Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIR

5-5 : SELENE

Le Parent

Les deux larrons finissent par réapparaître dans le séjour. Alors que Camaël fait disparaître les tâches sombres qui maculent son manteau dans simple clin d'oeil, Ming-ha se dirige directement vers le sosie de leur victime.

— Nous avons obtenu nos informations.

Allongé sur une belle persienne, son maître s'est tellement avachi que sa position mettrait à mal les articulations de tout être humain normalement constitué. Il relève la tête jusqu'à frôler ses omoplates avec son front pour pouvoir observer la cyclope sans avoir à se redresser.

— C'est un rond... du bon travail. Deng, tu sais ce qui te reste à faire.

Le jeune titan hoche la tête avant de remonter vers l'étage totalement silencieux. Il en redescend quelques minutes plus tard, le teint un peu plus pâle qu'à l'accoutumée. Ming-ha profite de cet instant pour murmurer ce qu'elle a appris à l'oreille du leader du groupe, dont les sourcils se froncent et se redressent successivement.

— Voilà qui ne me surprend pas de Morphée, il n'y a que lui pour se dissimuler juste sous le nez de ses descendants. Allons-y !

Les six intrus quittent la villa en silence. Leur marche les conduit cette fois-ci au pied du plus haut bâtiment de la cité sélénite, l'imaginarium. Camaël attrape de nouveau son outre, et quelques instants plus tard, les grilles d'or de l'institution s'entrouvrent sur le jardin intérieur. Ils pénètrent le hall d'entrée y sans croiser âme qui vive. Celui qui a revêtu l'apparence de Salma relève le nez vers le portrait titanesque de Morphée qui fait face à la porte. Sa démarche est étrangement chaloupée, comme s'il avait des difficultés à apprivoiser cette nouvelle apparence.

— Je m'émarge... me charge de Morphée. Couturez mou le zeste... Occupez-vous du reste.

Les cinq subordonnés franchissent les portes battantes de l'usine de mise en forme. Le seul vigile de l'institut, installé à côté des stocks de rêves prêts à être expédiés, sursaute précipitamment en voyant ces intrus débouler en face de lui.

— Qui êtes-vous ?

Ming-ha a un mouvement de poignet ennuyé, comme pour chasser une mouche. Le vigile s'écrase au sol sous le coup d'une gravité trois fois supérieure à celle à laquelle son corps est habitué. Alexeï doit attraper son poignet au vol pour l'empêcher d'aller plus loin.

— Doucement. Il nous sera utile en vie.

Le chroniqueur s'agenouille devant le pauvre homme. Il pose deux doigts sur le tatouage en forme de spirale qui orne son front, en même temps que deux autres sur le front de sa victime. Il ferme mes yeux et se concentre intensément. Les souvenirs qui l'intéressent sont extrêmement faciles à trouver, étant simplement les plus récents du lot. Il n'a qu'à froncer les sourcils pour y remplacer les cinq étrangers qui ont déboulé dans l'entrepôt par une Salma échevelée, au regard fou et aux bras encombrés d'explosifs.

— Voilà qui est fait. Mettons-le à l'abri.

Ming-Ha fait léviter le vigile inconscient jusqu'à un renfoncement à couvert. Pendant ce temps-là, Deng attrape ce qui semble être de petits crayons rouges pendus à sa ceinture. Il les décompte en plissant le nez.

— Cela devrait faire l'affaire.

Il rend leur taille originale aux bâtons de dynamite d'un simple claquement de doigts.

— Quoiqu'il vaut mieux en faire trop que pas assez.

Les explosifs deviennent deux fois plus gros. Le titan les partage avec ses associés, qui les disposent sous ses instructions en des points stratégiques du bâtiment. Une fois les charges posées, Deng attrape une masse poisseuse du bout des doigts.