Je ne te connaissais pas

By alice_jeanne

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Lorsque Deborah, étudiante en dernière année, apprend la mort de sa grand-mère, son monde bascule. Est-ce qu'... More

Livre 1 - Chapitre 1.
Livre 1 - Chapitre 2.
Livre 1 - Chapitre 3.
Livre 1 - Chapitre 4
Livre 1 - Chapitre 5
Livre 1 - Chapitre 6
Livre 1 - Chapitre 7
Livre 2 - Chapitre 8
Livre 2 - Chapitre 9
Livre 2 - Chapitre 10
Livre 2 - Chapitre 11
Livre 2 - Chapitre 12
Livre 2 - Chapitre 13
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Livre 2 - Chapitre 21
Livre 2 - Chapitre 22
Livre 2 - Chapitre 23
Livre 2 - Chapitre 24
Livre 2 - Chapitre 25
Livre 2 - Chapitre 26
Chapitre sans titre 27
Livre 2 - Chapitre 28
Livre 2 - Chapitre 29
Livre 2 - Chapitre 30
Livre 2 - Chapitre 31
Livre 2 - Chapitre 32
Livre 2 - Chapitre 33
Livre 2 - Chapitre 34
Livre 2 - Chapitre 35
Livre 2 - Chapitre 36
Livre 2 : Chapitre 37
Livre 2 - Chapitre 38
Livre 2 - Chapitre 39
Livre 2 - Chapitre 40
Livre 2 - Chapitre 41
Livre 2 - Chapitre 42
Livre 2 - Chapitre 43
Livre 2 - Chapitre 44

Livre 2 - Chapitre 20

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By alice_jeanne

Des cris d'enfants. Des coups de fusils. Deux mains qui attrapent et poussent en avant. Une porte de cellule qui se ferme. Les corps décharnés. La mort partout.

Deborah se réveille en sursaut, aspirant à plein poumons, alors que les cris d'horreur qu'elle poussait en rêve s'étranglent dans sa gorge. Perdue, elle a besoin d'une bonne minute pour reprendre ses esprits, se redresser et réaliser qu'elle est en sécurité dans sa chambre d'hôtel. Dehors, le soleil disparait derrière les toits de Caen, embrasant le ciel. Il n'est pas tard, entre chien et loup, dirait son père. Le carnet de sa grand-mère est tombé au sol, probablement poussé du lit par ses gesticulations. Il faut croire que les souvenirs qu'il renferme l'ébranlent plus qu'elle ne l'aurait cru. L'enterrement aussi, certainement.

L'image de son oncle Emile, devant la tombe d'Eugénie un peu plus tôt dans la journée, se superpose à celle de son grand-oncle. Ou du moins l'image qu'elle s'en fait. Mourir si jeune, elle ne peut le concevoir. Elle qui n'a jamais connu l'amour fraternel, elle a pourtant le sentiment qu'on ne se remet sans doute jamais d'un drame pareil. Est-ce qu'Oncle Emile connait l'histoire de son homonyme ? Est-ce que les enfants d'Eugénie n'ont jamais discuté de son passé avec elle ? Le père de Deborah en tout cas, n'a jamais abordé le sujet avec sa fille.

Il est difficile d'imaginer Grand-Mère, qu'elle a toujours connue un peu effacée, menant une vie quasi- « normale », avec des amies, des petits boulots, des coups de cœur, et même une gueule de bois ! Le tout dans un contexte si particulier.

Comment continue-t-on à grandir, à vieillir, à vivre sa jeunesse dans ces conditions ? Quand votre meilleure amie est enfermée pour ses origines, quand le garçon qui vous plait - malgré tout ce que sa grand-mère peut bien dire – revient de la guerre défigurée, et que vous venez à manquer de tout à la maison ?

Deborah expire lentement, espérant se délester un peu du poids qui appuie sur sa poitrine. Ce témoignage la remue plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle se lève pour rejoindre la réception qui se termine dans le hall de l'hôtel, ressentant soudainement le besoin de se mêler aux vivants, de remettre pied dans la réalité.

Certains ont déjà quitté les lieux. Les plus vieux ramenés par leurs cadets à la maison de retraite, d'autres se pressant pour ne pas rater le début d'Affaire conclue, avant le journal de vingt heures. Deborah observe les plus âgés, essayant malgré elle de les imaginer dans leurs jeunes années. Qu'il est difficile de se représenter le passé des gens, qu'ils soient des proches ou des inconnus. Celui-ci, ramassé dans son fauteuil, avec sa peau parcheminée doit avoir le même âge que Grand-Mère. Qui était-il ? Jeune étudiant, résistant féroce, ou garçon effacé essayant de survivre dans une époque trop noire ? Et cette gentille mamie au rouge à lèvre criard ? Elle a les yeux sur les derniers petits-fours, qu'elle fixe comme si elle n'avait pas mangé depuis des jours. Était-elle nourrie à sa faim quand elle été enfant ? Faisait-elle partie de ceux qui ne se souciait de rien, les protégés d'un régime élitiste, ou a-t-elle du, elle aussi, se contenter de pommes de terre bouillies en rêvant à des jours meilleurs ? La curiosité démange Deborah et elle rêverait d'entendre leurs histoires. Pourtant ce sont des questions qu'on ne pose pas n'est-ce pas ? Refaire vivre leurs pires années à des petits vieux déjà fatigués par la vie, certainement pas. Alors qu'ils auraient tant à dire, tant à partager.

- Debby ?

La voix de son père la tire une fois de plus de sa réflexion. Il l'observe, attendant une réaction de sa part. Elle se contente de lui sourire en retour. Elle ne peut s'empêcher de remarquer ses cernes et ses traits marqués. Cela fait quatre jours maintenant qu'ils sont à Caen, et son père n'a pas pu souffler un seul instant, pas un moment pour laisser libre cours à son deuil. Elle lui serre le bras et reste à ses côtés tandis que les derniers invités viennent présenter, à nouveau, leurs plus sincères condoléances.

Dans la salle de réception de l'hôtel il ne reste bientôt plus que la famille. Instinctivement chacun ramasse un plat, des verrines et des coupes pour les mettre dans les grands bacs de lavage.

La fête est finie, on tire le rideau sur la vie d'Eugénie.

Plus tard, alors que tous sont rassemblés dans le restaurant de l'hôtel, la question des dernières affaires d'Eugénie émerge, Oncle Emile demandant où sont désormais les sacs récupérés à la maison de retraite.

- Ils sont dans la chambre d'Eugénie, informe Anne sur un ton calme, effrayée de brusquer sa fille.

- Oh... Quelque chose d'intéressant dedans ? s'enquiert Tante Marie, feignant une curiosité innocente. Mais Deborah jurerait avoir vu une étincelle s'allumer dans ses yeux. Rapiat.

- Non, des vieux vêtements, des livres...rien de plus.

Tante Marie fait la moue, déçue. Deborah ne sait pas vraiment ce qui la pousse à mentir. Non, pas mentir. A omettre de mentionner les journaux et les lettres, ce gros blouson de cuir et la médaille. C'est le seul lien qui la rattache à sa grand-mère, et elle ne veut pas le partager. Pas encore. Mais pour garder ce lien elle doit garder les sacs avec elle.

- Je peux les prendre à Paris, faire du tri dans les vêtements, peut-être les donner à une association ? Les livres aussi peuvent être donnés. Sauf si vous voulez vous en occuper vous-mêmes bien sûr ?

Elle fixe Tante Marie, que l'idée de vêtements poussiéreux et de livres sans valeur fait frissonner. Emile se tourne vers sa femme, qui hausse les épaules, donnant son assentiment.

- Il n'y a pas vraiment d'intérêt à prendre ses affaires avec nous dans le Sud. Les donner à une association me semble être une très bonne idée Eugénie, si cela ne te gêne pas de t'en occuper ?

Son regard bleu pâle est perçant, et Deborah baisse les yeux, craignant qu'il ne devine qu'elle n'a pas dit l'exacte vérité.

- Non, du tout.

Soulagés d'avoir trouvé une solution rapide à ce souci, les membres de la fratrie passe bien vite à d'autres sujets que Deborah cesse d'écouter.

De retour dans sa chambre elle s'assure que toutes les affaires de sa grand-mère sont correctement rangées dans le sac militaire et la sacoche de médecin. Elle prend le premier carnet sur la table de chevet, et le parcourt pour retrouver sa page. Après le 15 décembre, et la déchirante retranscription de la lettre de son amie, trois pages laissées vierges terminent le carnet. Fouillant délicatement sa valise, Deborah en sort les deux autres carnets, quasiment identiques au premier. De petite taille, reliés de cuir marron, elle en ouvre un au hasard et feuillette les premières pages. « Propriété d'Eugénie Duval », avertit à nouveau la page de garde, avant que l'écriture désormais familière de sa grand-mère ne viennent noircir les pages. Le journal démarre en février 1941. Et Deborah soupir de soulagement. Eugénie a tenu sa promesse à Cath et n'a pas arrêté d'écrire, même si les temps étaient durs. Bien qu'impatiente de replonger dans le passé, Deborah repose le carnet dans sa valise, à côté des lettres dans la boite à chaussures, et remet à plus tard sa lecture. Pour l'instant son corps ne lui demande qu'une chose, dormir. Trier toutes ces informations, toutes ces émotions, et repartir de l'avant demain, lorsqu'ils quitteront Caen.

***

De bonne heure les membres de la famille se séparent, devant la réception de l'hôtel. Chacun finalement un peu soulagé de quitter cet endroit, de rentrer chez soi, et de pouvoir tourner la page, doucement.

A l'arrière du break familial, Deborah garde à ses côtés les sacs de Grand-Mère. Elle a trié hier déjà les vêtements et affaires de toilettes d'Eugénie, que sa mère déposera au relais en arrivant à Levallois. Le reste des affaires est soigneusement rangé dans le sac militaire que Deborah veut prendre avec elle à Paris. Si l'idée de rentrer dans son minuscule appartement ne l'enchante pas spécialement, elle y sera cependant plus tranquille que dans la maison de famille. Et puis ses parents ont certainement envie de se retrouver un peu tous les deux.

Quatre heures de route plus tard, ils la déposent devant la bouche du RER L. Après avoir promis d'envoyer un message à son arrivée, Deborah passe les sangles du sac militaire autour de ses épaules, et attrape sa petite valise dans le coffre. Drôle d'accoutrement, se dit elle en observant son reflet dans les vitres crasseuses du RER qui la ramène dans le centre. Changement. Métro. Changement. Nouveau métro. Grimper les marches de la station, retrouver l'air libre – et pollué – de Paris. Et devoir à nouveau affronter la côte de la Butte aux Cailles. La dernière fois aussi elle était chargée, après cette sortie houleuse avec les filles, ses bras pleins des livres empruntés à la bibliothèque. C'était il y a quelques jours seulement et pourtant elle a l'impression qu'un siècle s'est écoulé.

Elle parvient enfin chez elle, en sueur, et s'empresse de s'installer. La boite à chaussure sur son bureau, la médaille militaire à côté, elle accroche le bibi qu'elle a conservé, ainsi que le blouson de cuir, sur un portemanteau. L'odeur du cuir la transporte, et elle replonge dans le passé, ouvrant le deuxième carnet de sa grand-mère.

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