Je ne te connaissais pas

Bởi alice_jeanne

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Lorsque Deborah, étudiante en dernière année, apprend la mort de sa grand-mère, son monde bascule. Est-ce qu'... Xem Thêm

Livre 1 - Chapitre 1.
Livre 1 - Chapitre 2.
Livre 1 - Chapitre 3.
Livre 1 - Chapitre 4
Livre 1 - Chapitre 5
Livre 1 - Chapitre 6
Livre 1 - Chapitre 7
Livre 2 - Chapitre 8
Livre 2 - Chapitre 9
Livre 2 - Chapitre 10
Livre 2 - Chapitre 11
Livre 2 - Chapitre 12
Livre 2 - Chapitre 13
Livre 2 - Chapitre 14
Livre 2 - Chapitre 15
Livre 2 - Chapitre 16
Livre 2 - Chapitre 17
Livre 2 - Chapitre 18
Livre 2 - Chapitre 19
Livre 2 - Chapitre 20
Livre 2 - Chapitre 21
Livre 2 - Chapitre 22
Livre 2 - Chapitre 23
Livre 2 - Chapitre 24
Livre 2 - Chapitre 25
Livre 2 - Chapitre 26
Chapitre sans titre 27
Livre 2 - Chapitre 28
Livre 2 - Chapitre 29
Livre 2 - Chapitre 30
Livre 2 - Chapitre 31
Livre 2 - Chapitre 32
Livre 2 - Chapitre 33
Livre 2 - Chapitre 34
Livre 2 - Chapitre 35
Livre 2 - Chapitre 36
Livre 2 - Chapitre 38
Livre 2 - Chapitre 39
Livre 2 - Chapitre 40
Livre 2 - Chapitre 41

Livre 2 : Chapitre 37

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Bởi alice_jeanne


Dimanche 13 septembre 1942

Cher journal,

Je suis toujours enfermée dans la cave, avec mon blessé qui reprend peu à peu conscience.

Au lendemain de son apparition nous avons appris que les débris d'un avion allemand avaient été retrouvés en campagne au sud de Caen. André, qui s'est rendu sur les lieux, a déterminé qu'il s'agissait d'un Dornier Do 17, un petit bombardier. Cependant les journaux rapportaient au matin que l'appareil avait été trouvé vide de toute bombe et de son pilote. La coïncidence est trop grosse, et nous soupçonnons donc fortement avoir affaire au pilote disparu. Mais celui-ci est encore trop faible, trop perdu dans les nimbes de la morphine pour nous expliquer ce qu'il fait là.

Lorsque Nicole est apparue dans la cave, deux jours après toute cette affaire, elle n'en a pas cru ses yeux. C'est Charlie qui me tenait compagnie depuis déjà de longues heures, et lorsqu'il a vu entrer Nicole, accompagnée de Madeleine, il a poussé un soupir de soulagement. Dès que Bellone l'en a autorisé, il a bondi sur ses pieds pour sortir aussi vite que possible, comme si le fait de respirer le même air qu'un Allemand le rendait malade.

Nicole, mise au courant de toute l'histoire par Madeleine, s'est approché du blessé, incrédule. On aurait cru qu'elle cherchait à apprivoiser une bête sauvage, qui exerçait sur elle une étrange fascination. Je ne pouvais que la comprendre : nous entendions parler de ces hommes depuis des mois, des horreurs qu'ils commettaient sans remords, et voilà que l'un d'eux dormait paisiblement dans le seul endroit que nous avions réussi à préserver de leur barbarie.

Madeleine a pris son poste de garde sans un regard pour l'homme, tandis que je restais assise près du lit de camp, attentive à sa respiration pour être sûre qu'il ne souffrait pas trop.

Nicole a bien vite repris ses esprits, affichant le visage concentré du médecin en action. Délicatement elle a nettoyé les plaies qui suppuraient, désinfecté, rincé, et refermé la chemise de son patient, sans cesser de me jeter des regards circonspects, espérant sans doute savoir ce qui m'était passé par la tête. Mais hormis la certitude de sauver une vie, je ne pouvais pas expliquer mon geste.


Mardi 15 septembre 1942

Cher journal,

L'atterrissage manqué d'un aviateur allemand dans nos campagnes a mis toute la Feldokommandatur sans dessus dessous. Depuis dix jours le nombre de soldats allemands dans nos rues a doublé, paralysant du même coup la moindre de nos actions. Tandis qu'ils cherchent leur compatriote, nous faisons notre maximum pour rester discrets, planqués et avons suspendus toutes actions en cours jusqu'à nouvel ordre.

Le largage de parachutistes de la France Libre prévu dans les prochains jours à mis Bellone et Popeye sur les dents. Par ma faute c'est toute l'opération qui est compromise, et Madeleine ne manque pas de me le rappeler quotidiennement. Si la tension n'est pas redescendue d'ici à mercredi, il faudra annuler l'opération et dérouter les parachutistes vers Rennes ou Brest, leur faisant perdre de précieuses heures pour rejoindre ensuite la Zone Libre. Je me sens responsable, bien sûr, que mon action ait de si grosses répercussions, mais qu'aurais-je bien pu faire d'autre ?

C'est Alice qui a récupéré mon poste tant que je suis confinée dans la cave, et c'est donc elle qui assure l'espionnage des troupes en postes à Caen, le mouvement de chacun, et le nombre de patrouilles appelées en renforts pour mener à bien cette chasse à l'homme. Je ne suis pas sûre qu'elle me soit très reconnaissante de cette montée en grade impromptue, étant donné le bazar qui semble régner à la Feldokommandatur.


Dimanche 20 septembre 1942

Cher journal,

Peu à peu notre soldat mystère reprend pied dans la réalité.

Hier, alors que j'étais à nouveau sous la garde du Suisse, il s'est réveillé pour la première fois de la journée. J'ai voulu lui faire avaler un demi-cachet de tranquillisant, mais il a refusé, gardant les lèvres scellées malgré mes tentatives pour lui faire comprendre que cela le soulagerait. Voyant que je ne parviendrais pas à le convaincre j'ai rangé les cachets et suis retournée m'asseoir sur mon lit avec les journaux du jour. Si cet imbécile avait décidé de souffrir je n'allais pas l'en empêcher. J'essayais de me concentrer sur les lignes sous mes yeux, mais je sentais son regard sur moi. J'ai fini par poser mon journal presque rageusement pour me tourner vers lui, attendant qu'il parle.

Après tout, nous attendions tous qu'il nous explique qui il était, et j'avais été assez patiente et aimable à son égard.

Il a tenté de se redresser sur les coudes, mais s'est laissé retomber sur le dos avec un grognement lorsque la douleur a traversé ses côtes.

- Tu souffrirais moins avec de la morphine, ai-je indiqué, sarcastique.

Il a souri, presque amusé, avant de murmurer un « pas dormir », et j'ai levé les yeux au ciel, comme pour lui signifier que cela m'importait peu.

Après quelques minutes il a soufflé, expirant autant qu'il le pouvait pour contracter ses muscles et s'est à nouveau redressé, s'asseyant complètement cette fois. Il a eu un sourire idiot à mon intention, tandis que le Suisse se précipitait à son chevet pour vérifier que les sutures n'avaient pas sautées. 

A demi-mot, et en allemand, mon camarade lui a demandé de bouger le bout des doigts, le coude, puis le bras complet, tandis qu'il palpait les muscles et les nerfs à la recherche d'une blessure interne. Satisfait, il est passé aux côtes, appuyant sur chacune d'entre elle pour en tester la résistance. Cette fois le soldat faisait moins le fier, et a serré les dents pour ne pas laisser échapper un cri. Les côtes avaient certainement été fêlées, sinon pire. Lorsqu'il eut terminé son examen, Le Suisse a eu un mouvement de tête à mon attention, m'indiquant de le suivre au fond de la pièce.

- Il se remet relativement bien de ses blessures, et il ne devrait pas tarder à être complètement sur pied. Je vais faire passer un mot à Bellone, nous devons décider rapidement quoi faire de lui. Je vais remonter et vous enfermer à l'intérieur quelques minutes, le temps de faire passer le mot. Ça ira ?

J'ai jeté un œil vers le soldat dos à nous, toujours assis sur le lit de camp, qui continuait de tester la motricité de son bras, le bougeant d'avant en arrière.

- Oui, ça ira.

Le Suisse a tiré de sa poche le petit revolver qu'ils portaient tous lorsqu'ils montaient la garde, et je n'ai pu retenir un sourire en sentant son poids presque rassurant dans ma main.

Je l'ai glissé sous mon chemisier, jugeant inutile d'alarmer notre soldat avant même de connaitre ses attentions. Plus longtemps il me croirait dans son camp, plus il serait à même de nous livrer des informations utiles. Le Suisse est sorti de la cave, et je suis retournée auprès de celui qui était désormais mon prisonnier.

Je ne peux nier que j'appréhendais d'être seule avec lui. Il était bien plus facile de la placer du bon côté de cette guerre lorsqu'il était inconscient. Mais maintenant qu'il se tenait droit devant moi je ne pouvais nier d'où il venait. Grand, le maintien militaire et les cheveux clairs caractéristiques de l'Est, on le devinait Allemand - et soldat ! - avant même qu'il n'ouvre la bouche.

J'ai coupé quelques tranches de pain un peu trop sec, et ai versé de l'eau pas très fraiche dans une tasse avant de les lui tendre. Il a marmonné un « Danke », engloutissant immédiatement le pain en deux bouchées.

Je me suis assise sur mon lit pour grignoter ce qui me servirait de déjeuner, presque timide de me trouver face à lui. Lui m'observait franchement, attendant sans doute que je lui pose des questions, ce que je préférais faire en la présence de Madeleine. Elle savait déceler le mensonge mieux que personne, et ne lui laisserait pas l'occasion de l'entourlouper.

Comprenant sans doute que je n'étais pas disposée à faire la conversation, il a tendu la main de son bras valide dans ma direction :

- Edmund.

Je suis restée stupéfaite. Allions-nous vraiment faire les présentations et un brin de causette comme si nos deux pays n'étaient pas en train de se déchirer ? Pour ne pas paraître impolie - comme si cela avait la moindre importance - j'ai saisi sa main et il a doucement serré mes doigts dans les siens.

- Ginger.

- Ah oui, il a eu un geste vers ses propres cheveux, Ginger Rogers. Très jolie.

Parlait-il de l'actrice, de mon surnom ou de moi ? Dans le doute j'ai acquiescé en souriant.

Il a soudainement eu un moment de panique, tâtant sa ceinture et se tournant de droite et de gauche, cherchant probablement son arme. J'ai immédiatement mis la main dans mon dos, fermant mes doigts sur la crosse du revolver, prête à le mettre en joue s'il s'avérait menaçant. Me voyant faire il a tout de suite levé les bras, m'indiquant qu'il ne me voulait pas de mal. Du moins pas immédiatement. Je n'ai pas bougé.

- Mon sac, a-t-il commencé, entre allemand et français. J'avais un sac quand je suis sorti de l'avion.

- Pas quand je t'ai trouvé, ai-je répondu, mélangeant les deux langues pour me faire comprendre.

Il a fouillé sa mémoire, sourcils froncés, avant que son visage ne s'éclaire.

- Je l'ai caché. Une charrette cassée près de la rivière. Je ne pouvais plus le porter, je pensais revenir le chercher plus tard.

- Pour l'instant tu ne vas nulle part.

Mon ton était dur. Même s'il semblait sincère il pouvait tout à fait jouer l'amabilité pour m'avoir, et sortir avant l'arrivée des autres. Mais il a souri de plus belle.

- Non non d'accord, je ne vais nulle part. Mais toi, tu peux aller le chercher ?

- Pourquoi ?

- Il y a ..., il a eu l'air de chercher ses mots, des choses précieuses dedans.

J'allais en demander plus lorsque Le Suisse est revenu, nous jetant un regard suspicieux.

-Les autres ne vont pas tarder.

J'ai hoché la tête, et Edmund a froncé les sourcils, sentant sans doute que sa situation allait grandement se compliquer.

- Ne me livrez pas à la Kommandatur, a-t-il argué, hésitant entre s'adresser à moi ou au Suisse, je ne suis pas avec eux.

- Tu es Allemand, jusqu'à preuve du contraire tu n'es pas avec nous non plus.

Le Suisse s'est exprimé sans animosité, statuant simplement la vérité. Edmund a eu un regard vers moi mais j'ai détourné les yeux. J'avais fait ma part du travail, lui avais sauvé la vie, nous étions quittes. Ce qui se passait ensuite n'était plus de mon ressort, et je ne devais pas laisser la sympathie qu'il m'inspirait obscurcir mon jugement.

Une heure s'est écoulé, sans qu'aucun de nous trois ne prononce un mot. Edmund s'était résolu à attendre, trop faible encore pour tenter de prendre la fuite, et s'était allongé sur son lit, les yeux fixés au plafond. Je m'étais replongé dans ma lecture, lui jetant de temps à autres des coups d'œil, tant pour vérifier qu'il était toujours en vie, que pour assouvir ma curiosité.

Je ne porte d'habitude pas attention aux soldats dans les rues : engoncés dans leurs uniformes, cachés sous leurs képis, ils se ressemblent tous. Comme pour nos hommes, la plupart de ceux enrôlés sont jeunes, mais la guerre vieillit prématurément les visages, et il devient difficile de savoir si l'homme en face de vous à vingt ans ou quarante.

Mais lui avait l'air différent, bien que blessé, et le visage fatigué, il avait gardé l'étincelle de la jeunesse, et j'estimais qu'il devait être dans les mêmes âges que Madeleine et André.

Il n'avait probablement pas combattu beaucoup, il semblait bien trop en forme pour cela. Ce qui épaississait encore le mystère qui l'entourait : s'il n'avait pas combattu, que faisait-il à l'autre bout du pays, dans une région inconnue, et en solitaire ?

Mes pensées ont été interrompues par l'arrivée de Madeleine, André, Chaplin et Nicole, venue prendre la relève du Suisse.

Voyant Edmund tenter de se lever - aussi vite qu'il le pouvait dans son état - Madeleine a eu la même réaction que moi quelques heures plus tôt et a passé la main dans son dos. Elle en a tiré une arme que je n'avais jamais vue, pointant sans hésiter le canon sur le soldat.

- On ne bouge plus.

Elle était glaciale, et je pouvais voir la haine que lui inspirait l'homme danser dans ses yeux. J'ai cru qu'elle allait l'abattre là, sans même lui poser de questions, pour assouvir un tant soit peu son désir de vengeance.

J'ai eu peur.

L'autre s'est immobilisé sur le champ, à demi assis, les muscles tremblant sous l'effort que lui demandait la position. Il a soutenu le regard de Madeleine, avant de se redresser complètement, lentement, craignant que le moindre geste brusque ne lui valle une balle dans la tête. Il a basculé ses jambes dans le vide, pour se tenir assis face à Madeleine. Disparu l'homme-enfant que j'avais eu face à moi dans la matinée. Le soldat avait repris le dessus, et il fixait Bellone avec des yeux froids, lèvres pincées, évaluant sans doute sa situation, et la meilleure façon de s'en tirer vivant.

- Attachez-le.

Elle n'a pas bougé d'un iota, l'arme toujours braquée, tandis qu'André et Chaplin passaient une corde autour des poignets de l'intrus, avant de la nouer au cadre du lit de camp. Je doutais que toute cette comédie soit nécessaire, mais je n'ai pas dit un mot, de peur de déclencher la colère de Bellone, qu'aucun de nous n'aurait su maitriser.

Elle a tiré une chaise pour se placer face à son prisonnier, restant à bonne distance, sans se défaire de son arme. André et Chaplin, en bons chiens de garde, se sont placés à ses côtés, et j'ai mon tour tiré une chaise pour m'asseoir avec elle. Quel que soit mon avis sur la question, je devais afficher clairement ma loyauté. Les yeux clairs d'Edmund se sont posés sur moi une demi-seconde, sans qu'aucune émotion ne transparaisse sur son visage.

- Bien, qui es-tu ? a demandé Madeleine.

- Edmund.

- Et qu'est-ce que tu fais ici ? On a trouvé ton avion, et tes petits copains te cherchent partout.

- Je voulais rejoindre Londres. Transmettre des informations importantes. Combattre les Nazis.

Il a eu une étincelle furieuse dans les yeux.

- Mais il y a eu du brouillard, j'ai perdu mes repères, et je suis arrivée chez vous, du mauvais côté de la Manche.

Madeleine a eu un air dubitatif.

- Tu es contre Hitler ? Le Saint Patron de tous les Allemands ?

- Tous les Allemands ne supportent pas le Führer.

- Mais tu es un soldat.

- Je n'ai pas eu le choix.

Silence. D'un geste de son arme Madeleine l'a incité à parler, ce qu'il a fait, dans un mélange de Français et d'Allemand.

- Vous connaissez les jeunesses hitlériennes ? On y est tous enrôlés. Puis après c'est l'armée. Je veux protéger mon pays, alors je suis resté. Je croyais faire le bien. Mais j'ai compris que c'est de l'intérieur que vient l'ennemi. Ce que fait le Führer... ce n'est pas dans l'intérêt des Allemands. Il y a trop de morts. Je n'ai jamais voulu ça. Et quand on m'a dit que j'allais être déployé, j'ai compris que je ne pourrais pas tuer des innocents. Alors je me suis enfui au milieu de la nuit, pour rejoindre Londres par moi-même, et aider.

- Qu'est ce qui me prouve que tu dis la vérité ?

- Rien.

- C'est bien ce qu'il me semble.

Madeleine a enclenché le cran de l'arme qu'elle tenait à la main, se levant pour poser le canon sur le front d'Edmund. Je me suis levée en poussant un cri, ne pouvant imaginer que celle que j'aimais le plus au monde allait tuer ainsi un homme. Mais André m'a fait rasseoir brutalement.

- ça suffit Ginger, a grincé Madeleine sans quitter son prisonnier du regard. Donne-moi les informations que tu voulais transmettre à Londres, si elles sont aussi importantes que tu le penses, nous pourrons rediscuter de ton utilité. Mais si elles ne nous servent à rien, je me ferais un plaisir de te régler ton compte pour de bon.

Edmund n'a pas jugé utile de négocier.

- Le Führer va envoyer ses sous-marins et la Luftwaffe contre le convoi PQ-14. Il veut les empêcher d'atteindre l'URSS. Il a aussi donné l'ordre à la Luftwaffe de se tenir prêt. Une centaine d'appareils doit décoller pour Stalingrad dans les prochains jours pour bombarder le centre de la ville, la Volga et la campagne de Beketovka. Il veut régler le problème, faire tomber la ville et l'empire russe aussi vite que possible.

Madeleine a froncé les sourcils, se tournant vers André et Chaplin. Le premier a immédiatement saisi le message, me lâchant l'épaule pour sortir de la planque, et aller vérifier les informations données.

- Comment le sais-tu ?

- Je fais partie des Fallschirmjäger.

Légèrement essoufflé par l'échange, l'homme a grimacé, sentant sans doute se réveiller les blessures sur son torse.

Madeleine lui a fait signe de continuer.

- Les Fallschirmjäger. Unité d'élite de parachutistes. S'il y a des opérations spéciales mises en place, nous sommes les premiers informés. Je devais partir à Stalingrad.

Nous sommes restés silencieux. Nous ne pouvions désormais qu'attendre le retour d'André pour décider de la valeur à donner à la parole de cet homme. Plus le temps passait, et plus je le voyais lutter pour ne pas s'écrouler sur son matelas. Madeleine en était parfaitement consciente, mais n'avait nullement l'attention d'abréger ses souffrances, bien au contraire.

Lorsqu'il a enfin daigné lever les yeux vers moi, j'ai tenté un sourire rassurant, mais n'ai eu droit qu'à un regard dur en retour.

André est finalement revenu après une vingtaine de minutes, ayant sans doute contacté Charvet pour lui transmettre ce que nous savions. Peut-être Charvet a-t-il lui-même fait appel au fameux Rex donc on entendait tant de bien. Toujours est-il qu'André est revenu le visage soucieux, venant se placer à nouveau derrière moi.

- Le convoi PQ-14 a été attaqué il y a deux jours par les U-Boote et la Luftwaffe. Nous avons perdu dix-sept navires. Les Boches ont perdu quarante appareils, et quatre sous-marins. Plus d'un millier de victimes.

Edmund a laissé tomber sa tête dans ses mains, jurant en allemand, se maudissant de ne pas s'être réveillé plus tôt.

- Et Stalingrad ? a demandé Madeleine.

- Les Russes tiennent mais les Allemands ont atteint la Volga, les raids aériens se multiplient. Une attaque plus violente est pressentie.

Etrangement, et malgré ces nouvelles catastrophiques, je me suis sentie délestée d'un poids. Il disait la vérité. Il était du bon côté, de notre côté. Il n'était pas un ennemi, et par conséquent Madeleine ne pouvait pas lui loger une balle dans le crâne sans une bonne raison. Le même cheminement a dû se faire dans son esprit, car elle a baissé son arme, non sans regrets, pour se rasseoir sur sa chaise.

- Cela ne fait pas de toi un allié, l'a-t-elle averti, et je ne te fais pas plus confiance qu'il y a une heure. Tu as la vie sauve, pour l'instant, et quand toute l'agitation dehors ce sera calmé, nous déciderons quoi faire de toi. En attendant tu restes ici.

Edmund a hoché la tête.

Il a attendu que Madeleine, Chaplin et le Suisse sorte de la pièce, quelques minutes plus tard, pour s'effondrer à nouveau sur le matelas. Je me suis précipitée pour prendre de l'eau et de la morphine, sous le regard froid d'André, resté pour nous surveiller tous les deux.

Alors que je défaisais les liens autour des poignets de mon blessé, André m'a interrompu :

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Il ne va pas s'enfuir, pas dans l'état où il est, et c'est mauvais pour son épaule s'il reste attaché.

- Je ne crois pas que Bellone serait d'accord...

J'ai levé les yeux au ciel, lui signifiant combien ce qu'elle en pensait m'importait, et ai défait les derniers nœuds. Il ne m'en a pas empêché, et est allé s'asseoir dans un coin en secouant la tête de droite et de gauche.

Cette fois ci Edmund n'a pas rechigné lorsque je lui ai tendu l'anti-douleur, me laissant inspecter ses blessures sans un mot. Heureusement aucune ne s'était infectée ou réouverte, et j'ai reboutonné sa chemise en lui souriant. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que j'avais fait le bon choix, que c'était finalement un homme bien que j'avais sauvé, et qui m'avais sauvé, et j'en étais infiniment soulagée.

Mais lui ne m'a pas décroché un mot ou un regard, fixant continuellement le plafond, jusqu'à ce que je regagne mon lit de camp. Je l'ai vu fermé les yeux et il ne s'est plus intéressé à moi du reste de la journée.


Le convoi PQ 14 est le nom de code d'un convoi allié devant ravitailler l'URSS contre le Troisième Reich. Les convois avaient pour destination le port d'Arkhangelsk, l'été, et Mourmansk, l'hiver, via l'Islande et l'océan Arctique.

Abréviation d'Unterseeboot qui signifie sous-marin en allemand. Ils sont surtout célèbres pour leurs campagnes d'attaques de convois de ravitaillement partant des États-Unis et du Canada pour l'Europe.

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