CHAPITRE UN

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3 mois plus tard...


Debout devant le miroir sur pied de ma chambre, je la fixe longuement et une grimace se forme sur mes lèvres.

Je la déteste. Je la hais. A elle seule, elle me dégoûte de mon corps tout entier. Elle barre ma hanche de haut en bas sur presque vingt centimètre. Elle pourrait paraître insignifiante à n'importe qui mais, moi, je ne vois qu'elle.

Cette foutue cicatrice...

Chaque fois que mes yeux se posent sur elle, je me force à ne pas détourner le regard. Cette trace que le bistouri a laissé sur ma peau me répugne au plus haut point. Elle semble plus petite que ce qu'on pourrait imaginer mais, dans ma tête, elle est aussi grosse qu'une montagne. Une montagne que je suis incapable de surmonter. Pour moi, il n'y a plus qu'elle. Elle définit mon corps dans sa totalité. Je ne peux plus faire abstraction d'elle depuis que je l'ai vu pour la première fois.

Deux jours après l'opération, les infirmières ont changé mes bandages. C'est à ce moment-là que j'ai réellement prit conscience des conséquences de l'accident. J'ai eu la preuve visible de ce qu'il m'était arrivé. Ce jour-là, j'ai été confronté au dégoût soudain de mon propre corps.

Pendant des jours et des nuits, j'ai prié pour qu'elle s'efface, pour que la convalescence apaise la vivacité de cette trace atroce et indélébile. J'ai bêtement cru que le résultat serait moins terrible avec le temps. J'ai imaginé que la cicatrice serait moins visible au fur et à mesure de ma guérison.

J'ai eu tord.

La cicatrice est toujours là et elle est me rend plus laide que jamais.

Face à mon propre reflet, je vacille et baisse finalement les yeux. Je ne supporte pas de voir ma peau sans un état pareil. Je ne tiens jamais bien longtemps face à elle. J'ai la sensation qu'elle me nargue. Elle se moque de moi en me disant que je ne serais plus jamais une fille comme les autres. Elle gâche ma vie depuis le jour où je l'ai vu sur ma hanche. A cause d'elle, je ne m'accepte plus. J'ai mon corps en horreur.

Chaque matin, j'essaie de me confronter à elle pour tenter de m'y faire. Je me place devant mon miroir et la regarde de long en large en espérant que l'idée qu'elle soit là pour toujours se fixe enfin dans ma tête. Je reproduis cet exercice chaque jour et pourtant rien y fait. Je n'arrive pas à réaliser que cette cicatrice fait désormais partie de moi. Au fond de moi, je ne veux pas l'accepter. Je ne peux pas le concevoir. Je préfère alors fuir mon corps du regard et vivre douloureusement avec.

Après ce nouvel échec, je rabats ma robe sur mes cuisses et claudique vers mon lit. C'est là qu'est posée ma nouvelle compagne de tous les jours. La béquille noire avec laquelle je suis repartie de l'hôpital. Elle me soutient depuis le début de ma convalescence et m'est utile maintenant que je peux de nouveau me tenir debout.

Mon médecin m'a assuré que je ne boiterais que durant un temps. Dès les premières séances de rééducation, mon kinésithérapeute m'a affirmé lui aussi que je retrouverais la totalité de mes capacités. Mon boitement n'est que temporaire. Je pourrais bientôt remarcher de manière correcte. On m'a seulement conseillé de me déplacer avec ma béquille jusqu'à nouvel ordre. Je n'ai d'autre choix que d'accepter mon sort. Je veux me remettre de l'accident le plus tôt possible. Je ne supporte plus de vivre dans l'ombre de moi-même. Il faut que cet épisode de ma vie passe derrière moi une bonne fois pour toutes.

-Emery, à table ! entends-je mon père m'appeler depuis le rez-de-chaussée.

Je me saisis de la béquille et m'y appuie pour sortir de ma chambre. Ma démarche est boiteuse mais j'ai réussi à retrouver une vitesse de marche convenable. Je ne traîne plus comme j'ai pu le faire durant les premières semaines de convalescence. Je descend les marches une par une en prenant garde à ne pas aller trop vite. Je ne me presse pas.

THE WAY - LE MENSONGEWhere stories live. Discover now