. Mais je ne vois même pas où je mets les pieds !

Nous marchâmes encore une dizaine de minutes, nous enfonçant de plus en plus profondément dans la forêt. Un cri d'animal venait de temps à autre briser la quiétude de la nuit.

Finalement, j'aperçus derrière un sapin un véhicule noir identique à ceux utilisés par les Gardes.

— Tu vas pouvoir arrêter de râler intérieurement, ricana Avril au moment où les phares de la voiture s'allumaient.

Je posai une main en visière sur mes yeux, aveuglée par la lumière soudaine. Je m'avançai lentement en direction de la portière côté passager, tandis qu'Avril grimpait à l'arrière.

― Il était temps, nous lança Baldwin avec son éternel sourire en coin.

— Je n'arrive pas à croire que je suis en train de faire ça, soupira la fille du Capitaine Allen.

― Personne ne te force à faire quoi que ce soit, rétorquai-je tandis que Baldwin démarrait la voiture.

― On ne risque pas de se faire prendre, la rassura le jeune homme. Du moins pas tant que vous êtes de retour avant le lever du soleil...

Avril s'enfonça dans son siège, une expression indéchiffrable sur le visage.

― C'est une très mauvaise idée, lâcha-t-elle.

― Peut-être bien, concédai-je. Mais c'est la seule que nous avons.

― Et tu es la seule personne à pouvoir nous aider, ajouta Baldwin.

― J'étais censée ne jamais remettre les pieds dans l'un de ces endroits, rétorqua Avril en se redressant vivement. Ça grouille d'ennemis de mon père, là-bas !

― Personne ne te reconnaîtra, ripostai-je d'un ton calme.

Pour toute réponse, mon interlocutrice poussa un soupir de frustration avant de se renfoncer dans son siège. Un court silence s'installa dans l'habitacle, que Baldwin rompit :

— Tu semblais moins réticente lorsqu'il s'agissait de rendre service à Hugo, lâcha-t-il d'un ton sec sans quitter la route.

Je vis Avril pâlir considérablement.

― Combien de fois va-t-il falloir que je m'excuse pour que tu me pardonnes enfin ? murmura-t-elle.

Un rictus amer déforma les lèvres de Baldwin.

― Ne t'en fais pas chérie, rétorqua-t-il froidement. Ton père a fait en sorte d'expier les conneries de Hugo.

Sur la banquette arrière, la jeune fille tressaillit comme si Baldwin l'avait giflée.

Bien que ma curiosité ne demandait qu'à être apaisée, j'avais appris qu'il y avait des situations où il valait mieux garder sa langue. Quoi qu'il ait fait, le mystérieux Hugo Grant semblait avoir gagné la rancœur de Baldwin et le dégout des autres.

Sensible à la tension palpable qui régnait désormais en maître, j'abaissai ma vitre. Un air frais vint vite caresser mon visage, et je ne pus m'empêcher de savourer l'odeur de terre humide et d'aiguilles de pin qui s'insinuait dans mes narines.

Prenant une profonde inspiration, je décidai que le moment était venu de briser la glace.

― Bon, dis-je après m'être raclé la gorge. Alors, répétons un peu ce plan...

Les mains fermement serrées autour du volant, Baldwin me lança un regard en coin.

— Nous quitterons la Forêt Interminable dans environ quarante-cinq minutes, annonça-t-il d'une voix toujours tendue. Ensuite, nous aurons besoin d'une demi-heure pour rejoindre le port. C'est là que nous trouverons Œil Noir...

Mon interlocuteur s'interrompit. Je me risquai alors à demander :

― Et ensuite ?

― Ensuite, nous compterons sur mon charme naturel, ironisa Baldwin avant d'ajouter d'un ton plus brusque que nécessaire : à ton avis, Kylie ? Les mercenaires sont imprédictibles. Il faut savoir improviser avec ce genre de pourriture.

Je haussai les sourcils face à l'attitude de mon ami. Je choisis pourtant de ne pas m'en formaliser. En effet, la veine saillante sur sa tempe trahissait sa nervosité face à la mission que Devonne avait choisi de nous confier.

Deux jours étaient passés depuis que la princesse avait mis au point son plan concernant Evan et Olivia. Durant lesquels j'avais fait profil bas à la Cour tandis que Baldwin se remettait lentement de sa blessure, et que Thobias reprenait le dessus après son moment de faiblesse. En effet, l'étrange scène à laquelle Kian et moi avions assisté dans le cabinet du souverain semblait n'avoir jamais existé. La froideur légendaire du roi Thobias DeCalonne était de retour. Pourtant, depuis les révélations d'Edgar, une partie de moi ressentait une troublante empathie envers le père d'Evan. À tel point qu'une question commençait à me tarauder. Existait-il réellement des personnes foncièrement mauvaises dans le monde ? Ou n'étaient-elles en réalité que des victimes forcées de survivre aux épreuves de cet ennemi qu'était la vie ?

Le temps écoulé depuis le procès de Daniel m'avait aussi permis de noter de troublants détails concernant les Inaptes de l'Ouest.

Premièrement, la diminution des Cueillettes. Thobias avait beau en ordonner l'organisation, les Nobles semblaient s'y opposer fermement, prétextant la peur de voir l'épisode de l'incendie au Palais se répéter. Pourtant, c'étaient ces derniers qui autrefois insistaient sur le fait de combattre la violence par la terreur. De ne pas céder. De toute évidence, quelque chose venait de changer. Mais quoi ?

J'avais aussi tenu la promesse faite à Baldwin de ne pas révéler le possible rôle d'Amalia Casey dans cette histoire. Se pouvait-il réellement que la matriarche exilée depuis trois décennies soit le cerveau de la prétendue rébellion des Inaptes ? Et si cette théorie s'avérait juste, quel était le but d'une telle mascarade ?

Ensuite, j'avais pu vérifier l'étrange phénomène évoqué par la commère attitrée de la Cour. L'afflux d'Inaptes vers le côté Est de la nation. En une centaine d'années, rares étaient les Inaptes de l'Ouest ayant réussi à traverser le fleuve Jade en direction de l'utopique ville de Millestburgh, faute d'argent. Et voilà que cela devenait aujourd'hui monnaie courante. Ce qui confirmait la thèse selon laquelle notre insaisissable cerveau tirait les ficelles depuis l'autre rive.

Je fus extirpée de mes pensées par Avril, qui se pencha en avant de façon à se retrouver assise entre Baldwin et moi. Un sourire indéchiffrable aux lèvres, la jeune fille se tourna vers le conducteur :

— Alors, comme ça tu as peut-être une piste concernant la cachette de Dylan Anderon ? lâcha-t-elle.

— Oui, répondit simplement Baldwin, le corps crispé.

— Et c'est tout ? insista Avril en plissant le front. Pas d'explications ?

― Je ne vois pas pourquoi je devrais t'en livrer, rétorqua-t-il. Je serai de retour à temps pour le Bal des Réjouissances, et Dylan sera à mes côtés. Fin de l'histoire.

— Tu sembles si sûr de toi, commenta son interlocutrice d'un ton rusé.

Je décidai d'intervenir :

― Il y a tellement d'Inaptes de l'Ouest qui emménagent à Millestburgh ces derniers temps, dis-je calmement. Dylan ne peut que se dissimuler parmi eux.

― Mais bien sûr, ricana l'amie de Devonne. Je suis justement intriguée par ce fait que tout le monde semble passer outre. Je me demande bien qui finance tous ces déplacements...

— Peut-être Olivia, marmonnai-je en haussant les épaules.

Baldwin pinça les lèvres et me lança un regard rapide. Une fois la mission Œil Noir accomplie, le meilleur ami de Kian embarquerait sur un navire en direction de Millestburgh, afin de regagner le Manoir Chasen et de confronter Amalia concernant ce que lui et moi avions découvert. Mais j'étais la seule au courant de ce détail.

En effet, une autre version avait été servie à Kian et Devonne. Selon laquelle Baldwin ferait jouer ses relations du côté Est afin de mettre la main sur Dylan avant les Gardes envoyés à ses trousses. Le jeune homme avait prétendu vouloir quitter la Cour afin de prendre de l'avance sur les Nobles. J'avais senti que les enfants de Thobias ne croyaient pas totalement à cette histoire. Mais là où le prince semblait déterminé à faire confiance à celui qu'il considérait comme un frère, Devonne se montrait bien plus méfiante. Et à l'évidence, elle n'était pas la seule...

― Moi, je pense que tout ceci n'est qu'une illusion, poursuivit Avril.

Déconcertée, je me tournai vers elle.

— Qu'est-ce que ça signifie ? demandai-je en haussant les sourcils.

— Que ton ami est très bien protégé, répondit-elle avec un regard appuyé.

― Tu crois que le Cerveau qui se cache derrière la rébellion ne laissera jamais quiconque toucher à un cheveu de Dylan, devinai-je.

― Et qu'il s'agit d'un Noble de la Cour, lança Baldwin en desserrant légèrement son emprise sur le volant.

― Pas forcément de la Cour, minauda Avril.

Je poussai un hoquet de surprise lorsque Baldwin freina sec. Je me cramponnai fermement à ma ceinture de sécurité, les yeux écarquillés. Les yeux lançant des éclairs, le conducteur tourna la tête vers Avril, de nouveau plaquée contre le dossier de son siège à l'arrière.

— À quoi est-ce que tu joues ? grinça-t-il.

― Je suis au courant, imbécile ! rétorqua la jeune fille d'une voix agacée. J'ai surpris la conversation que tu as eue avec Kylie !

Baldwin et moi échangeâmes un regard anxieux.

— Ne t'en fais pas, s'empressa d'ajouter Avril en roulant des yeux. Je sais garder un secret.

— Ne tirons pas de conclusion hâtive, répliquai-je en vrillant mon regard sur le visage soucieux de mon ami. Amalia Casey n'a peut-être rien à voir avec ça.

Le jeune homme près de moi lâcha un rire.

― Je t'en prie, riposta-t-il. C'est quoi la suite ? Tu vas essayer de me convaincre que Thobias m'aime comme un fils ?

Je poussai un profond soupir.

― Je ne porte aucun jugement, déclara Avril en pressant l'épaule de Baldwin. Je tiens simplement à t'avertir. Si c'est réellement ta grand-mère qui cherche à déstabiliser le système, et que la vérité éclate au grand jour...

― Il n'y aura pas de retour en arrière possible, soufflai-je.

— Amalia n'échappera pas à l'exécution, murmura Baldwin en fermant les paupières. Ses Inaptes s'en sortiront peut-être, mais pas elle.

Du coin de l'œil, je vis Avril hésiter à ajouter quelque chose. Mais le conducteur la devança, puisqu'il rouvrit les yeux avant de lâcher :

— Et moi non plus. Thobias exigera ma tête pour s'assurer que mon existence ne menace pas le règne de Kian. Que la lignée de Jessica DeCalonne s'éteigne à jamais...

***

Une heure plus tard, nous avions quitté la Forêt Interminable. Après avoir dépassé la bourgade qu'était Ambre, le véhicule était désormais engagé sur une route sinueuse uniquement éclairée par des réverbères manquant de s'éteindre.

A l'arrière, Avril s'était assoupie, étendue de tout son long sur la banquette en cuir.

— Arrête de t'inquiéter pour moi, lâcha soudain Baldwin en sentant mon regard se poser sur lui pour la énième fois.

— Je ne m'inquiète pas, mentis-je.

Le conducteur esquissa un sourire taquin et rétorqua :

— Mais bien sûr, tu admires plutôt ma transcendante beauté.

Je ne pus retenir un éclat de rire, et la tension accumulée dans l'habitacle retomba d'un cran.

― Je suis désolé pour mon comportement, soupira soudain Baldwin. C'est juste...

— Je sais, le rassurai-je doucement. Je n'ose même pas imaginer ce que tu dois ressentir.

Mon interlocuteur garda le silence un moment, avant de lâcher brusquement :

— J'ai peur.

Je m'humectai les lèvres et répondis à voix basse :

— Je sais, tu ne peux pas être humain si tu n'as pas peur.

― C'est ma seule famille, Kylie, souffla-t-il en détournant légèrement la tête et en clignant frénétiquement des yeux. Qu'arrivera-t-il si je découvre que ma grand-mère n'est en réalité qu'une inconnue ?

― On y réfléchira plus tard, rétorquai-je en posant ma main froide sur son bras. Te torturer avec ce genre d'idées entêtantes ne servira qu'à te rendre malade...

À ma grande surprise, Baldwin s'esclaffa :

― Malade ? répéta-t-il. Je vais te dire ce qui est malade. C'est mon arbre généalogique, et tous les fruits qui en tombent.

— Mais pas toi, insistai-je. Pas Kian, pas Devonne...

Le conducteur reporta son attention sur la route, lèvres pincées.

― Nous arriverons bientôt, m'annonça-t-il d'une voix égale.

J'aperçus au loin un imposant portail peint en blanc et rouillé par endroits. Je me retournai alors et tendis la main en direction d'Avril.

― Réveille-toi, lançai-je en la secouant légèrement.

La jeune fille poussa un grognement de protestation.

― Sérieusement ? soupirai-je en répétant mon geste.

Comme Avril semblait déterminée à poursuivre son séjour dans le royaume de Morphée, je lançai un regard agacé à Baldwin, qui leva les deux mains en l'air.

― Elle peut se montrer très désagréable, commenta-t-il simplement.

Je fronçai alors les sourcils et me concentrai sur l'angoisse que je ressentais à l'idée qu'il puisse arriver quelque chose à Dylan ou Baldwin. Ce fut suffisant pour qu'une flamme vacillante apparaisse au bout de mon index. J'approchai alors mon doigt de la main d'Avril, qui sursauta violemment.

― Tu m'as fait une peur bleue ! s'écria-t-elle en écarquillant les yeux.

― Et je suis sûre qu'elle n'est même pas désolée, ricana Baldwin en me lançant un regard espiègle. C'est affligeant...

— Oh non, souffla Avril en se redressant, complètement réveillée. Ne me dites pas qu'on est déjà arrivés.

― Rassure-toi, rétorqua Baldwin. Kylie et moi irons seuls dans la fosse aux lions...

Du coin de l'œil, je vis la jeune fille pousser un profond soupir. Je haussai les sourcils, perdue. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde semblait si inquiet concernant notre expédition. Après tout, ce n'était qu'un port. Où étaient-ce les mercenaires qui étaient si menaçants ?

― Tu resteras dans la voiture, poursuivit le conducteur. Cache-toi dans le coffre, et si jamais nous ne sommes pas de retour d'ici deux heures...

― J'enverrai ma peur se faire voir, acheva Avril en écartant les pans de sa veste en cuir.

J'ouvris une paire d'yeux ronds en voyant deux armes rangées dans les poches intérieures du vêtement.

— Parfaitement, approuva Baldwin en hochant la tête. Evite simplement de me trahir... encore.

Sur ces mots, le jeune homme reporta tranquillement son attention sur la route.

Quelques instants plus tard, je sentis la voiture s'immobiliser une fois face à l'entrée du port.

— Remets ta capuche, me glissa Baldwin. Et baisse la tête.

Quoiqu'intriguée, je m'exécutai sans poser de question. J'entendis des pas crisser sur le gravier, puis je sentis un air frisquet s'insinuer autour de nous au moment où le conducteur baissait sa vitre.

— C'est pour quoi ? grogna une voix masculine à l'extérieur. Le prochain départ est prévu dans trois heures. On est fermés pour l'instant, mon gars !

― Je ne suis pas ici pour traverser, rétorqua Baldwin d'un ton menaçant qui me fit frissonner.

― Voyez-vous cela, s'esclaffa le gardien. Mais oui bien sûr. Laisse tomber gamin, t'es trop jeune pour ça.

Je fronçai les sourcils, intriguée. Je ne pus m'empêcher de jeter un œil à la scène qui se déroulait près de moi. Je vis alors Baldwin retrousser légèrement la manche de sa chemise noire, avant de tendre le poignet en direction de l'inconnu. Ce dernier pâlit considérablement, et son sourire condescendant fondit comme neige au soleil, laissant place à une expression apeurée.

— Autre chose à dire ? lâcha le conducteur d'un ton froid. Ou bien va-t-il falloir que je t'assomme pour que tu me laisses entrer ?

― Non, je... toutes mes excuses, monsieur, balbutia l'autre en reculant précipitamment.

Puis, le gardien s'empressa de déverrouiller le portail blanc, avant de s'effacer pour laisser passer le véhicule sombre.

― Qu'est-ce que c'était que cette scène ? m'exclamai-je, choquée.

― Une partie de ma vie que j'aurais préféré ne jamais retirer du placard des regrets, soupira Baldwin.

J'échangeai un discret regard avec Avril, qui semblait de plus en plus nerveuse à mesure que nous entrions dans le port.

― Tout ira bien, murmura le conducteur, comme pour se rassurer lui-même.

Je ne relevai pas, le cœur battant la chamade. À travers le pare-brise, j'aperçus au loin plusieurs embarcations de différentes tailles amarrées à des quais. Me parvint aux oreilles le doux clapotement de l'eau. À quelques mètres de nous, le fleuve Jade évoquait un miroir surdimensionné.

― Est-ce que tu vois les navires verts, là-bas ? me demanda Baldwin.

En plissant les yeux, je discernai vaguement les bateaux en question.

― Ils appartiennent à l'armée de mon père, m'informa Avril. Ce sont les seuls autorisés à traverser l'Océan, pour se rendre en Europe. Les autres embarcations ont toutes Millestburgh pour destination.

Je hochai la tête en silence, toute mon attention désormais focalisée sur un hangar à ma droite. Je sentis bien vite la voiture s'immobiliser. L'air sombre, Baldwin coupa le contact avant d'ouvrir sa portière.

Je m'apprêtais à faire de même, mais Avril me retint par le bras.

― Sois prudente, chuchota-t-elle, les yeux écarquillés.

― Ne t'en fais pas, répondis-je en m'efforçant de garder un ton calme.

Mais la jeune fille me tendit un poignard au manche doré, le regard insistant.

― Ne l'utilise qu'en cas de besoin, murmura-t-elle. Et quoiqu'il arrive, ne les laisse pas découvrir tes pouvoirs.

Je déglutis en glissant l'arme dans ma poche, me sentant désagréablement transportée dans mon rêve de la nuit dernière. Vermeille sera ta perte, Kylie Taylor.

― Bonne chance, lâcha Avril.

Je la remerciai d'un signe de tête avant de quitter la voiture, la respiration saccadée. Je m'empressai de rejoindre Baldwin, qui se tenait désormais face à l'entrée du hangar, le visage fermé.

― Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ? demandai-je d'une voix hésitante.

― La question n'est pas de savoir ce qu'il y a à l'intérieur, riposta-t-il. Mais en dessous...

Sur ces paroles énigmatiques, le jeune homme pénétra dans l'entrepôt. Fronçant le nez à cause de l'odeur nauséabonde qui saturait l'atmosphère, je lui emboitai le pas, tâtonnant dans le noir.

La démarche assurée, comme s'il avait déjà fait ça des centaines de fois auparavant, Baldwin se dirigea au centre de la pièce. Après avoir jeté un rapide coup d'œil aux caisses en bois qui m'entouraient de toutes parts, je le rejoignis.

L'ami de Kian s'accroupit alors, et je discernai une trappe rouillée au sol.

— Baldwin, chuchotai-je. Où est-ce que tu nous emmènes ?

― Je t'expliquerai tout, répondit-il sur le même ton. Mais pas maintenant...

Avec un grognement, Baldwin souleva la trappe, révélant un escalier en briques éclairé par de minuscules ampoules grésillantes.

― Les dames d'abord, chuchota-t-il avec un sourire narquois.

Les mains moites, je posai un pied prudent sur la première marche, avant de commencer à descendre l'escalier. Je me sentis légèrement rassurée en percevant bientôt la présence de Baldwin dans mon dos.

― N'oublie pas ce que je t'ai dit, chuchota mon ami à mesure que nous nous enfoncions sous l'entrepôt. Essaie de ne pas attirer l'attention, et ne parle à personne.

― Tu me rassures tellement, ironisai-je.

― Tout le plaisir est pour moi.

Bientôt, me parvint aux oreilles le son étouffé de conversations bruyantes et de rires tonitruants. Je sentis la main de Baldwin baisser ma capuche noire sur mon visage.

― Prête ? me glissa-t-il à voix basse.

― Prête, répondis-je sur le même ton.





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