Londres
Janet fit un bond de presque trois mètres en arrière. Une jolie performance pour une si petite personne. La peur était un stimulant puissant et se retrouver nez à nez avec Lord Blake aurait terrifié plus d'une femme de chambre. En général, elle arrivait à ne pas totalement perdre contenance en sa présence, mais que faisait-il plier en deux devant la porte ? Le corps parfaitement immobile, ses curieux iris jaunes décrivirent un arc de cercle entre elle et la poignée de cuivre lustrée. Ses mains immenses, toujours au-dessus de sa tête retombèrent lentement le long de ses flancs.
Il se recoiffait avant de rendre visite à la baronne, comprit-elle enfin. Comme si passer les doigts dans cette jungle pourrait changer quoi que ce soit à sa déplorable apparence. Si le destin avait été clément, il aurait fait naître cette énergumène un siècle plutôt, il se serait rasé le crâne et aurait porté une perruque poudrée. Puis Janet eut un petit reniflement désapprobateur en imaginant ses cuisses larges comme des poutres moulées dans des culottes de soies pastel. Ridicule.
La destinée avait complètement raté son coup pensa alors la servante. Ce n'était pas d'un siècle mais d'un millénaire ou deux qu'elle s'était trompée. Cet homme avait tout d'un barbare découpant à la hache de pauvres chrétiens. Ou alors, il y avait eu un échange de bébés et tout s'expliquait. Lord Blake devait être le fils d'un docker. À l'heure actuelle un jeune homme aux mollets fin, joliment galbé et développant une taille convenable, essayait de vivre dans les bas-fonds. Un jeune homme coiffé de cheveux ayant la bonne grâce de tomber vers les épaules et non de se dresser aux quatre vents. Un garçon qui n'arborait pas à vingt-cinq ans des favoris de vieux patriciens et qui ne donnait pas l'impression qu'il allait faire exploser les coutures de ses manches à chacun de ses mouvements. Comment sa maîtresse pouvait supporter la présence de cet animal sauvage, cela dépassait l'entendement. Bien sûr il était riche, mais il n'était pas le seul. Il lui faisait complètement perdre la tête, elle ne voyait que cela. Une véritable lady n'aurait jamais accepté de s'acoquiner avec ce sinistre individu.
Il jeta son haut de forme et ses gants sur une desserte, et détailla la camériste comme seul un homme issu de mille ans d'aristocratie anglaise le pouvait. Sous ses épais sourcils noirs, ses yeux jaunes la foudroyèrent et elle se ratatina sur elle-même, se souvenant enfin de qui elle avait en face d'elle, et de l'attitude qu'il convenait d'adopter devant un pair du royaume.
***
Il avait prévenue de sa visite bien plus tôt dans la journée. Et il était très en retard, mais il avait voulu parler à son meilleur ami de la situation dans laquelle l'avait cloué son père.
***
Une heure plus tôt
Confortablement installé dans un fauteuil du White's, un verre de whisky à la main, Aidan Brogan semblait d'une humeur massacrante ce qui était suffisamment rare pour être remarqué.
– Donner de l'argent à cette pourriture de Crawley, ne ferait plaisir à personne, s'expliqua-t-il à son ami.
– Je croyais que tu ne voulais plus avoir à faire à lui ?
– Effectivement, mais mon frère a perdu près de mille livre la semaine dernière dans une de ses fameuses soirées. Il s'est embarqué ce matin pour la Crimée et charge à son cadet imbécile et complaisant de rembourser ce qu'il doit.
– Je ne vois toujours pas pourquoi tu prends cette peine, déclara Joshua.
– Parce qu'il est hors de question que cette ordure demande à mon père de rembourser les dettes de son fils. De toutes les manières, il n'en aurait pas les moyens. N'en parlons plus. À son retour je m'arrangerais pour lui donner une raclée.
– Toi ? Ne me fais pas rire, il fait vingt livres de plus que toi.
– C'est une réflexion vexante Blake. Alors tu lui en mettras une pour moi. Tu me rendras bien ce service ? À quoi servent les amis sinon à régler les problèmes de famille.
Joshua fit craquer ses phalanges.
– Ça peut s'arranger, tu sais que je n'ai jamais pu l'encadrer. Mais j'ai mes propres soucis.
Le géant lui fit un compte rendu de la lettre qu'il venait de recevoir.
– Ta jeune fiancée française se rappelle à ton bon souvenir. Après dix ans, il serait temps.
Aidan, toujours pragmatique, conseilla de rencontrer avant toute chose cette Harispe d'Arlon que lui proposait d'épouser son père afin de la jugée sur pied. Joshua n'aurait qu'à choisir ensuite en toute connaissance de cause qui d'elle ou de Margaret ferait la meilleure épouse. Et si toutes les deux lui convenaient, en épouser une et garder l'autre comme maîtresse.
Le jeune noble n'avait pas envie d'entendre cela. Il lança à son ami un regard furieux qui aurait cloué sur place la plupart des gens.
– C'est que je ferais à ta place Blake. Tu m'as demandé mon avis. Il paraissait extrêmement fier de son idée. Réfléchis avant de commettre une imprudence sur un coup de sang. Pense à ce que tu aurais à perdre en mécontentant ton père. Ta petite romance fait déjà jaser, si la baronne est encore reçue dans le monde c'est seulement parce que la bonne société a le goût du voyeurisme, mais petit à petit les gens respectables lui ferment leurs portes, elle est scandaleuse, c'est ainsi, c'est ce qui fait son charme, mais hélas cela va retomber sur ton nom. Tu t'en rends compte ?
– Mon père te paye-il pour que tu me recraches son discours ? Venant de toi...
– Je ne suis pas issu d'une famille qui remonte aux croisades. Je n'ai aucun titre à transmettre à mes enfants, ni de secrets à garder. Pas de "Sir" à poser à coté de mon nom. Je suis un parvenu d'irlandais, je pourrais mener la vie d'un saint que cela ne changerait rien, car on ne s'attend à rien venant de moi.
S'il ne pouvait pas compter sur son camarade de collège de notoriété publique moralement flexible pour le soutenir aveuglément où allait le monde ? Joshua se mit à lisser ses impressionnants favoris.
– Crois-tu que cette d'Arlon vaille davantage que Margaret. Il y a cent ans sa famille vivait dans les bois comme des loqueteux et ils sont tous plus infâmes les uns que les autres.
– Au moins ont-ils gagné leur titre sur un champ de bataille, pas en écartant les jambes.
Joshua bondit de son siège renversant son verre. Ses yeux jaunes flamboyaient d'une rage mal contenue. Les autres membres du club qui se trouvaient dans la pièce se tournèrent vers eux, curieux de voir ce qui avait pu provoquer cette réaction chez lord Blake.
– Tu as de la chance que je ne souhaite pas me donner en spectacle, sinon je t'aurais collé mon poing dans la figure Aidan.
– Je te dis toujours la vérité. Même si tu ne veux pas l'entendre, les amis sont faits pour cela aussi.
Joshua le quitta en colère en lui jurant de ne plus jamais le revoir.
Il était coutumier de ce genre de réaction mélodramatique. Si Aidan n'allait pas dans son sens, il lui arrivait de ne pas lui adresser la parole durant un bon mois, mais guère plus. Qui d'autre aurait supporté ses sautes d'humeur ?
***
Blake monta d'un pas presque sûr les escaliers de l'élégante maison qui menaient au boudoir de Madame.
– Vous m'avez fait attendre. Elle était mécontente mais la voix de Margaret était douce et sensuelle à ses oreilles. Je voulais me rendre à un souper chez les Hopkins. Vous êtes impardonnable !
Il dénoua sa cravate de soie noire brodée d'argent.
Le voyant faire la baronne se fâcha.
– Ah non ! Il est hors de question que vous restiez. Je vous boude. N'avez-vous donc aucune considération pour moi ? C'est décidé, je vous déteste.
Vif comme un serpent, il lui saisit les poignets et la plaqua contre son corps. Les joues de la jeune femme rosirent de plaisir.
– Je suis sérieuse vous savez. Je ne peux me laisser traiter de la sorte...
Il la fit taire d'un baiser qui l'enflamma toute entière. Il avait un goût de whisky. Donc il avait passé sa soirée avec cette canaille de Brogan. Il était impossible à toujours lui préférer ses amis, à perdre son temps dans un club enfumé, à parler politique et argent au lieu de jouir de la vie en sa compagnie. Elle aurait dû le punir, mais sa bouche était si chaude et autoritaire. Elle sentait ses muscles trembler sous son veston et ses mains aventureuses déjà cherchaient les boutons de sa robe.
Heureusement pour elle et ses plans, elle n'était plus une perdrix de l'année qui pouvait se laisser entraîner là où elle ne le voulait pas par un baiser, fut-il absolument divin. Elle s'écarta et lui donna une tape sur la main.
– Monsieur, surveillez vos manières !
Coquetteries hypocrites.
Elle lui offrit un sourire, suivie d'une moue étudiée qui attendrirait n'importe quel gentleman.
Joshua lui lança un regard torve, il connaissait ce tour et il était déjà trop saoul pour être atteint.
– Vous êtes sans pitié milady. Moi qui aie si mal au crâne.
– Pauvre chéri, je m'occuperais de vous dès que j'aurai fini de remettre de l'ordre dans ma coiffure. Regardez ce que vous avez fait. Que dirons les Hopkins ?
– Rien. Nous n'irons pas. Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à aller voir ce genre de personnes. Elles ne prennent pas même la peine de cacher qu'elles vous méprisent. Aimez-vous à ce point souffrir ?
– Non, je n'aime pas ça. Mais je ne baisserais pas la tête, je ne leur ferais pas le plaisir de les laisser voir que leurs mesquineries m'atteignent. Nous n'avons aucune raison d'avoir honte. J'ai un titre, vous êtes lord, un jour vous serez comte, et vous serez suffisamment riche pour faire taire les médisances.
– Bientôt vous changerez de discours.
– Et pourquoi donc ?
– Je serais plus pauvre que Job.
– C'est ridicule. De quoi parlez-vous encore ?
– Mon père me déshérite !
Elle se figea.
Il lui expliqua l'ultimatum que lui avait posé le comte. S'il n'épousait pas sa fiancée de longue date, Cassandre Harispe d'Arlon, la fille de son plus cher ami, Bronson le déshéritait.
Toujours assise devant le miroir de sa coiffeuse, Margaret Manning observait son reflet qui lui révélait son regard déterminé et lucide et ce malgré sa colère. Jamais elle n'aurait imaginé que le comte aurait pu vouloir priver de sa fortune son fils unique à qui il vouait une affection notoire. Pourquoi ce Jordan ne l'aimait-il pas ? Elle avait toujours su rendre tous les hommes fous d'elle. Pourquoi aucune de ses tentatives ne semblait marcher sur le comte ? Devait-on y voir une marque de sénilité ? Son cerveau était-il complètement ramolli ? Elle décida d'interroger son amant à ce sujet ?
– Votre père est un original. A-t-il toute sa raison ? Tous ces voyages en Méditerranée ont peut-être altéré ses facultés mentales. Ces chaleurs peuvent-elles réellement être supportables pour un véritable gentleman ? Sans doute pourriez-vous le faire juger inapte à s'occuper de lui-même et de votre patrimoine ? Tout le monde sait que depuis la mort de votre mère, il a quelque peu perdu pied. Depuis quand n'est-il pas venu à Londres siéger à la Chambre des lords ? Et c'est vous qui vous consacrez aux tâches ingrates. Combien de temps pouvez-vous perdre à gérer toutes ces tracasseries administratives ? Ces fermes ? Ces champs ? Cela doit être si ennuyeux !
Comme il restait silencieux, elle cessa d'arranger sa coiffure et se tourna vers lui, et elle sut qu'elle venait de faire une erreur tactique. Malgré le fait qu'il se soit conduit avec une insouciance coupable durant l'enfance de son fils ; qu'il ne se soit pas suffisamment occupé de sa pauvre mère et de sa fille lorsqu'elles étaient encore en vie ; qu'il ait fui sa famille, dès que l'occasion se présentait ; Joshua ne permettait pas qu'on manque de respect à son père en sa présence. Elle avait déjà remarqué, que s'en prendre à Jordan était pour elle la limite à ne pas franchir.
Sans attendre elle s'exclama :
– Pardonnez-moi ! Les larmes baignaient ses yeux. Mais quelle frustration ! J'aimerais tant obtenir sa bénédiction. Évidemment que votre père est sain d'esprit. Cela rend d'autant plus triste le fait qu'il ne puisse pas m'apprécier. Pourquoi me juge-t-il si indigne de vous ? Demanda-t-elle des sanglots dans la voix.
Sa tirade apaisa la colère du jeune homme.
Elle laissa échapper un petit soupir de soulagement, elle avait réussi à l'attendrir. Qu'elle était idiote ! Elle était sur le point de tout perdre, des années d'investissements, d'efforts, de souffrances et elle prenait le risque de déplaire à Joshua qui ne supportait pas qu'on le contredise ! Ce n'était pas le moment de paniquer. Il fallait qu'elle garde les idées claires. Ainsi Cassandre Harispe d'Arlon allait venir en Angleterre. Ce serait peut-être une bonne chose après tout.
Joshua s'exclama alors :
– Quelle importance ! Je peux très bien trouver un travail dans le commerce, faire du droit ou bien m'engager dans l'armée s'il le faut. Ce serait bien un monde si toutes ses années d'études hors de prix ne me permettaient pas d'obtenir un travail honnête. Nous serions libres de nous aimer sans se soucier du qu'en-dira-t-on et nous ne devrions rien à personne. Il prit quelques secondes de réflexions supplémentaires. Et si nous quittions le pays. Son imagination s'emballa. Nous pourrions aller vivre en Inde, en Amérique pourquoi pas. Allons vers l'Ouest, nous verrons des ours, des bisons, des loups et même des Indiens, ce sera merveilleux, ces contrées inconnues nous ouvrent leurs bras pour que nous puissions construire une nouvelle vie. Elle ne sera ni étriquée, ni conformiste, nous n'aurions de compte à rendre à personne. Faisons cela ! À partir de maintenant, je cesse d'être raisonnable, j'en ai tellement assez de faire toujours ce que je dois, jamais ce que je veux. Je vais rendre la monnaie de sa pièce à mon père. Moi aussi je peux ne pas me soucier des convenances, prendre des risques inconsidérés, me montrer intrépide et me soucier comme d'une guigne de mes responsabilités. Combattre des bandits, dormir à la belle étoile, chasser des bêtes sauvages et jamais plus je ne me soucierais de ma famille et de Churbedley.
Elle conçut une façon de le ramener à la raison en une fraction de seconde, car elle était loin de partager son exaltation envers les terres inexplorées et l'aventure. Elle avait travaillé trop dur et durant trop longtemps afin de s'extraire d'une vie de misère pour avoir envie de tout recommencer depuis le début. Elle aimait son confort, la société, le luxe, les relations si amusantes que l'on fréquentait dans les salons. Et elle émettait de sérieuses réserves sur le fait qu'un ours américain, un colon ou un sauvage peinturluré, puisse avoir une conversation sur un quelconque sujet qui puisse l'intéresser.
Il fallait qu'elle stoppe immédiatement ses plans sur la comète ou il serait capable de partir sur l'heure, les mains dans les poches et en sifflotant de surcroît sans savoir vers quoi il s'embarquait. Elle se leva, se dirigea vers la cave à liqueur et lui servi un verre de ce porto qu'elle choisissait toujours spécialement pour lui.
– Oh mon chéri ! Comme ce serait merveilleux ! Elle lui tendit le ballon rempli du liquide sombre et ambré. Cette vie sauvage me tente, surtout qu'à vos côtés, je pourrais bien vivre dans un trou putride et je trouverais encore que j'ai plus de bonheur que ne peut en rêver une pauvre femme telle que moi. Avec vous près de moi, j'arriverais à tout affronter. Buvez ! Il est excellent, cela va vous détendre. Mais votre père est vieux et malade, et être mis au courant de votre décision pourrait l'achever, vous ne croyez pas ? Si cela arrivait, je sais très bien que vous finiriez par vous en vouloir, vous êtes un homme d'honneur, ce sentiment de culpabilité s'insinuerait entre nous et détruirait petit à petit notre amour si grand soit-il. Ne croyez-vous pas que j'ai raison ? Demanda-t-elle en se jetant à ses genoux.
– Évidemment ! Même en le voulant, je ne serais jamais ce genre d'homme qui fuit ses responsabilités. Il eut un soupir empli de lassitude. Néanmoins comme j'aimerai l'être de temps à autre. Mais alors que voudriez-vous ? Que j'épouse cette française pour faire plaisir au comte ? Je serais incapable de vivre sans vous, je n'y survivrai pas. Il prit une gorgée supplémentaire d'alcool.
– Que vous êtes mélodramatique mon chéri !
– Je vous aime ! Et vous voudriez que je la prenne pour femme alors que je ne l'ai jamais vue de ma vie ? Si elle ne ressemble ne serait-ce qu'un peu à son père, je préférerais me pendre immédiatement. Il eut un frisson de dégoût. C'était un homme terrible ! On aurait dit un corbeau tout droit sorti d'un charnier, il marchait en se balançant d'un pied à l'autre et sans crier gare plantait son regard sur vous comme s'il voulait vous emmener dans la fosse fétide qui l'avait vomie. Cet homme était dangereux, on raconte des choses abominables sur lui. Il a été mis à la retraite d'office il y a cinq ou six ans après certains événements à Paris. Il aurait désobéi aux ordres, seules certaines relations lui ont évité la cour martiale et les investigations plus poussées. Et vous voudriez que je m'unisse à sa fille.
– Sans doute est-elle une douce oiselle campagnarde. Vous devez l'épouser, vous avez signé le contrat des fiançailles. Néanmoins rien ne vous force à l'aimer. Cela s'appelle un mariage de raison, ça se fait tout le temps dans notre monde dit-elle en gloussant. Votre père aura une fin de vie heureuse et rapide en ayant obtenu ce qu'il voulait et après sa mort, vous divorcerez ou dissoudrez le mariage et plus rien ne nous empêchera de vivre notre amour aux yeux de tous, sans honte. Que Dieu bénisse le divorce, c'est si commode.
Joshua fut gêné de la légèreté avec laquelle Margaret traitait le mariage.
– Tout le monde serait heureux. Pourquoi ne puis-je être satisfait de cela ? Il enfouit son visage entre ses mains. Ma tête me fait mal.
– Vous avez-du boire trop vite.
– Vous... ne me quitterez pas ?
– Jamais. Elle en essuya une goutte de porto qui perlait sur sa lèvre. Tout le monde sera gagnant.
– Sauf Cassandre d'Arlon.
– Oh ! Eh bien, vous n'aurez qu'à lui verser une rente une fois cet épisode derrière nous ! Lança Margaret avec humeur. Vous ne voudriez pas de surcroît vous soucier d'elle ? Faudrait-il que je la plaigne ? Elle est certaine d'avoir une vie plus que confortable et tranquille jusqu'à ce que votre père décède. Croyez-moi, nombreuses sont celles qui tueraient leurs mères pour ça ! Vous la sortirez du caniveau et lui offrirez une distinction en la quittant qui lui permettra de briller en société. Elle sera si originale, tout le monde recherchera sa compagnie. Souvenez-vous de Mrs Knowles. Son salon fut l'un des plus courus avant son remariage.
– Ce n'est pas très honnête. Je n'ai pas pour habitude de mentir à mon père.
– Ce ne sera pas un mensonge, un léger arrangement tout au plus, il n'y a pas de mal. Elle tendit vers lui son long cou de cygne et rempli de nouveau son verre. Quant à cette petite, rien ne vous empêche de la mettre au courant de nos plans dès votre mariage pour être certain qu'elle ne se fasse pas d'illusion quant à votre avenir ensemble. Je sais que vous saurez trouver les mots justes pour la convaincre, vous avez toujours su vous montrer si persuasif mon chéri, lui susurra-t-elle en lui mordillant le lobe de l'oreille. Oui décidément cela me paraît être la meilleure chose à faire. Nous continuerons de vivre joyeusement à Londres et elle restera aux cotés de votre père, à la campagne dans cette affreuse masure d'un autre âge dont vous refusez de vous débarrasser.
– C'est un bien inaliénable ma douce.
Joshua leva un sourcil car présenté de cette façon, le sort de Cassandre ne semblait pas si enviable.
– Il faudra juste se montrer patient et tout se déroulera sans anicroche. Faites-le pour moi, lui chuchota-t-elle. Acceptez, si vous m'aimez. Son regard était si brûlant que Joshua en rougit. Ce ne sera pas long. L'affaire de quelques mois, le comte est si affaibli, le mal le ronge, il a besoin d'une fin paisible. Puis nous serons ensemble à tout jamais.
– Non. Mon père ne peut pas mourir, ce serait dramatique.
– Mais tout le monde meurt mon amour.
Il déglutit et hocha la tête avec peine.
– Voilà une affaire rondement menée, s'exclama-t-elle. Elle l'embrassa à pleine bouche pour lui prouver qu'elle avait parfaitement raison. Maintenant sortons, il faut absolument que je vous montre un manchon de zibeline, je jure que je mourrais si je ne l'ai pas. Il fera si froid cet hiver !