CHAPITRE QUARANTE-CINQ

231 11 4
                                    

Le silence qui règne dans la chambre est particulièrement représentatif de la phase que nous traversons Cameron et moi.

Depuis l'incident du feu de camp, il se montre très distant. Chaque fois qu'il m'approche, il hésite à me toucher ou à prononcer certains mots. Je sais qu'il se sent toujours coupable pour ce qu'il a fait. Il marche sur des œufs depuis ce jour-là. Je tente de faire bonne figure de mon côté mais ma torture est tout autre. Je me pose un milliard de question sur l'accident qui a tué son père tandis qu'il se reproche encore d'avoir presque battu à mort un garçon devant mes yeux. Nos maux sont différents mais notre mal-être nous éloigne tous les deux. La situation est loin d'être évidente. Cela fait déjà une semaine que ça dure et je n'ai toujours pas trouvé de solution à mon problème. Ma meilleure option reste encore d'amener Cameron à me parler de son père en espérant qu'il me dira toute la vérité.

Assise sur le lit que nous partageons, je lève les yeux de mon manuel de cours et prendre un instant pour observer Cameron du coin de l'oeil. Installé à ma droite, il griffonne sur son cahier de dessin. Il est concentré sur la pointe de son crayon. Toute son attention est entièrement focalisée sur ce qu'il est en train d'esquisser sur la page blanche. Il dessine depuis une heure déjà et il n'a pas décroché un mot. C'est toujours comme ça chaque fois qu'il ouvre son calepin. Il se plonge dans un autre monde et se coupe momentanément de la réalité.

En l'observant ainsi, je ne peux m'empêcher de repenser à cette histoire d'accident. J'essaie d'imaginer à quoi pouvait ressembler Cameron lorsqu'il était enfant. Je parie que ses yeux étaient déjà aussi noirs que le néant et qu'il était tout aussi fin qu'il l'est aujourd'hui. Je suppose que ses cheveux étaient déjà bruns. Cet air malicieux qu'il a en permanence sur son visage était sûrement déjà là, lui aussi. En revanche, j'ai du mal à l'imaginer dans une voiture alors que son père perd le contrôle du véhicule. Je suis incapable de visualiser l'accident. Ça fait trop mal. Je ne peux pas concevoir une telle souffrance. Je ne veux pas croire que Cameron ait pu vivre quelque chose d'aussi affreux. L'homme que j'aime est brisé par un traumatisme lourd et j'ai peur d'admettre que ce soit celui-ci. Depuis que j'ai eu cette conversation avec Stephen, je prie chaque jour pour que ce ne soit pas le cas. Je n'ai pas envie d'avoir à accepter l'impensable.

Néanmoins, je suis déterminée à obtenir la vérité, à tirer cette histoire au claire. Je ne tiendrais pas bien longtemps avant de perdre les pédales. Je ne veux pas continuer à vivre dans le doute et l'ignorance. C'est trop dur de vivre avec ça.

Tente quelque chose, Emery. C'est le moment ou jamais !

D'une voix hésitante, je me prépare à me jeter dans la gueule du loup.

-Cam...

-Ouais ?

Il ne quitte pas son dessin des yeux.

-Je peux te demander quelque chose ?

Il marmonne vaguement en guise d'approbation.

Je sais pertinement que j'entre en terrain miné mais il faut que je le fasse. Je dois savoir si Stephen a dit vrai ou non. Je vais peut-être me prendre un mur mais il faut tout de même que je tente le coup. Je n'ai pas grand-chose à perdre. Si Cameron se braque, je n'insisterais pas. Je veux seulement voir s'il m'a menti ou non. Je dois savoir si je ne veux pas devenir folle.

Je m'arme alors d'une dose considérable de courage et me lance en priant pour ne pas le brusquer.

-Parle-moi de ton père.

Il se fige instantanément. Sur le papier, son crayon en fait de même. Son corps se tend tout entier à côté du mien. Je vois sa mâchoire se crisper et son regard s'assombrir alors qu'il ne me regarde même pas. Une tension palpable s'installe progressivement entre nous.

THE WAY - LE MENSONGEWhere stories live. Discover now