" J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres. " - Paul Eluard
SOANE WILSON
10:30pm, West bar
C'était la première fois que je finissais mon service pile à l'heure. J'étais excitée et je n'arrivais pas à tenir en place. Je me dépêchais d'enfiler mon blouson et j'essayai d'arranger mes cheveux roux dans la vitre du bar où je travaillais. J'étais tétanisée par l'angoisse. Ysia m'avait envoyé un message hier : elle désirait me voir à tout prix, ce soir, pour tirer les choses au clair. Je saluai mon patron, pris une grande inspiration en posant ma main droite sur mon abdomen, et je sortais. Il pleuvait et peu de voitures passaient à cette heure-ci.
" Hey, murmurais-je en apercevant la jolie blonde. "
Elle tourna son visage vers moi après avoir terminer sa cigarette. Je devinai vu l'odeur qu'elle dégageait que ce n'était pas sa première clope de la soirée, mais qu'elle en avait enchaîné une bonne dizaine. Seul le spot rouge de l'enseigne l'éclairait. Elle avait dissimulé sa longue chevelure dorée, trempée par la pluie, dans la capuche de son sweat noir.
" C'est cool de te voir, engageais-je timidement. "
Elle soupira et préféra se concentrer sur un passant qui courait sur le trottoir d'en face. Elle était redevenue la Ysia que j'avais connu : distante, mystérieuse, et terriblement captivante. Ses yeux vairons brillaient et elle glissa ses mains dans les poches de son habit sombre.
" Tu... Tu veux peut-être qu'on marche? Qu'on se mette à l'ab-
- Pourquoi t'es partie? me coupa t-elle en secouant la tête négativement.
- Je... Je pensais que ça serait mieux ainsi. Pour toi.
- Oh j'ten pries Soane, arrête de te cacher derrière ce genre d'excuses débiles. "
Je fus prise d'un mouvement de recul devant son ton détaché. J'avais beau essayé d'avancer en terrain miné, elle ne me laissait aucune chance de m'expliquer. J'avais imaginé des milliers de scénarios pour ce moment-là, mais jamais elle n'avait apparu aussi froide.
" Je t'avais blessé, et je pouvais pas supporter l'idée de te voir mal à cause de moi.
- Alors tu t'es cassée à 300 km pour ne jamais croiser le résultat de tes actes, débita t-elle en me lançant un regard noir.
- C'était pas facile pour moi non plus, tu sais, justifiais-je maladroitement.
- Oh oui, c'est vrai, comme ça doit être dur de se faire incendier par sa petite amie et d'apprendre qu'elle est partie sans même essayer d'arranger la chose. Ca doit être dur de se sentir abandonnée par une personne qui avait fait la promesse de toujours t'épauler, non? Ah, ah oui attends, j'oubliais, gloussa t-elle faussement, c'est pas toi qui a ressenti ça.
- J'en ai souffert. Quoi que tu dises, quoi que tu penses, j'en ai souffert et j'en souffre encore.
- Mais c'était ta décision ! haussa t-elle le ton en levant les bras, avant de respirer profondément pour se calmer. C'était ton putain de choix.
- On fait tous des erreurs. Je... Ok, j'ai pris la mauvaise décision, tout comme tu as mal agi en me larguant par rapport à Adriel, au lieu de m'expliquer les choses. "
Elle entrouvrit la bouche et sembla réellement choquée de ce que je lui reprochais. Pourtant, elle n'était pas la seule écorchée vive dans cette histoire. Elle me tourna le dos et respira un grand coup avant de me faire face à nouveau.
" Et... J'ai voulu revenir au bout d'un mois vers toi. Je pouvais pas avant car c'est le temps qu'il m'a fallu pour apprendre par coeur tous tes poèmes préférés. J'voulais... J'voulais te les réciter, souriais-je tristement. Alors j'ai été à un Festival. Je savais que tu y serai car tu n'en as pas manqué un seul, y avait constamment des photos de toi sur les pages de ce genre d'événements. Mais quand... Quand j'ai vu à quel point t'avais l'air heureuse, j'ai eu peur. J'ai eu peur parce que j'ai compris que je t'avais définitivement perdu. La chose que je redoutais le plus était arrivée : tu souriais, mais je n'étais plus invitée à participer à ce sourire qui m'a toujours envoûté. "
FLASHBACK
PDV EXTÉRIEUR
86 jours plus tôt, Wavy Fest'
Soane et Ysia s' étaient croisées. Enfin, non, à vrai dire... Soane avait croisé Ysia. Mais celle-ci ne s'était pas doutée un seul instant de la présence de l'autre. Elle était bien trop occupée à rire, et bordel, son rire cristallin était sûrement la plus belle prestation de ce festival de techno. Elle avait dansé sur les épaules de Tate, qui souriait bêtement en soutenant ses cuisses pour ne pas qu'elle trébuche. Sous les yeux médusés de Soane, elle avait même bu un litre de bière en quelques minutes. Le soleil avait faibli - le ciel était devenu orangé. La longue chevelure dorée d'Ysia s'était balancée joyeusement de gauche à droite une bonne partie de la soirée; elle était radieuse. Bronzée. Elle était... sexy, ouais, te-terriblement sexy. Tellement sexy qu'elle méritait de se faire emprisonner à perpétuité en haut d'une tour pour ne pas tenter quelconque connard de la séduire sur le champs, avait pensé Soane en sirotant son verre de Sangria.
Deux heures plus tard, alors que notre héroïne avait commandé à nouveau un verre de son alcool favori, elle avait vu la foule s'écarter un peu en plein milieu d'une prestation de The Kooks. Elle avait plissé les yeux - la nuit brouillait sa vue - et son coeur s'était arrêté un court instant. Le brun qui accompagnait Tate et Ysia portait la blonde sur son dos rapidement tandis que le châtain s'empressait de dégager la voie. Ils s'éloignèrent de la foule et se cachèrent derrière un stand. Soane songea que le moment était venu d'aller voir la blonde; elle devait sûrement être en train de pleurer - l'alcool la rendait plus émotive. Elle s'approcha alors de l'endroit où étaient assis les trois jeunes.
" Encore ! s'écriait la jeune blonde d'un ton enfantin. "
Elle se releva et se mit à sautiller lorsque son ami tatoué s'amusa à faire des formes avec la fumée de son joint. Ils avaient tous les trois les yeux rougis, bousillés par la quantité impressionnante d'herbe qu'ils avaient fumé. La fleur blanche posée derrière l'oreille de la seule fille s'envola jusqu'à atterrir aux pieds de la rousse. Elle la ramassa et se dissimula un peu plus pour ne pas attirer l'attention. Ysia semblait si légère; elle dansait sans s'arrêter en riant, ce qui divertissait ses deux amis.
" Zain, portes-moi encore ! supplia t-elle en s'accroupissant à sa hauteur. "
Il tapota sa joue à l'aide de son index et elle y déposa un bref baiser amical. Elle avait l'air d'être une toute autre personne. Elle était adorable. Libre. Bien. Et c'est en la voyant tourbillonner dans le bras de son ami que Soane décida qu'il était préférable de ne plus jamais venir perturber le bonheur qui lui collait désormais à la peau.
FIN DU FLASHBACK
SOANE WILSON
10:45pm, devant le West bar
Elle écouta mon récit, et parfois, pendant celui-ci, elle haussait simplement les épaules et soupirait. Je tordais machinalement mes doigts pour passer mon stress. En vain.
" T'es en train de me dire que t'as fait ça pour mon bien? ria t-elle.
- Je t'aimais Ysia, enfin... Je... Je t'aime toujours et...
- Si tu m'aimais, alors pourquoi t'es partie putain? se crispa t-elle, sa voix tirant dans les aigus.
- T'avais l'air heureuse alors....
- Mais je l'étais pas bordel, comment veux-tu que je sois bien si t'es pas là? "
Elle s'était avancée. Les traits de son visage était tiré et la pluie avait fait coulé son mascara sur ses joues. J'aurais voulu effacer ces traces, mais je devais d'abord gommer toutes les cicatrices que j'avais provoqué.
" Je regrette de t'avoir laissé tomber. C'était horrible, j'étais horrible. Ce que j'ai fait c'est... C'est mal, confiais-je en fuyant son regard qui me fusillait.
- Tu aurais dû y penser avant.
- J'ai besoin de toi.
- J'avais besoin de toi, moi aussi, mais OOPS, t'étais plus là, ironisa t-elle en levant les yeux au ciel.
- J'ai été égoïste.
- Et stupide.
- Et stupide, répétais-je. Mais j'ai pas cessé un instant de penser à toi. "
Le bruit de son briquet vint perturber notre conversation. Je n'aimais pas la voir fumer, surtout quand la cause de son défoulement était moi.
" Je ferais n'importe quoi pour que tu me pardonnes, n'importe quoi, implorais-je en retenant un sanglot.
- Tu as déjà fait n'importe quoi pour me perdre, cracha t-elle après avoir tirer une grosse latte.
- Reprends-moi, suppliais-je en me plantant juste devant elle. "
Elle scruta un instant mes lèvres. Elle lorgnait sur celles-ci, passant sa langue sur les siennes, et je savais très bien qu'au fond, elle aurait voulu s'y éterniser. Mais ce n'était pas dans les habitudes d'Ysia de se laisser aller lorsqu'elle avait été blessée.
" J'peux pas. J'veux pas, assura t-elle en reculant.
- Laisse-moi te prouver que je peux me rattraper, demandais-je, désespérée.
- Je t'ai déjà demandé de me prouver que tu me laisserais jamais, et voilà où ça nous a mené. "
Ses yeux ne lâchaient plus les miens, et pendant un instant je savourais simplement la chance que j'avais de pouvoir dévorer ses pupilles vertes. Elles m'avaient tant manqué. Je les réclamais sans cesse. Elle secoua la tête de gauche à droite et son expression me suppliait de la laisser partir à son tour. Elle tourna les talons, et mon coeur fit un bond en avant, me poussant à attraper son poignet pour la retenir. Elle se retourna un peu; l'incompréhension dévorait son visage. Je baissai la tête, râclai ma gorge et me récitai quelques vers de l'un de ses poètes préférés. Après Ronsard, Paul Eluard était l'un de ses favoris.
" Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues, commençais-je timidement.
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas.
- Soane, murmura t-elle en essayant de dégager son poignet."
Son geste me surprit et, bien que je ne l'eus pas lâcher pour autant, j'en avais perdu la suite de ce merveilleux poème. Gênée, je pris une bonne minute de réflexion -minute pendant laquelle elle continuait de se débattre-, avant d'enchaîner sur un autre.
" Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance, ils perdent leur lumière, récitais-je, la voix tremblante.
- Lâche-moi, conseilla t-elle.
- Ma bouche s'est séparée de ta bouche, poursuivis-je en tremblant un peu plus.
Ma bouche s'est séparée du plaisir
Et du sens de l'amour, et du sens de la vie.
- Ca ne sert à rien, affirma t-elle en réussissant à se défaire de mon emprise. C'est pas en récitant des vers qui ne t'appartiennent pas que tu vas arranger quoi que ce soit.
- C'est juste que...
- Juste que quoi? interrompit-elle violemment. Hein?
- "J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres", citais-je. C'est ce que je ressens.
- Eh bien trouve-toi un moyen de te réchauffer, car mon corps ne t'accueillera plus.
- C'est impossible, reniflais-je alors que des sanglots commencèrent à s'emparer de moi.
- Soane.
- Je t'aime, sanglotais-je.
- Écoutes.
- Et je sais que tu m'aimes aussi, ignorais-je.
- Eh.
- Reviens-moi, j'ten supplies, déclarais-je en la regardant droit dans les yeux tandis que des larmes ravageaient mes joues.
- Soane.
- J'ferais tout ce que tu voudras, chuchotais-je pour préserver ma voix cassée.
- Non.
- Laisse moi une chance...
- C'est trop tard.
- S'il te plait, craquais-je, les yeux embués de larmes. "
Je manquai de tomber tant l'angoisse m'avait épuisé. Je me sentais totalement vidée, et pourtant je pouvais sentir le lourd poids du regret sur mes épaules fragiles qui réclamaient un peu de chaleur. Ysia soutint mon avant-bras de façon à ce que je puisse me remettre droite, puis elle me lâcha quand elle fut sûre que je tenais sans son aide.
" Me laisse pas comme ça, quémandais-je. Tu peux pas... T'as pas le droit...
- So.
- Je sais que c'est pas facile, mais...
- J'ai embrassé Delilah, souffla t-elle, coupable. "
Le temps s'arrêta. Son corps fragile se retira de ma vue. Elle s'éloigna rapidement, ses cheveux dorés flottant dans le doux vent de ce début d'automne. J'entendais ses pas résonner sur le béton. Et sa dernière phrase se graver dans ma peau. J'avais mal. Mal au coeur. Elle l'avait piétiné. Je souffrais. Au coeur. A mon p'tit coeur déjà bien amoché. Elle l'avait cloué. Et ces images... Ces putains d'images, de ses lippes aguichant les siennes... Comment... Comment effacer ça? Dites-le moi, dites-moi qu'il y a un remède contre les chagrins d'amour qui vous font des bleus au coeur.
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Coucou mes amours ! x J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous aura plu. Je suis désolée de ne plus pouvoir poster autant, mais mon ordi (enfin le chargeur surtout) est mort, et je ne sais plus l'allumer. Je me sers d'un autre pc qui n'est pas toujours à ma disposition, mais don't worry, je suis là ! Je viens d'apprendre que j'ai eu mon code (c'est pas trop tôt) alors je suis plutôt contente, mouhaha. Que pensez-vous de ce chapitre? De la relation Ysia/Soane? Ysia/Delilah? Dites-moi tout ! A très bientôt, full love, xox