Il ne voulait pas l'abandonner comme ses parents les avait abandonné. Ne serait-ce que pour des vacances.
-J'imagine que ma soeur pourra la prendre à Paris, avec elle, continua sa mère qui ne souciait pas de laisser Emma dans un environnement inconnu, ça lui fera de belles vacances. J'en parlerai à ton père !
Le noiraud lui répondit par un sourire mi-franc mi-crispé. S'il s'avérait qu'il partait avec Noah, il devrait en toucher un mot à sa cadette. Il ne pouvait plus vivre pour elle. L'année prochaine, qu'il s'en aille en Italie ou non, il devrait partir de la maison, c'était inévitable. Aucune formation ne l'intéressait dans sa ville et il ne pourrait faire un allé-retour de plus d'une heure matin et soir.
C'était une discussion angoissante qu'ils se devraient d'avoir. Son estomac se serra, réveillant en lui tous ses autres doutes. Bien. Une angoisse de plus à ajouter à sa liste qui commençait à s'allonger.
Noah sentait bien que quelque chose allait mal avec Morgan ces derniers temps. Le voir sécher les cours avec Julian ne faisait que confirmer ses doutes. Le tacheté masqué son angoisse à son copain : après tout s'il voulait garder ses secrets, il en avait le droit.
Mais il espérait sincèrement pouvoir l'aider à supporter son fardeau.
Lorsque Noah vit le noiraud arriver au portail le mercredi matin suivant, il n'attendit pas que son copain se défile et lui sauta pratiquement dessus.
-Noah ? S'étonna Morgan qui ne s'attendait pas à sentir le rouquin s'écraser contre son dos.
-Aujourd'hui, c'est avec moi que tu sèches, lui chuchota-t-il à l'oreille en évitant le regard d'un surveillant qui se tenait face au portail.
Morgan se retourna vers l'italien, les sourcils haussés.
-Quoi ? Mais on doit pas bosser ? Je veux avoir un niveau assez convenable pour être accepté dans mon école et partir avec toi en Italie.
-Raison de plus pour sécher, susurra Noah qui tira le noiraud par le bras.
Le jeune homme les décala sur le côté et fit un petit signe de main à Damien qui venait d'arriver au lycée. Le sportif le regarda faire avec un sourire espiègle. Et dire que le tacheté lui proposait de sécher les cours avec lui.
Noah les isola des autres élèves et du regard sévère du surveillant, tenant toujours son poignet de ses deux mains. Il se tinrent en retrait, entre un mur de l'enceinte du lycée et une voiture du parking.
-Je veux que tu m'apprennes à faire du parkour ! S'exclama Noah avant de reprendre précipitamment, et on parlera en italien toute la journée pour t'entraîner ! Quand tu comprendras pas quelque chose, tu me demanderas sa signification en anglais, ok ?
-Et comment on fait si je comprends pas en anglais non plus ? Demanda Morgan avec un sourire taquin.
-Tu n'auras qu'à m'embrasser pour m'indiquer que tu comprends pas !
Le noiraud pouffa, ses joues rosissant. Il jeta un vif regard autour de lui puis se pencha vers le tacheté, déposant un simple baiser sur ses lèvres encore pâle.
-Non, Morgan... murmura Noah faussement contrarié, ne me dis pas que c'est le français que tu ne comprends pas ! Là, je peux plus rien faire pour toi...
Morgan leva les yeux au ciel et tira son petit ami par la taille. Il croisa ses yeux d'un bleu limpide, cachés sous une vague de boucles rousses.
-Tu sais déjà où on va aller ? Demanda Morgan prêt à se laisser embarquer dans les plans de Noah.
Ce dernier afficha un sourire victorieux, faisant plisser ses constellations brunes sur sa peau. Toujours accroché au bras de Morgan, l'italien le tira loin du lycée et l'emmena en centre ville. Un poids s'éleva des épaules de Morgan lorsqu'ils dépassèrent la rue parallèle au quartier d'où se trouvait le City. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il y retournerait.
Sur le chemin, Noah avait sorti son téléphone et avait partagé sa playlist avec Morgan. Les deux jeunes hommes s'étaient débarrassés des écouteurs et laissaient les passants profiter avec eux de leurs goûts musicaux. Le rouquin commença par faire écouter les derniers morceaux qu'il avait découvert, décrivant avec des mouvements de mains enjoués l'émotion qui l'avait submergée lorsqu'il avait entendu les mélodies pour la première fois.
Il s'avérait que le noiraud connaissait déjà le groupe dont parlait son copain. Mais ce dernier prenait un plaisir si communicatif à en parler que le noiraud n'eut pas le courage de le couper. Il buvait ses paroles et ne s'en cachait pas : Noah dégageait une énergie solaire qui rappelait à Morgan les levés de soleil d'été.
-Passe-moi ton tel, lui intima Morgan en italien avec un fort accent français, si tu les aimes, tu vas adorer Rammstein.
-Ramm- quoi ? Répéta Noah en fronçant les sourcils.
Le noiraud approcha sa main de celle du tacheté, tendit sa paume en l'air et attendit que Noah dépose le téléphone dans sa main. Ses doigts frôlèrent son épiderme et Morgan se surprit à frissonner pour un contact si anodin.
-Rammstein !
Morgan tapa sur le téléphone de son copain. Les deux terminales tournèrent à un croisement alors que le noiraud appuyait sur un bouton pour visionner le clip vidéo. Quand le free runner releva la tête, il reconnu le chemin qui menait à la plage et sentit dès lors le vent devenir plus fort. Autour de lui, les arbres dansaient en rythme du Levant et les mouettes riaient de plus belle.
-On va à la plage ? S'amusa Morgan dont la musique venait de se mettre en marche.
Sa question resta en suspend : Noah venait de lui arracher son téléphone des mains, ajoutant la musique dans sa playlist.
-Pourquoi j'ai pas entendu parler d'eux plus tôt ? Fit-il émerveillé.
Morgan replaça ses mèches noires convenablement sur son crâne et eut une pensée pour les boucles de Noah qui allaient finir emmêlées. Le noiraud eut un sursaut, se rappelant qu'il gardait toujours un élastique sur lui depuis que Noah et lui se donnaient rendez-vous en salle d'art plastique. Il arrivait que le jeune roux oublie le sien chez lui et se retrouve embêté par des boucles folles. Le noiraud avait alors prit l'habitude de voler des élastiques à sa soeur et de toujours en garder dans son sac de cours.
Le noiraud retira son sac noir de son dos et ouvrit la poche extérieur. Il en sortit un petit élastique noire classique, qu'il tendit à Noah entre son pouce et son indexe.
Le peintre amateur s'arrêta de marcher et fixa le morceau de caoutchouc un instant avant de l'attraper.
-Merci, dit-il d'une petite voix en attachant ses cheveux en une crotte sur le haut du crâne, tu en as toujours sur toi ?
-Bien sûr, acquiesça Morgan qui était surpris par la réaction de son copain, tu oublies parfois les tiens.
Noah observa Morgan d'un air incrédule. Ses cheveux avaient eux aussi commençaient à pousser, créant une ombre autour du visage pâle du sportif. Cela faisait d'ailleurs plusieurs jours que Morgan disait vouloir retourner chez le coiffeur. Ses sourcils bruns étaient légèrement froncés, signe de son incompréhension et ses yeux, aussi sombre que ses cheveux, étaient insondables. Sa mâchoire si bien dessinée était détendue, réchauffent le coeur de Noah.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
Le tacheté glissa sa main dans celle de Morgan, savourant ce contact de peau contre peau. Il sentit le sang du noiraud battre dans les nerfs de ses doigts et serra sa main davantage.
-J'aime beaucoup Rammstein, reprit Noah d'un accent italien plus doux. On est arrivés à la plage, ça sera plus facile pour apprendre.
-Apprendre ? Répéta Morgan qui n'était pas sûr de comprendre.
-Je plaisantais pas Morgan, rigola Noah alors qu'ils descendaient les marches menant aux dunes de sable, je veux vraiment apprendre ton sport ! J'aimerais commencer par un salto, tu crois que c'est possible ?
Ce fut autour du noiraud de dévisager son copain. D'abord par ce qu'il ne comprenait pas le mot "una capriola" en italien. Puis, après avoir eu son explication en anglais, ce fut de fierté. Plus il passait du temps avec Noah, plus le plus âgé l'impressionnait. Parfois, Morgan se demandait en quel honneur il avait le droit de se tenir aux côtés de quelqu'un de si merveilleux.
Les couple passa la matinée à la plage, essayant d'apprendre à Noah à faire de multiples figures de free running. Le tacheté avait un excellent équilibre grâce au skate, ce qui l'aida grandement. D'autant plus qu'il n'avait pas peur de l'échec, ni de tomber.
-Tu crois que je pourrais aller sur les toits, moi aussi ? Demanda le rouquin les yeux pleins d'étoiles.
-Ouais, enfin on va éviter de faire des saltos sur les tuiles si un jour tu montes avec moi, ricana Morgan qui regardait Noah étalé dans le sable.
Le soleil tapait de plus en plus, les jours se réchauffaient. L'air du printemps leur sifflet les oreilles et au loin, le bruit des vagues couvraient le rire des enfants et des jeunes parents venus passer une journée à la plage.
-Viens t'assoir, le convia Noah en français.
Morgan s'assit à côté du jeune roux dans le sable fin.
-T'aurais pu prendre une serviette, grogna-t-il en sentant des grains s'infiltrer dans son pantalon.
Ses pieds s'enfonçaient dans le sable et ressortaient recouverts de sable. Il jouait ainsi, rencontrant de temps à autres ceux de son copain.
-T'as qu'à enlever ton pantalon si ça te dérange, répondit Noah taquin.
Morgan se retourna vers lui en haussant un sourcil.
-Haha. Tu veux aussi que j'aille me baigner ? Je suis pas surfeur moi, il fait encore froid.
Noah pouffa et s'adossa à l'épaule du plus grand. Les deux adolescents regardaient les vagues s'échouer sur le sable en contrebas. L'écume s'évaporait quelques secondes après avoir rencontré le sable.
-Tu crois que tu vas pouvoir venir en Italie ? Enfin, pour les vacances, rajouta Noah.
Morgan haussa les épaules et Noah s'en mordit la langue, surpris par le mouvement. Le noiraud pinça les lèvres et voulu s'excuser, mais l'expression de Noah était trop amusante pour lui adresser des excuses.
-Ma mère est d'accord et mon père va suivre ce qu'elle lui dit de faire, reprit-il, ce qui m'inquiète c'est ma soeur.
-Je dis pas ça pour que ça joue en ma faveur, même si je reconnais que j'ai clairement envie que tu viennes, mais ta soeur est grande. Elle est en 4e, dans quelques mois elle sera en 3e. Je pense qu'elle peut comprendre et qu'elle est assez grande pour se débrouiller quelques jours seule ou chez votre tante. Ça reste de la famille et de belles vacances.
-Oui, mais je sais pas comment le lui annoncer.
-Je veux pas te forcer, mais tu pourrais l'appeler maintenant, fit l'italien qui regardait toujours la houle des vagues, il est midi, elle n'est surement plus en cours.
Noah tendit le portable de Morgan qui était resté couché sur son sac, évitant le contact du sable.
-Maintenant ?
-Bah oui banane. Je te passerais pas le tel sinon.
Morgan leva les yeux au ciel et se redressa. Noah se mit en tailleurs et regarda le plus jeune chercher le numéro d'Emma dans ses contacts.
Morgan appuya sur le visage souriant de sa petite soeur et attendit que la sonnerie le redirige vers le répondeur de la jeune fille. Mais la noiraude répondit au bout de trois sonneries.
-Allo ? Tu veux quoi ?
-Calme Emma, il faut que je te parle des vacances de Pâques.
-Oh oui ! S'exclama l'adolescente à l'autre bout du combiné, maman m'a dit que tu partais en Italie avec Noah, c'est grave bien !
-Parce que t'es déjà au courant ? Et ça te va de monter à Paris ?
-J'appréhende un peu de passer du temps avec la soeur de maman, avoua-t-elle d'abord, mais j'ai des amis dans la capitale. On a déjà des plans pour les vacances.
-Tu pouvais pas me le dire plus tôt ? Soupira Morgan qui entrevit le visage souriant du tacheté sur sa gauche.
-Je comptais te le dire le jour où tu m'aurais annoncé que t'es en couple avec Noah, surenchérit la noiraude d'un ton détaché.
-Quoi ?
-Oh, s'te plaît je suis jeune, pas aveugle. Faudrait être papa ou maman pour pas comprendre pourquoi il passe sa vie à la maison et pourquoi vous dormez toujours ensemble dans la chambre d'amis, continua la jeune soeur de Morgan. Et j'ai lu les messages qu'Adam t'avait envoyé, il y allait pas mollo pour vous décrire d'ailleurs. Bon je te laisse, y a Hadja qui m'attend, bisous !
Sur ces bonnes parole, Emma raccrocha au nez de son grand frère. Morgan se tourna lentement, très lentement vers Noah, les yeux écarquillés.
-Alors ?
-Je suis perplexe, répondit-il faisant exploser de rire le jeune roux, mais je ne vois plus d'obstacles à ce qu'on parte ensemble en Italie. Si ma mère et ma soeur sont d'accord, mon père acceptera.
-Alors on part en Italie pour les vacances ? Demanda Noah les yeux pétillants.
-On part en Italie pour les vacances !